jeudi 27 août 2009

HONDURAS : « La priorité c’est le retour à la démocratie»

Entretien exclusif avec ARISTIDES MEJIA CARRANZA, Vice-président de la République du Honduras en exil, à l’occasion d’une visite officielle en France
par Sébastien Madau, La Marseillaise, 27/8/2009

Aristides Mejia Carranza est vice-président de la République du Honduras en exil. Il est de passage en France pour rencontrer des membres du ministère français des Affaires étrangères et des responsables de l’Union européenne. Il a accordé un entretien exclusif à "La Marseillaise".

- Avez-vous pu entrer facilement sur le territoire français étant donné que le représentant d’Interpol au Honduras a demandé de vous faire arrêter, vous ainsi que d’autres ministres pour des faits de corruption ?

C’est exact, mais il n’a aucune légitimité. Au Honduras, Interpol est représenté par un policier aux ordres d’un pouvoir illégitime qui n’est pas reconnu. Les autorités françaises ont été averties de mon arrivée et vous voyez, je n’ai pas été arrêté. J’ai été reçu par le ministère des Affaires étrangères avec une escorte officielle.


- Quelles sont les dernières informations provenant du Honduras ?

La situation se dégrade de jour en jour. Chaque manifestation subit la répression et des arrestations. La Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) rentre du Honduras où elle a recueilli des déclarations de victimes d’arrestations et d’agressions. Le danger c’est que plusieurs médias ont été fermés. Du coup, les gens ne savent pas à quel point leur pays est isolé, politiquement et économiquement.

Heureusement, les putschistes perdent certains de leurs soutiens. Depuis deux semaines par exemple, la classe moyenne descend aussi dans la rue alors qu’elle était restée silencieuse jusqu’à présent.

- Les Accords de San José, présentés par le médiateur Oscar Arias, président du Costa-Rica, sont-ils selon vous une base solide de dialogue ?

Pour nous, oui. Une délégation de l’Organisation des Etats Américains (OEA) est allée au Honduras pour rencontrer le Gouvernement putschiste et essayer de lui faire accepter ces accords. Nous verrons bien, même si je n’ai pas beaucoup d’espoirs. Le président Zelaya a estimé que ces accords assuraient une solution diplomatique. Mais le Gouvernement putschiste de Roberto Micheletti n’accepte pas la première condition : le retour au pouvoir sans condition de Manuel Zelaya.

Quant à la question de l’amnistie, ils disent qu’ils demanderont aux différents pouvoirs de l’Etat (Congrès, Cour Suprême…) de statuer mais cela n’a aucune chance d’aboutir car ces organes ont eux aussi activement participé au putsch.

- Le 24 juillet, le président Manuel Zelaya a franchi la frontière avant de revenir au Nicaragua. Pourquoi ne tente-t-il pas une nouvelle incursion ?

Cette action a été réalisée dans le but de ne pas laisser tomber la résistance intérieure hondurienne. Mais deux dangers sont rapidement apparus : l’arrestation et l’assassinat. Nous avons décidé de poursuivre par la voie diplomatique mais nous sommes conscients que ces négociations s’épuiseront s’il n’y a pas de résultats positifs rapides.

-Le président Zelaya est-il en relation directe avec cette résistance intérieure ?

Tout à fait. Le président possède de nombreux soutiens au sein du Parti Libéral (le parti de Micheletti et de Zelaya, NdR) en plus de personnalités indépendantes, d’intellectuels, de syndicats ou de partis de gauche. Cette diversité a peut-être un projet de société qui comporte des différences, mais elle s’est réunie pour le rejet des putschistes, le retour de Manuel Zelaya au pouvoir et le rétablissement de la démocratie.

-Les élections présidentielles prévues le 29 novembre peuvent-elles finalement résoudre la crise ?

Il faut que le président Zelaya soit réinstallé pour que la transition se fasse dans de bonnes conditions (les élections doivent avoir lieu en novembre 2009 et l’installation du nouveau président en janvier 2010. Manuel Zelaya ne pourra pas se présenter car le mandat présidentiel n’est pas renouvelable, ndr). Or, dans ces conditions, les élections n’ont aucune légitimité. D’abord parce que le candidat du Parti Libéral Elvin Santos fait partie de ceux qui ont participé au coup d’Etat. Ensuite parce que des candidats comme celui de gauche César Ham ont déjà été agressés.

Les conditions d’une vraie démocratie ne sont pas réunies pour ces élections. Il faudrait que le futur gouvernement soit libre de rassembler le peuple après les élections sur la question de la réconciliation nationale. C’est impossible à imaginer aujourd’hui.

-Le 28 juin, tout est parti du refus de l’armée d’installer une quatrième urne lors d’élections. Cette urne visait à consulter le peuple sur des réformes éventuelles. Cette consultation est-t-elle toujours d’actualité ?

La quatrième urne a été rejetée par les putschistes parce qu’ils ne veulent pas changer de système politique alors que les manifestants disent que c’est nécessaire. Le processus n’est pas mort. Au contraire, il est encore plus d’actualité. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le plus important. Le plus important c’est le rétablissement de la démocratie, des élections dans de bonnes conditions et le départ des putschistes.

-Le Honduras est un petit pays, mais l’affaire a pris une énorme ampleur en Amérique latine.

Ce n’est pas uniquement un problème hondurien. Le risque c’est que notre pays devienne un mauvais précédent. Si le coup d’Etat du Honduras persiste, certains groupes pourront envisager de faire de même dans leur pays, si leur président ne leur plait pas. C’est pour cela qu’il faut en finir avec ce régime putschiste.

L’Irlande et la Dernière Croisade britannique pour reconquérir la Palestine


Un retour salutaire sur l'année 1917, celle de la Déclaration Balfour et de la "libération" par les Britanniques de Jérusalem, qui marque le démarrage sérieux du projet sioniste de colonisation. L'auteur irlandais Pat walsh analyse le rôle de l'aile sioniste de l'Église anglicane dans la msie en place de ce projet funeste et la soumission de la bourgeoisie "éclairée" irlandaise à ce projet.

"Palestine-Irlande: une seule lutte": le mouvement républicain irlandais s'identifie naturellement à la résistance palestinienne depuis les années 1960


Le 9 décembre 1917, il y a quatre-vingt dix ans ce mois ci, Jérusalem fut reprise par la Grande-Bretagne pour le compte de la chrétienté. Ceci fut considéré en Angleterre comme l'événement majeur de la guerre. Lloyd George imposa un embargo sur les informations pour reporters de presse, jusqu'à ce qu'il ait pu annoncer la nouvelle à la Chambre des Communes (à l'époque, le parlement était encore important). Pour fêter la « libération » de la ville sainte des Musulmans, après 730 ans [Salâh-uddîne, Saladin, avait libéré Jérusalem des Croisés en 1187, NdT], les cloches de l'Abbaye de Westminster sonnèrent pour la première fois depuis trois ans et elles furent suivies par des milliers d'autres dans toute l'Angleterre.
Le Général Allenby, le libérateur (l’occupant, NdT) de Jérusalem, et un descendant de Cromwell, déclara à Jérusalem que les croisades étaient terminées. Après l’avoir entendu, les Arabes, qui avaient été encouragés à combattre pour la Grande-Bretagne (en déclenchant la Révolution Arabe de juin 1916 contre les Turcs, NdT) et qui avaient vu les Britanniques comme des libérateurs, commencèrent à fuir. Et depuis ils ne cessent de fuir.
Le grand élan de triomphalisme chrétien produit par la prise de Jérusalem ne se limita pas à l'Angleterre. Voici comment The Irish News à Belfast présentait l’apothéose de la dernière Croisade, dans son éditorial du 11 Décembre 1917 :
« ‘Ton trône est tombé, ô Israël !’* Le pouvoir des Musulmans sur la « Terre Promise » est enfin tombé : nous pouvons supposer qu’avec l'entrée des troupes du Général Allenby à Jérusalem, on a pratiquement mis un terme au règne des Turcs sur la Palestine ... Quand la Terre Sainte aura été entièrement sauvée de la domination turque, qui la possèdera et l'administrera ?

Le Honduras, ligne de front du combat pour la démocratie


par ATTAC FRANCE, 17/8/2009

Le coup d’Etat du 28 juin 2009 contre le président élu du Honduras, Manuel Zelaya, a fait de ce petit pays centraméricain la ligne de front du combat pour la démocratie en Amérique latine. Les putschistes civils et militaires, véritable concentré de l’oligarchie locale, sont en train d’installer une dictature dont la région a une tragique expérience : assassinats (déjà au moins une dizaine), disparitions, tortures - notamment par le sinistre Bataillon 3-16 créé par la CIA dans les années 1980 -, arrestations par milliers, contrôle absolu des médias, etc.
Pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel, donc le rétablissement du président Zelaya dans ses fonctions, et face à l’intensification de la répression, les forces populaires regroupées dans le Front national de résistance ont adopté une stratégie d’actions non violentes. Des éléments provocateurs à la solde des putschistes tentent cependant de les dévoyer pour justifier les exactions de l’armée et de la police. Le courage des démocrates honduriens force l’admiration et le mouvement Attac leur témoigne sa totale solidarité.

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mercredi 26 août 2009

Les détrousseurs de cadavres

Deux articles à lire sur l'affaire des vols d'organes de Palestiniens par les Israéliens
Les détrousseurs de cadavres d’Israël
par Kawther Salam, journaliste palestinienne exilée à Vienne, Autriche:
Indépendamment de l'article publié récemment par le journaliste suédois Donald Boström sur le meurtre de Palestiniens par les Israéliens pour prélever des organes à des fins de trafic, et indépendamment des cris d’orfraie hystériques et des dénégations israéliennes, je tiens à présenter à mes lecteurs ce que j'ai vu, entendu et observé au cours de mes 22 ans de travail de journaliste sous occupation militaires israélienne en Cisjordanie et à Gaza.
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Original : The Body Snatchers of Israel

La guerre des Khazars contre les Vikings aura-t-elle lieu ?
par Ayman El Kayman
C’est la question à un milliard de shekels (ou de couronnes) : Israël va-t-il déclarer la guerre à a Suède ? Les missiles à tête nucléaire hébreux ont-ils une portée suffisante pour atteindre Stockholm ou au moins Malmö ? Si Israël attaque la Suède, se rend-il compte qu’il verra se dresser contre lui des centaines de milliers de combattants vikings, de Reykjavik à Odense et de Kiruna à Trondheim ?
C’est que les Vikings, voyez-vous, sont des gens très susceptibles, au moins autant que les Khazars –ce que sont les Ashkénazes qui dirigent Israël, qui sont aussi peu sémites que la queue d’un crocodile. Et il ne fait pas bon leur marcher sur les sabots.Cela fait longtemps que l’appareil sioniste a les Scandinaves dans le collimateur. À quoi cela est-il du ? Aux lointains souvenirs, inscrits dans les gènes, des affrontements entre Vikings et Khazars du côté de la Volga ? Pas tellement. Plutôt au fait que les Suédois et les Norvégiens ont depuis longtemps adopté une attitude plutôt...
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mardi 25 août 2009

Colombie endolorie et amère

par le Collectif de Réfugiés Colombiens dans les Asturies « Luciano Romero Molina », 18/8/2009
Extrait:

"Nous sommes persuadés que le gouvernement d'Obama connaît les atrocités commises par Uribe, mais qu'il les tolère en échange de pouvoir installer immédiatement sept bases militaires de l'armée US sur le territoire de la Colombie, menaçant la paix, les démocraties et la stabilité militaire d'une Amérique du Sud lasse de néocolonialisme.
Mais… et l'Europe et l'Espagne ? Pourquoi gardent-elles le silence face à tant de crimes ? Nous ne voulons pas penser que c’est par intérêt économique. Nous ne trouvons toutefois pas d’autre explication à tant d’affection et collaboration politique, policière et militaire de l'Espagne avec la satrapie colombienne."

Lire l'article dans son intégralité ici

Il faut sauver Israël de son gouvernement

Helle Klein, rédactrice politique en chef du quotidien suédois Aftonbladet, revient une fois de plus sur le scandale des vols d'organes de Palestiniens et la campagne menée par le gouvernement Netanhyaou-Lieberman-Ya'alon contre la Suède, dans un éditorial daté du lundi 24 août 2009, qu'on peut lire en français ici.

Afghanistan : Une bombe silencieuse

par Juan GELMAN, 23/8/2009. Traduit par Gérard Jugant, édité par Fausto Giudice , Tlaxcala

Peu d’entre vous se souviennent sans doute que Laura Bush joua à la féministe extrême quand elle plaida pour la guerre en Afghanistan pour en terminer avec “l’oppression des femmes” sous les talibans. Il y eut toute une campagne internationale préalable en faveur des droits bafoués des femmes afghanes et leur “libération” a été un des arguments avancés par les USA et leurs alliés pour envahir l’Afghanistan le 7 octobre 2001. Comme on le sait, le régime taliban fut renversé en novembre, et en décembre fut mis en place un gouvernement de transition dirigé par Hamid Karzaï, élu président par le vote populaire en 2004 et peut-être réélu aux élections de jeudi dernier.

Le statut des femmes était plus que dur et humiliant sous le régime taliban. Dès l’âge de 8 ans il leur était interdit d’entrer en contact avec un homme qui ne soit pas de leur famille. Les femmes ne devaient pas marcher seules dans la ruesni parler à voix haute en public ni ne pouvaient se pencher au balcon de leur maison, ni étudier, ni travailler, ni aller en bicyclette ou en motocyclette ou dans un taxi à visage découvert, elles devaient porter la burqa et de fait vivaient aux arrêts domiciliaires. Le châtiment pour celles qui violaient ces normes était public et cruel. Presque huit ans après le renversement du système, les choses ne se sont pas beaucoup améliorées.

Bien sûr quelques femmes occupent des sièges au Parlement afghan et des millions de filles vont maintenant à l’école primaire. Mais les restrictions augmentent pour les études secondaires : seulement 4 pour cent d’entre elles les terminent. “La violence contre les femmes est endémique, elles sont menacées en public et plusieurs ont été assassinées” (The Washington Post, 18.8.09). Le “démocrate” Karzaï a aggravé cette situation.


Sitara Achakzai, assassinée à en Kandahar en avril 2009


Le 27 juillet dernier, profitant peut-être du fracas de la guerre, il a placé une bombe silencieuse : la loi du statut personnel chiite, qui permet aux hommes chiites de priver leur femme de nourriture et de soutien si elles se refusent à leurs exigences sexuelles quand ils les manifestent. Les droits de garde des enfants restent aux mains des pères et des grands-parents et elles doivent demander la permission à leurs maris pour travailler. Cette loi est en vigueur pour la minorité chiite du pays et viole l’article 22 de la nouvelle Constitution afghane qui stipule qu’hommes et femmes “ont les mêmes droits et obligations devant la loi”. Elle transgresse aussi la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, dont l’Afghanistan est signataire. Et plus, en clair : elle réimpose un régime familial que les talibans applaudiraient.

Karzaï avait fait une première tentative de promulguer ces règlements début avril de cette année, mais la protestation internationale l’obligea à promettre des modifications et quelques corrections furent effectivement introduites. Plutôt dans sa rédaction : “Des experts de la loi islamique et des militants des droits humains déclarent que, bien que le texte de la loi ait été changé, bien des dispositions qui avaient alarmé les groupes pour les droits des femmes sont conservées ” (The Guardian, 15.8.09). Par exemple, celle du tamkin-signalée plus haut-qui qualifie de “désobéissante” la femme qui ne montre pas de promptitude à satisfaire le désir sexuel de son mari et qui reçoit en conséquence la pénalité suivante : pas de sexe, pas de nourriture.

Le président afghan a pris cette mesure dans le but de gagner l’appui électoral des chiites face à l’augmentation alarmante de la popularité de son principal adversaire, Abdullah Abdullah, qui est passé en deux mois de 7 à 26 pour cent des intentions de vote. En dépit de ses promesses d’améliorer la situation des Afghanes, Karzaï a choisi de satisfaire ceux qui pensent encore que la femme est un objet jetable. Durant la campagne électorale il a courtisé l’ayatollah Mohseni qui se considère lui-même comme le leader des chiites du pays, et d’autres dirigeants musulmans de ligne dure. La conséquence serait cette loi.

« Karzaï a conclu le traité impensable de vente des femmes afghanes en échange de l’appui des fondamentalistes aux élections du 20 août », souligne Brad Adams, directeur pour l’Asie de Human Rights Watch (Reuters, 14.8.09). « On supposait que ce genre de loi barbare », ajoute t-il, « avait été reléguée au passé avec le renversement des talibans en 2001. » Beaucoup de détracteurs de la loi ont reçu des menaces de mort, qui ont été exécutées dans le cas de Sitara Achakzai, une éminente défenseuse des droits de la femme qui a été assassinée par balles à Kandahar (www.hrw.org, 15.4.09). Mais l’Occident n’a pas encore réagi devant les nouvelles dispositions. Peut-être parce qu’Obama a souligné que la guerre en Afghanistan est non seulement juste, mais encore nécessaire.

lundi 24 août 2009

Le Paraguay oublié

par Guillermo F. PARODI, Asunción, 22/8/2009. Traduit parEstban G., édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : El Paraguay olvidado


C’est avec l’expérience de plus de 20 ans de psychanalyse, que j’ose m’avancer sur un sujet difficile et controversé : Que ce passe t-il au Paraguay ?

Il y a en réalité une évidence inéluctable. Lugo n'est pas le pur et blanc « Évêque des pauvres ». Lugo survit en souriant parce qu'il fait une dissociation schizophrène. Un ami jésuite qui le connaît depuis longtemps, nous avait dit : « Écoutez les gars : Lugo a fait la prouesse de virer le Parti colorado qui était au pouvoir depuis 60 ans, ça a été une bonne chose, mais de ce que je sais, ne vous faites plus d'illusions sur lui. »


Doté d’une forte constitution, haut de 1.90 m et avec des dents qui peuvent casser une pierre d'une seule morsure, Lugo est tel qu’il a toujours été, indécis, et sans courage pour les grands changements.


Quand on le voit avec les membres de l’ALBA on pourrait dire que, c’est un révolutionnaire, mais quand il retourne dans son pays et qu’il doit abolir une loi qui protège les citoyens contre les pesticides, qui ont déjà tué et continuent à tuer des villages entiers, il n’hésite pas et abolit la loi. Comme il semble difficile d’affronter les puissants membres de la Sociedad Rural [Société Rurale], alors le tractorazo [manifestation à bord de tracteurs, forme de protestation habituelle des paysans en Argentine et au Paraguay, NdE) a été annulé.


Le Paraguay est un des rares pays du monde qui ne prelève pas d’impôts sur les revenus personnels. Il y a des personnes qui gagnent environ 100.000 dollars par mois et n'apportent rien au trésor public. La Chambre des députés avait mis le veto sur le projet de loi gouvernemental instaurant l'impôt sur le revenu. Bien entendu, les députés auraient été également obligés de le payer. Les entreprises payent des impôts, mais toutes celles que je connais ont une double comptabilité. Une pour elles-mêmes et une autre pour le fisc. S’il se produit un quelconque préjudice, il y a toujours la possibilité de renflouer (dessous de table). Le seul impôt que nous payons tous est la TVA, que les grands supermarchés déduisent de leurs achats mais que nous, simples citoyens, sommes obligés de payer en tant que consommateurs en fin de chaîne. Les économistes savent bien que c'est un impôt lamentable qui sanctionne les plus pauvres, qu’il est négatif ; que les impôts les plus avantageux, les plus justes, sont les impôts directs qui prennent en compte les revenus du contribuable, mais au Paraguay il n’est pas ainsi.


Face à ce manque de poigne, de courage révolutionnaire, le gouvernement n'a pas de ressources. La promulgation de la Réforme Agraire, qui pourrait être faite en quelques heures vu qu’on dispose de listes de terres usurpées - sur lesquelles il y a même un livre qui a déjà été publié -, a été reportée à… 2020 ! C'est-à-dire que les « sans terre » sont toujours sans terre. Les « sans-abri » chercher toujours un abri. Les indigènes se réfugient dans les places de la ville d'Asunción en attendant les terres promises. La violence urbaine augmente.


Le Paraguay, un pays sans problème ethnique ou religieux, ne manquant pas d’eau, ni d'énergie ni de terres fertiles, est le second pays le plus pauvre d’Amérique du sud, suivi par la Bolivie qui va bientôt le devancer. Que faire ?


La seule chose qui est menée à bien, est la renégociation du Traité d'Itaipú, initiée sur les conseils d'Eric Toussaint (qu’ils avaient engagé puis viré). Je clarifie qu'Eric Toussaint était venu au Paraguay sous une seule condition : billet en classe économique et logé chez un militant. Il n'a perçu aucun honoraire ! Un exemple magnifique pour les « militants » qui veulent le pouvoir et l’argent. Et la nouvelle négociation, poursuivie par des authentiques patriotes et militants, est allée de l’avant. Il me vient à l'esprit les noms d’Hugo Ruiz Díaz Balbuena et évidemment Ricardo Canese, mais je ne veux pas oublier deux autres patriotes dont je ne connais pas les noms ayant fait partie du groupe qui a dû affronter, rien moins que les experts d'Itamaratí [le ministère brésilien des Affaires étrangères, NdE]. La bataille n'est pas gagnée, mais les avancées réalisées ont été importantes et intelligentes.


Le reste fait couler des larmes de frustration.

Je me suis alors rappelé le discours d'un grand libertaire, Alexandre Soljenitsyne (1918-2008), à l'Université d’Harvard en 1978. Je transcris le texte, qui s’applique à la situation actuelle du Paraguay :

« Le déclin du courage


Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l’Occident aujourd'hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations Unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d'où l'impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel mais ce ne sont pas ces gens-là qui donnent sa direction à la vie de la société. Les fonctionnaires, politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et plus encore, dans les considérations théoriques qu'ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d'agir, qui fonde la politique d'un État sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu'on se place (…).


Faut-il rappeler que le déclin du courage, depuis l'antiquité la plus éloignée, a toujours été considéré comme le signe avant-coureur de la fin ? »

Que manque t-il au Paraguay ? Avec mes 25 ans d’expérience de militant je peux affirmer avec conviction : la décence et l’audace. Le reste viendra en supplément.


Il est urgent que les peuples d’Afrique passent à l’action »

Déclaration finale du 8ème Forum des peuples de Bandiagara au Mali
(8 au 10 juillet 2009)
La 8ème édition du Forum des peuples, à Bandiagara (région de Mopti) au Mali, s’est déroulée du 8 au 10 juillet 2009 dans un contexte de crises internationales (crise financière, crise économique, crise alimentaire, crise écologique et crise sociale). Le constat est sans appel : il s’agit bien d’une crise structurelle du système capitaliste mondial.
Dans ce contexte, le G8, ce directoire illégitime et anti-démocratique, réuni en Italie, prétend apporter des solutions, alors que ce sont leurs recettes qui ont conduit le monde à cette situation dramatique. Les peuples du monde ne sont pas dupes, ils n’attendent rien d’eux. Il en est de même pour le G20, tout aussi illegitime malgré la présence de quelques pays dit émergents.
Ces crises ont un impact dramatique sur les conditions de vie des populations, particulièrement les plus pauvres d’entre elles. Bandiagara, où se tient le Forum des peuples reflète d’ailleurs bien les conséquences de ces crises multiples et connexes : pauvreté, manque d’eau, faible scolarisation, récoltes insuffisantes...

Croyez-vous en Dieu, oui ou non?


par Jorge Majfud, 30/5/2009. Traduit par Pierre Trottier

Original: ¿Cree usted en Dios, sí o no?
English: Do You Believe in God? Yes or No.
Sur l’auteur

Ils me demandent si je crois en Dieu et ils me préviennent qu’ils n’ont besoin que d’une seule phrase.
Je m’assieds, mais : pourquoi insistez-vous à me soumettre à la tyrannie d’une semblable question? Si vraiment ma réponse vous intéresse, vous aurez à m’écouter. Sinon, bonsoir. Rien ne se perd.

La question, comme tant d’autres, est tricheuse...

Vous m’exigez un oui ou un non clair. Il y aurait une de ces réponses bien claire si le Dieu sur lequel vous m’interrogez était aussi clair et défini. Aimez-vous Santiago? Pardon : quel Santiago? Santiago de Compostelle ou Santiago du Chili? Santiago de l’Estuaire ou Santiago Matamore?

Bon, regardez, mon plus grand désir est que Dieu existe. C’est la seule chose que je lui demande. Mais pas n’importe quel Dieu. Il semble que presque tous sont d’accord en ce que Dieu est unique mais, si c’est vrai, il faudra reconnaître que c’est un Dieu à multiples personnalités, de multiples religions et de haines mutuelles.

La vérité est que nous ne pouvons croire en un Dieu qui chauffe les cœurs pour la guerre et qui inspire tant de terreur que personne n’est capable de bouger d’une virgule. Pour lequel mourir et tuer par ce mensonge est une pratique commune; questionner cela relève d’une singulière hérésie, qui est faite sur mesure et à la convenance de nations sur d’autres, de classes sociales sur d’autres, de races sur d’autres. Un Dieu qui pour son divertissement a créé des hommes condamnés à partir de leur naissance, et d’autres élus jusqu’à la mort et qui, en même temps, s’enorgueillit de son universalité et de son amour infini.

Comment croire en un dieu aussi égoïste, aussi mesquin? Un dieu criminel qui condamne l’avarice et l’accumulation d’argent et récompense ses avares élus avec plus de richesses matérielles. Comment croire en un dieu en cravate les dimanches, qui crie et se gonfle les veines condamnant ceux qui ne croient pas en de semblables apparats de guerres et de domination? Comment croire ne un dieu qui au lieu de libérer soumet, châtie et condamne? Comment croire en un dieu mesquin qui a besoin de la petite politique de quelques fidèles afin de se gagner des votes? Comment croire en un dieu médiocre qui doit utiliser la bureaucratie sur la terre afin d’administrer ses affaires au ciel? Comment croire en un dieu qui se laisse manipuler comme un enfant effrayé dans la nuit et qui sert chaque jour les intérêts les plus répudiables sur la terre? Comment croire en un dieu qui dessine de mystérieuses images sur les murs humides afin d’annoncer à l’humanité que nous sommes en train de vivre des temps de haine et de guerres? Comment croire en un dieu qui se communique à travers des charlatans du coin, qui promettent le ciel et qui menace de l’enfer celui qui passe, comme s’ils fussent des courtiers de bien-fonds?

De quel Dieu sommes-nous en train de parler lorsque nous parlons du Dieu Unique et du Tout-Puissant? Est-ce le même Dieu qui commande à des fanatiques de s’immoler dans un marché, le même Dieu qui commande à leurs avions de décharger l’enfer sur des enfants et des innocents en son nom? Peut-être que oui. Alors, je ne crois pas en ce dieu. Pour mieux dire, je ne veux pas croire qu’un tel criminel soit une force surnaturelle. Parce que nous avons assez de notre propre méchanceté humaine. Seulement, la méchanceté humaine ne serait pas aussi hypocrite si elle se consacrait à opprimer et à tuer en son propre nom, et non au nom du Dieu créateur et bon.

Un Dieu qui permet à ses manipulateurs, qui ne possèdent pas la paix dans leur cœur, de parler de la paix infinie de Dieu pendant qu’ils vont condamnant ceux qui n’ont pas la foi. Ceux qui n’ont pas la foi dans cette tragique folie qu’ils attribuent à Dieu chaque jour. Des hommes et des femmes sans paix qui se disent élus par Dieu et l’acclamant aussi parce qu’il en ressort que cela ne leurs soit pas suffisant que Dieu les ait élus pour leurs douteuses vertus. Ces terroristes de l’âme qui menacent de l’enfer, avec des voix suaves ou des cris ceux qui se risquent à douter de tant de folie.

Un Dieu créateur de l’Univers qui doit s’accommoder des murs étroits de maisons consacrées et d’édifices sans maléfices élevés par l’homme, non afin que dieu ait un lieu dans le monde mais afin de le retenir dans ce lieu. C’est un lieu défini, c’est-à-dire, privatisé, contrôlé, circonscrit à des idées, à des paragraphes et au service d’une secte d’auto-élus.

Par la suite, l’accusation classique pour celui qui doute des réels attributs de Dieu établis par la tradition est celle d’orgueil. Les prédicateurs furieux, en échange, ne s’arrêtent pas un instant à réfléchir sur leur orgueil infini à appartenir, à guider et à administrer le club sélect des élus du Créateur.

La seule choses que je demande à Dieu c’est qu’il existe. Mais chaque fois que je vois ces hordes célestes, je me souviens de l’histoire, réelle ou fictive, du chef Hartuey, condamné au bûcher par le gouverneur de Cuba, Diego Vélasquez. Selon le père Bartolomé de las Casas, un prêtre qui l’assista dans ses dernières heures, essayant de l’assurer du ciel s’il se convertissait au christianisme. Le chef lui demanda si là il rencontrerait des hommes blancs. ‘’Oui – répondit le curé - , parce qu’eux ils croient en Dieu’’. Ce qui fut une raison suffisante pour que le rebelle se désiste à accepter la nouvelle vérité.

Alors, si Dieu est cet être qui chemine derrière ces adeptes en transe, en vérité, je ne peux croire en lui. Pourquoi faudrait-il que le Créateur donne à ses créatures la raison critique et que, par la suite, leurs exige une obéissance aveugle, des tremblements hallucinés, des haines incontrôlables? Pourquoi faudrait-il que Dieu préfère les croyants aux penseurs? Pourquoi faudrait-il que l’illumination soit la perte de la conscience? Ne serait-ce que l’innocence et l’obéissance ne se portent pas bien?

Et tout ceci veut-il dire que Dieu n’existe pas? Qui suis-je moi pour donner une pareille réponse? Seulement je me demande si le Créateur de l’Univers peut réellement entrer dans une coque de noix, dans la tête d’un missile.

dimanche 23 août 2009

Palestine : "On pille les organes de nos fils"

Les révélations du journaliste suédois Donald BOSTRÖM dans Aftonbladet
Traduit par MG/
ISM, révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala.
Original :
”Våra söner plundras på sina organ”
Anglais : “Our sons plundered for their organs”

Des Palestiniens accusent l’armée israélienne de voler des organes à ses victimes. Donald Boström raconte le scandale international des transplantations d’organes – et comment lui-même a été le témoin d’une atteinte au corps d’un Palestinien de 19 ans.

Vous pouvez m'appeler un "entremetteur", a déclaré Levy Izhak Rosenbaum, de Brooklyn, USA, sur un enregistrement secret réalisé par un agent du FBI qu'il croyait être un client. Dix jours plus tard, fin juillet de cette année, Rosenbaum a été arrêté et un vaste trafic d’organes et de blanchiment d'argent, digne des Soprano, a été démasqué dans le New Jersey, impliquant des rabbins, des élus et des fonctionnaires.


Unga palestinska män kastar sten och glasflaskor mot israeli Des jeunes Palestiniens jetant des pierres et des cocktails Molotov sur des soldats israéliens dans le nord de la Cisjordanie. C'est dans cette région que Bilal Ahmed Ghanan a été tué. Photo: Donald Boström


Bilal Ahmed Ghanan, 19 ans, a été tué par les soldats israéliens, qui ont emporté son corps. Le corps a été rendu à sa famille avec une suture allant de l'abdomen au menton - Photo: Donald Boström

Levy Izhak Rosenbaum förs bort av FBI-agenter. Rosenbaum ska Levy Izhak Rosenbaum lors de son arretsation par le FBI. Photo : AP


Le travail d’entremetteur de Rosenbaum n'a rien à voir avec le romantisme. Il s'agissait d'achat et de vente au marché noir de reins provenant d’Israël. Rosenbaum affirme qu'il achète des reins à des gens modestes pour 10,000 $ et les revend ensuite à des patients désespérés aux USA pour 160.000 $. Le temps d’attente pour un rein obtenu par les voies légales est en moyenne de 9 ans.

Les accusations ont ébranlé l’industrie américaine de la transplantation. Si elles sont vraies, c’est la première fois qu’un trafic d'organes est documenté aux USA, ont déclaré des experts au New Jersey Real-Time News.

A la question de savoir combien d'organes il a vendu, Rosenbaum répond: «Pas mal. Et je n'ai jamais échoué», se vante-t-il. Son commerce a duré pendant très longtemps.

Francis Delmonici, un professeur de chirurgie de transplantation à l'Université d’Harvard et membre du conseil d'administration de la National Kidney Foundation (Fondation nationale du rein), indique au même journal que le trafic d'organes, semblable à celui signalé en provenance d’Israël, a lieu dans d'autres endroits de la planète. On estime qu’environ 10% des 63 000 transplantations de reins dans le monde sont illégales, selon Delmonici.

Les pays soupçonnés de ces activités sont le Pakistan, les Philippines et la Chine, où les organes seraient prélevés sur des prisonniers exécutés. Mais les Palestiniens soupçonnent aussi fortement Israël de capturer des jeunes hommes qui lui serviraient à leur corps défendant, comme au Pakistan et en Chine, de réserves d’organes avant d’être tués. Une accusation très grave, avec suffisamment de points d’interrogations pour motiver la Cour internationale de Justice (CIJ) à ouvrir une enquête sur d'éventuels crimes de guerre.

Israël a été à maintes reprises critiqué pour sa gestion contraire à l’éthique des organes et des greffes. La France a été parmi les pays qui ont cessé la collaboration d'organes avec Israël dès les années 90. Le Jerusalem Post a écrit que «les autres pays européens devraient suivre l'exemple de la France prochainement."

Depuis le début des années 2000, la moitié des reins greffés à des Israéliens ont été achetés illégalement en Turquie, en Europe de l'Est ou en Amérique latine. Les autorités sanitaires israéliennes sont totalement au courant de ce commerce, mais ne font rien pour l'arrêter.

Lors d'une conférence en 2003, il a été démontré qu’Israël est le seul pays occidental dont le corps médical ne condamne pas le commerce illégal d'organes et qui ne prend aucune mesure légale contre les médecins qui participent à ce commerce illégal. Au contraire, les médecins-chefs des grands hôpitaux israéliens sont impliqués dans la plupart des transplantations illégales, selon le quotidien suédois Dagens Nyheter du 5 Décembre 2003.

Au cours de l'été 1992, Ehud Olmert, alors ministre de la Santé, avait tenté de régler la question de la pénurie d'organes en lançant une grande campagne visant à trouver des volontaires israéliens pour des dons d'organes post mortem. Un demi-million de tracts furent diffusés dans les journaux locaux, invitant les Israéliens à s’inscrire pour des dons d’organes après leur mort. Ehud Olmert avait été lui-même la première personne à s'inscrire.

Deux semaines plus tard, le Jerusalem Post signalait que la campagne avait été un succès. Pas moins de 35.000 personnes s’étaient inscrites, contre 500 par mois auparavant.

Toutefois, dans le même article, la journaliste Judy Siegel écrivait que l'écart entre l'offre et la demande était toujours important. 500 personnes étaient sur liste d’attente pour une greffe de rein, mais que seules 124 transplantations pourraient être réalisées. Sur les 45 personnes ayant besoin d'un nouveau foie, trois seulement pouvaient être opérées en Israël.

Pendant cette campagne, de jeunes hommes palestiniens ont commencé à disparaître dans les villages de Cisjordanie et de Gaza. Des soldats israéliens les ramenaient morts au bout de 5 jours, le corps ouvert.

Parler de ces corps charcutés terrorisait la population des territoires occupés. Il y avait des rumeurs d'une augmentation spectaculaire du taux de disparition de jeunes hommes, avec des enterrements nocturnes de corps autopsiés.

J'étais dans la région à l'époque, je travaillais sur un livre. À plusieurs reprises, j'ai été contacté par le personnel de l'ONU préoccupé par l'évolution de la situation. Les personnes qui me contactaient disaient que des vols d’organes avaient certainement lieu, mais qu'ils étaient empêchés d’agir contre cela.

Ayant trouvé un réseau de diffusion pour le reportage, je me suis alors déplacé dans le secteur pour interroger un grand nombre de familles palestiniennes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza : j’ai rencontré des parents qui ont raconté comment les organes de leur fils avaient été prélevés, avant d'être tués.

Un des exemples que j'ai trouvé lors de ce sinistre voyage fut celui le jeune lanceur de pierres, Bilal Ahmed Ghanan.

Il était près de minuit quand retentit le rugissement d'un moteur d’une colonne de l’armée israélienne à la périphérie d’Imatin, un petit village dans le nord de la Cisjordanie. Les deux mille habitants ont été réveillés. Ils se tenaient, ombres silencieuses dans l'obscurité, certains couchés sur les toits, d'autres cachés derrière les rideaux, les murs ou les arbres qui fournissaient une protection pendant le couvre-feu, mais offraient toujours une vue complète de ce qui allait devenir la tombe du premier martyr du village. Les militaires avaient coupé l'électricité et le secteur était maintenant une Zone Militaire Fermée – pas même un chat ne pouvait sortir sans risquer sa vie.

L'insupportable silence de la nuit noire était seulement interrompu par des sanglots silencieux. Je ne me souviens pas si nos frissons étaient dus au froid ou à la tension. Cinq jours plus tôt, le 13 Mai 1992, une force spéciale israélienne avait utilisé l'atelier de menuiserie du village pour tendre une embuscade. La personne pour qui l’action avait été mise en place était Bilal Ahmed Ghanan, l'un des jeunes lanceurs de pierres palestiniens qui menait la vie dure aux soldats israéliens.

En tant que l’un des principaux lanceurs de pierres, Bilal Ghanan, était recherché par l’armée depuis quelques d'années. Avec d'autres garçons lanceurs de pierres, il se cachait dans les montagnes de Naplouse, sans toit au-dessus de sa tête. Se faire prendre signifiait la torture et la mort pour ces garçons : ils devaient donc rester dans les montagnes, à tout prix.

Le 13 Mai, Bilal a fait une exception, lorsque pour une raison inconnue, il est passé sans protection devant l'atelier de menuiserie. Pas même Talal, son frère aîné, ne sait pourquoi il a pris ce risque. Peut-être les garçons étaient-ils sortis pour se réapprovisionner, leurs réserves de nourriture étant épuisées.

Tout s'est déroulé selon le plan de la force spéciale israélienne. Les soldats ont écrasé leurs cigarettes, posé leurs canettes de Coca-Cola, et ont visé calmement à travers la fenêtre brisée. Quand Bilal a été suffisamment proche, ils n’ont eu qu’à tirer sur la gâchette. Le premier coup l’a frappé à la poitrine. Selon des villageois qui ont été témoins de l'incident, il a été touché par une balle dans chaque jambe. Deux soldats sont alors descendus en courant de l'atelier de menuiserie et ont tiré à nouveau sur Bilal dans le ventre.

Puis, ils l’ont attrapé par les pieds et l’ont traîné sur les vingt marches en pierre de l'escalier de l’atelier. Les villageois racontent que les gens de l'ONU et du Croissant-Rouge se trouvaient à proximité, ont entendu la décharge et sont venus à la recherche de blessés ayant besoin de soins. Une discussion a eu lieu pour savoir qui devrait se charger de la victime. Les discussions se sont terminées avec le chargement de Bilal grièvement blessé dans une jeep par les soldats israéliens qui l’ont emmené à la sortie du village, où un hélicoptère de l’armée les attendait. Le garçon a été transporté vers une destination inconnue de sa famille. Cinq jours plus tard, il est revenu mort, enveloppé dans un tissu vert d’hôpital.

Un villageois a reconnu le capitaine Yahya, le chef de la colonne de l’armée, comme étant celui qui avait transporté Bilal depuis le centre d’autopsie d’ Abou Kabir, à l'extérieur de Tel Aviv, jusqu’à son dernier lieu repos. "Le capitaine Yahya est le pire de tous», a murmuré le villageois à mon oreille. Après que Yahya eut fait décharger le corps et changer le tissu vert contre un autre en coton léger, certains hommes de la famille de la victime ont été choisis par les soldats pour creuser la tombe et mélanger le ciment.

Malgré le bruit marqué des pelles, nous pouvions entendre les rires des soldats qui échangeaient quelques plaisanteries en attendant de rentrer chez eux. Quand Bilal a été mis en terre, sa poitrine a été découverte. Soudain, il est devenu clair pour les quelques personnes présentes à quel genre d'abus le garçon avait été exposé. Bilal n'était pas le premier jeune Palestinien à être enterré avec une incision du ventre jusqu'au menton et les spéculations allaient bon train sur le pourquoi de ces sutures.

Les familles en Cisjordanie et à Gaza étaient sûres de ce qui était arrivé à leurs fils : «Nos fils sont utilisés comme donneurs d'organes involontaires», m’a dit un proche de Khaled de Naplouse, de même que la mère de Raed de Jénine et les oncles de Mahmoud et Nafes dans la bande de Gaza, qui ont tous disparu pendant un certain nombre de jours avant de revenir de nuit, morts et autopsiés.

"Pourquoi sinon garder les corps pendant au moins cinq jours avant de nous laisser les enterrer? Qu'est-il arrivé aux corps pendant cette période? Pourquoi effectuent-ils une autopsie, contre notre volonté, lorsque la cause du décès est évidente? Pourquoi les corps sont-ils rendus de nuit? Pourquoi avec une escorte militaire? Pourquoi la zone est-elle bouclée pendant l'enterrement? Pourquoi l'électricité est-elle coupée?" L’oncle de Nafe était bouleversé, et il avait beaucoup de questions.

Les proches des Palestiniens morts n’avaient plus de doutes quant aux raisons de ces meurtres, mais le porte-parole de l'armée israélienne affirmait que les allégations de vol d'organes étaient des mensonges. Toutes les Palestiniens qui sont tués sont autopsiés, c’est la routine, dit-il.

Bilal Ahmed Ghanan a été l'un des 133 Palestiniens tués de différentes façons cette année-là. Selon les statistiques palestiniennes, les causes des décès ont été: tué dans la rue, une explosion, par des gaz lacrymogènes, délibérément écrasé, pendu en prison, tué à l'école, tué à la maison, etc.

Les 133 personnes tuées avaient entre 4 mois et 88 ans. Seule la moitié d'entre elles, 69 victimes, ont été autopsiées. L'autopsie « de routine » des Palestiniens tués - dont parlait le porte-parole de l'armée – ne reflète pas la réalité dans les territoires occupés. Les questions demeurent.

Nous savons qu'Israël a un grand besoin d'organes, qu’il existe un vaste commerce illégal d'organes, qui a lieu depuis de nombreuses années maintenant, que les autorités sont conscientes de cela et que les médecins à des postes de direction dans les grands hôpitaux y participent, ainsi que des fonctionnaires à différents niveaux.

Nous savons aussi que des jeunes hommes palestiniens ont disparu, qu’ils ont été ramenés au bout de cinq jours, de nuit, dans un secret absolu, recousus après avoir été ouverts du menton à l'abdomen, charcutés et recousus.

Il est temps d'apporter de la clarté sur ce commerce macabre, de faire la lumière sur ce qui se passe et ce qui s’est passé dans les territoires occupés par Israël depuis le début de l'Intifada.



samedi 22 août 2009

L'histoire des Cinq Cubains telle qu’on ne vous l’a jamais racontée

par Ricardo ALARCÓN DE QUESADA, 11-12/8/2009
Vous souvenez-vous d’Elián ?
L’affaire Elián González, un garçon de six ans, retenu par la force par des inconnus contre la volonté de son père, dans un défi ouvert à la loi US et à la décence, avait été largement rapportée par les médias dans le monde entier. Miami, le lieu de la séquestration, s’était transformée en une sorte de ville sécessionniste US, lorsque le maire, le chef de la police, les politiques, tous les quotidiens et les commentateurs de radios et de télévisions, de concert avec les institutions religieuses et patronales, s’étaient unis avec certains groupes violents des plus notoires obéissant aux ordres des groupes terroristes et violents pour s’opposer à l’ordre des tribunaux et du gouvernement de libérer le garçon.
Il avait fallu envoyer une équipe des forces spéciales de Washington DC, pour lancer une opération secrète et rapide afin d’occuper plusieurs maisons, désarmer les individus qui étaient fortement armés et cachés dans le quartier, sauver le garçon et restaurer la loi. Tout le monde avait suivi l’information. Jour après jour.
Mais presque personne ne savait, qu’au même moment, exactement au même endroit – à Miami - cinq autres jeunes Cubains avaient été arbitrairement privés de leur liberté et subissaient une grande injustice.
Gerardo Hernández, Ramón Labañino, Antonio Guerrero, Fernando González et René González avaient été arrêtés très tôt le matin du samedi 12 septembre 1998, et emprisonnés pour 17 mois, seuls, dans des cellules punitives. Depuis le début de l’instruction jusqu’au jugement, le principal chef d’accusation qu’avaient retenus les procureurs et le juge, était que les cinq jeunes Cubains avaient infiltré, pacifiquement et sans armes les groupes terroristes anti-Cubains dans le but d’informer Cuba sur leurs plans criminels.
Avec ce genre d’accusation, était-il concevable que qu’un quelconque révolutionnaire cubain puisse obtenir un jugement objectif à Miami ? Cela aurait-il été possible pendant la séquestration d’Elián, dans l’ambiance de violence, de haine et de peur qui régnait ?

Les stratégies de l’empire en Amérique latine

par Eduardo PAZ RADA, 20/8/2009

En dépit des fortes et importantes actions adoptées et des durs discours émis par les Nations Unies, l’Organisation des États Américains, les pays de la région en bloc ou individuellement face au coup d’Etat au Honduras, la stratégie des USA est en train de démontrer une haute efficacité après des années au cours desquelles ils paraissaient avoir perdu la capacité de manœuvre dans les décisions politiques sur le continent.
Non seulement parce que le président hondurien Manuel Zelaya lui-même, a mis entre les mains du gouvernement de Barack Obama les décisions déterminantes à prendre pour surmonter la crise, mais parce que les actions adoptées au niveau régional n’ont pu, jusqu’à présent, faire fléchir l’oligarchie hondurienne et les secteurs “durs” des Forces Armées. Il s’agit d’un clair signal que les luttes de libération nationale des peuples ne sont, ni ne seront simples et faciles étant donné que les structures de pouvoir économique et politique, sont en train de se recomposer à l’échelle nationale et internationale.



vendredi 21 août 2009

Civilisation et modernité : le mouvement indigène en Amérique Latine

par Mónica BRUCKMANN

La crise mondiale contemporaine se manifeste non seulement dans sa dimension économique et principalement financière, mais représente aussi une profonde crise de civilisation du capitalisme mondial comme mode d'organisation de la société et de production de la connaissance, en même temps qu'elle interroge fortement le système de pouvoir sur la planète. Nous assistons à la décadence d'un système hégémonique unipolaire qui a de plus en plus besoin de l'intervention militaire brutale pour valider sa condition de domination, transformant la civilisation occidentale en une usine à barbarie, en une fabrique de politiques irrespectueuses des principes fondamentaux de coexistence de l'humanité.

La vision eurocentrique
À la base de ce système de domination se trouve la perspective eurocentrique comme fondement idéologique et comme forme de production et de contrôle de la subjectivité des sociétés. La production et la reproduction de la vie matérielle des peuples et l'élaboration de ses imaginaires sont dominées par l'idée que la civilisation occidentale est le seul modèle de civilisation de la planète, et que toutes les autres civilisations -qu'importent leur niveau d'élaboration et de complexité, leur degré de développement ou leurs apports à l'humanité- sont à considérer à peine comme des cultures retardées par rapport au modèle imposé. L'arrogance de cette vision eurocentrique non seulement a justifié de violentes formes de colonisation et de colonialisme, mais elle s'est aussi transformée en une barrière cognitive qui a empêché l'Occident de connaître et de comprendre la complexité du monde et les plus anciennes et importantes civilisations de la planète. Ont été dédaignées de la sorte des connaissances millénaires, des formes d'organisation de la vie et de la société non-occidentale, des manières plus humaines de relation avec la nature et la vie, des sensibilités esthétiques hautement élaborées, de la production artistique et culturelle de grande importance, des apports philosophiques et y compris une dense pensée sociale produite hors des pays centraux d'Occident.
L'eurocentrisme a imposé une façon de faire de la science et un chemin unique de production de connaissance qui a réduit à la condition d'ascientifique, parascientifique ou folklorique toute cette connaissance produite en-dehors de ces canons. Dans cette perspective, le temps n'existe pas, parce que la connaissance est universelle et valable pour tout temps historique et pour toute réalité sociale de la planète. Cette incapacité de comprendre que la théorie, la science et la connaissance sont des produits historiques a représenté une des limitations principales de la science positiviste. Cette science, toujours plus préoccupée par sa cohérence interne que par la réalité sociale, s'est enfermée sur elle-même pour produire ses propres prémisses et octroyer à ses aspirations la condition de conclusions scientifiques. Elle a perdu, de cette manière, la capacité de comprendre la complexité du monde contemporain et de toute tentative de prévision de cadres futurs. L'humanité est sur la voie d'une rupture profonde avec ces paradigmes de science et avec cette vision du monde et de l'humanité.
Modernité contre retard ?
L'idée de modernité, comme mode d'existence sociale et modèle de développement, apparaît en Amérique Latine dans le centre même du système colonial et comme partie intégrante de cette structure de domination et de pouvoir. Il s'agit d'un moment dans l'histoire, comme le soutient le sociologue péruvien Aníbal Quijano à l'analyse de l'apparition de la notion de modernité, où les différents temps et histoires se forment dans des associations complexes, contradictoires et discontinues entre des structures fragmentaires et mutantes de relations de sens et de significations, parties d'un même et unique monde nouveau en pleine constitution. [1] L'idée de modernité apparaît alors à la base de la structure du pouvoir colonial, et se transforme en un mécanisme justificateur qui impose la civilisation occidentale comme l'unique voie d'atteindre le soi-disant « progrès ». Tout ce qui était en-dehors de cette vision et de cette forme d'organisation sociale était considéré comme pré-moderne ou retardé.
Cette notion de modernité, insérée organiquement dans la structure du pouvoir colonial, a eu une capacité énorme de destruction et de désarticulation des sociétés originaires d'Amérique Latine. Au nom de la modernité ont été détruites des structures entières de connaissance et de sagesse millénaire, ainsi que des modes avancés de production agricole et des formes d'organisation sociale communautaires. On a mis en pratique une action systématique de destruction de la mémoire collective des peuples et civilisations américaines, de leur imaginaire historique et de leur perception propre du passé et du futur. Cette capacité destructive énorme a aussi signifié l'extermination même des populations originaires qui, à l'arrivée des colonisateurs européens, s'estimaient à plus de cent millions d'habitants et qui, en quelques décennies, ont été réduites quasi de moitié.
Si l'Amérique latine a été le lieu depuis lequel se sont produites l'accumulation de capital et les bases matérielles pour la construction de l'Europe Occidentale en tant que centre hégémonique mondial à partir du XVIe siècle, elle est maintenant la région où sont en train de se développer les nouveaux éléments pour la construction d'une civilisation planétaire, plus équilibrée et inclusive, capable de rompre radicalement avec l'héritage colonial et la vision eurocentrique. Apparaissent, dans le continent latino-américain, des expériences riches et diverses de transformation sociale qui sont en train d'y changer la scène politique, économique et culturelle.
Ce processus de transformation nous pose de grands défis. Il se fait nécessaire de réélaborer notre histoire hors de la vision coloniale et créer des matrices théoriques et méthodologiques de production de connaissance capables de rendre compte de la complexité et de la densité de la réalité sociale. Mais surtout, il se fait nécessaire de faire appel à notre héritage de civilisation, à la connaissance millénaire et ancestrale, aux savoirs et façons de voir et sentir le monde pour reconstruire notre mémoire collective déformée ou détruite par la colonialité*, et construire nos identités et nos projets de futur et de société.


USA/Honduras, après

par Juan Gelman, 30/7/2009
Le premier coup d’Etat en Amérique latine depuis l’accession au pouvoir d’Obama a posé un problème complexe à La Maison Blanche : elle ne peut appuyer publiquement le coup, mais ne veut pas non plus que Zelaya se rapproche encore plus du Venezuela. Ainsi, elle procède à diverses manœuvres pour concilier les deux desseins : la première était de confier à l’OEA la responsabilité de négocier entre le déposé Zelaya et l’usurpateur Micheletti. La réponse, la condamnation unanime du coup et l’expulsion du Honduras de l’organisation, a bouleversé le Département d’Etat, qui déjà menace la possiable réélection de son secrétaire général, le Chilien Insulza. Le second scénario a consisté à confier la tâche à Oscar Arias (le président du Costa Rica, NdT), qui est extrêmement ami de tout ce qui est usaméricain à commencer par leurs gouvernements, quels qu’ils soient.
La proposition d’Arias, supervisée par le Département d’Etat, inclut le rétablissement de Zelaya, mais avec des conditions qui affaiblissent son mandat, fixées par les putschistes : aucun plébiscite sur la réforme de la Constitution, bien que le référendum envisagé par Zelaya n’était que consultatif, intégration des opposants à des postes-clés du cabinet, et au revoir au “communiste” Chávez. En d’autres termes, faire du déposé reposé une marionnette jusqu’aux élections de janvier prochain. Un communiqué des militaires putschistes a exprimé dimanche 26 juillet un appui au plan d'Arias, mais leur commandant en chef, le général Romeo Vásquez Velásquez, a déclaré à la BBC le lendemain qu’il ne permettrait pas la réinstallation de Zelaya.

Kurdistan :La paix possible ? Interview du responsable du PKK en Europe

En attendant la yol hartasi, la feuille de route d'Öcalan
par Orsola Casagrande, il manifesto, 13/8/2009

Orsola Casagrande, journaliste italienne d’Il Manifesto, qui couvre la réalité socio-politique de Turquie et du Kurdistan, a interrogé le responsable du PKK en Europe qui, pour des raisons de sécurité, conserve l’anonymat. Il est prévu que le président du PKK, Abdullah Öcalan, condamné à la prison à perpétuité, présentera demain (15 août) sa « yol haritasi », sa feuille de route, par laquelle il cherche à initier une nouvelle étape politique avec l’État turc. Dans l’entretien, que Gara reproduit, le membre du PKK évalue la situation actuelle.
Quel est le contexte dans lequel naît la yol haritasi ?
Le XXIe siècle est caractérisé par la démocratie, la paix, la liberté, les droits humains, la vie en commun pacifique et la nature comme valeurs communes de l’humanité. C’est donc une époque dans laquelle en de nombreux endroits les questions nationales et ethniques ont été résolues, ou sont en voie de solution, avec des méthodes pacifiques et démocratiques. Par contre, au Kurdistan et en Turquie, depuis 35 ou 40 ans, il y a une guerre entre le peuple kurde avec son avant-garde, le PKK, et le colonialisme de la Turquie. Les deux parties ont essayé d’atteindre leur objectif par la guerre et la violence.
Mais le contentieux demeure irrésolu. Parce qu’une solution n’a pas pu être atteinte par les méthodes de toujours et l’attitude de l’Etat turc refusant de reconnaître l’identité et l’existence d’un peuple comme le kurde. La lutte contre cette dénégation a atteint un certain niveau. En d’autres termes, la guerre et la violence ont joué leur rôle. Le président Abdullah Öcalan a tenté d’aborder de plusieurs manières la question kurde, par l’intermédiaire du dialogue et de la paix. Il s’est toujours senti responsable du peuple kurde.

jeudi 20 août 2009

« Ils m’accusent de terrorisme parce que j’ai écrit que les FARC sont une réponse historique aux multiples violences de l'État »


Lettre de la prison modèle de Bogotá de Miguel Ángel BELTRÁN VILLEGAS
Présenté par Nikolas Stolpkin, traduit par Esteban G., édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : Carta desde la cárcel Modelo de Bogotá: "Me acusan de terrorista por sustentar en mis escritos que las FARC son respuesta histórica a las múltiples violencias del Estado"
Sur l’auteur

L’arrestation suivie de l’expulsion de Miguel Angel Beltrán Villegas, sociologue et professeur colombien, survenues au Mexique le 22 mai dernier, nous en dit plus que le fait strict qui s’est produit. Il s’agit ici, tout d’abord, d'une collaboration subreptice des autorités mexicaines avec les autorités colombiennes dont nous ignorons jusqu'où elle pourrait aller. Assistons-nous à la mise en place d’un nouveau « Plan Condor » en Amérique latine ?
D'autre part, l’arrestation de Miguel Ángel Beltrán, accusé par le gouvernement colombien d'avoir des liens supposés avec les FARC-EP, car il aurait été « découvert » grâce à l'information magique des ordinateurs du dirigeant assassiné Raúl Reyes, pourrait nous rapprocher dangereusement de ce qui pourrait facilement faire partie d'un chapitre d'une bande dessinée de science-fiction : le délit consistant à exprimer nos idées ou nos pensées ou à être censé figurer sur une liste de contacts.
Jusqu'où les tentacules de la surveillance des êtres humains pourront-elles arriver?
Miguel Ángel Beltrán est aujourd'hui emprisonné en Colombie. Il n'a tué personne, il n'a pas volé, il n'a pas violé, et pourtant il est accusé d’être un « terroriste ». Tandis qu'à lui on promet une condamnation d’environ un demi-siècle, les véritables terroristes qui sèment la peur et la douleur en Colombie, eux, sont reçus dans un cadre politique appelé « Justice et Paix » où l’on réduit la peine de ces véritables criminels à 8 ans d’emprisonnement, tout simplement parce qu’ils reconnaissent effrontément leurs innombrables massacres de citoyens colombiens. Peut-il y avoir une justice en Colombie avec cette espèce de « justice » ?
Nous publions une lettre que Miguel Ángel a adressée à ses collègues de l’Association syndicale des enseignants universitaire (Asociación Sindical de Profesores Universitarios-ASPU) de Colombie le 20 juillet 2009.


Vous pouvez écrire à Miguel Ángel :
Miguel Ángel Beltrán Villegas
Cárcel Nacional Modelo
Pabellón de Alta Seguridad
CR 56 19-30
Bogotá
Cundanimarca
Colombie
En adressant une copie à :
libertadencolombia@gmail.com

Nikolas Stolpkin pour Tlaxcala
***
Chères et chers collègues de l’ASPU,

Deux mois ont passé depuis que j’ai été arbitrairement enfermé dans ce quartier de « haute sécurité ». Actuellement nous sommes 73 détenus (sur une population de 6102 prisonniers), isolés dans cette zone de la prison nationale modèle, qui peut être considérée comme étant une « prison dans la prison », éloignée des autres cours et où nous n’avons droit qu’à une heure de soleil par jour.

Ici, je partage le sort non seulement de commandants guérilleros mais, aussi de narcotrafiquants reconnus et de chefs paramilitaires qui comme « Zeus » et « Niche » sont accusés d'être les auteurs de nombreux massacres d’hommes, de femmes et d’enfants sans défense. Heureusement, ces derniers se trouvent à un étage différent.

Chaque fois que je passe les portes de cette institution carcérale pour une audition ou une interview avec les médias, les impressionnants dispositifs de sécurité révèlent que suis considéré comme un accusé de très grand danger pour les autorités carcérales. « Le terroriste le plus dangereux des FARC », selon des paroles du président Uribe lui-même qui m'a condamné, sans être jugé, et a remercié le président mexicain Felipe Calderón pour sa collaboration à ma capture, même si les juges de garantie et d'appel ont insisté sur le fait que mon incarcération s'était produite en Colombie.

La véritable ironie est atteinte. Alors que le procureur me promet une peine de plus de quarante ans pour délit de rébellion et association pour commettre des délits à des fins terroristes, il protège au travers de la politique de « justice et paix » les véritables criminels, ceux qui ont semé la terreur dans tout le pays, en leur offrant de purger pour leurs dizaines d'homicides seulement 8 ans de prison, en échange de leur confession. Dans d'autres cas, la justice ne s’est même pas chargée d'eux et ils sont maintenus en totale impunité dans des emplois publics importants ou à de hauts postes de direction dans les forces armées.

Dans mon dossier on ne m’accuse pas d’avoir massacré des paysans à la tronçonneuse, de même que l’on ne m’attribue pas l’assassinat de jeunes provenant de secteurs populaires présentés ensuite comme des « faux positifs » ; on ne m'impute pas de traitements cruels, inhumains et dégradants contre qui que ce soit; et on m’accuse encore moins de crime contre l’humanité : au contraire, on m’accuse « d’incitation au terrorisme » pour avoir dénoncé ces faits et dévoilé la responsabilité de l'État colombien et des Forces armées dans ces crimes: Je suis accusé d'être un terroriste car je soutiens dans mes écrits dans des forums publics, que les FARC sont une réponse historique aux multiples violences de l'État, parce que dans ce pays, il y a un décret présidentiel disant qu’il n'existe pas de conflit armé, bien que le nombre de déplacés par la violence dépasse déjà 4 millions de personnes.


Le fait que mes activités universitaires soient citées comme indices pour m'inculper, démontre qu'il s'agit d'une tentative claire de criminaliser un travail d’enseignement et de recherche qui gêne l'establishment.

Par le passé ce même genre d’accusations avaient été portées contre des professeurs universitaires renommés comme le sociologue Alfredo Correa, qui avait été accusé d'être un « idéologue des FARC » ; dans ce cas les fausses inculpations provenaient d'informations fournies par les organismes mêmes de renseignement de l'État, concrètement du DAS [Département Administratif de Sécurité], institution qui dépend directement de la Présidence de la République. Bien que son innocence ait pu être confirmée durant son procès, le droit à la vie ne fut pas garanti au professeur Correa : quelques semaines après sa libération, il était assassiné dans les rues de Barranquilla.

Manifestation devant l'Institut National des Migrations (Mexico) en soutien à l’universitaire colombien Miguel Ángel Beltrán Villegas. Photo Guillermo Sologuren/La Jornada


Actions de soutien au Dr. Miguel Ángel Beltrán Villegas à l'Université Nationale de Colombie

Malheureusement, cette politique de harcèlement contre l’université colombienne n'est pas une chose du passé, au contraire elle s’est amplifiée avec la mal nommée politique de « sécurité démocratique ». William Javier Díaz est un exemple de ces machinations, membre du Taller de Formación Estudiantil Raíces [TJER-Atelier de Formation Estudiantine Racines], qui pendant plus d’une décennie a développé des séminaires sur la pensée sociale à l'Université Pédagogique et à l'Université de district « Francisco José Caldas », avec l’aide d’universitaires et de chercheurs reconnus, aujourd'hui il est victime d'un même montage juridique, par lequel, selon la base de sombres archives d'un ordinateur soi-disant saisi sur la guérilla, il est présenté comme un militant des FARC.

De cette manière l'État projette de nous punir et de punir tous ceux qui considèrent que les étudiants doivent être en contact permanent avec les problèmes sociaux non seulement du passé mais aussi du présent ; que les futurs professionnels doivent rester en contact avec les tenaces et dures réalités d'un pays continent qui semble aujourd'hui se réveiller après des années de léthargie.

L'université, qui est le centre par excellence de la production et de la circulation de la pensée critique, ne peut pas céder à cette intimidation, en se protégeant derrière une supposée neutralité de la théorie, ni en s’abritant dans la tour d'ivoire d'une connaissance d'experts étrangère à tout engagement avec la réalité sociale, les libertés de la pensée et de l'expression - le professeur universitaire également militant des droits humains, Héctor Abbé Gómez, écrivait - « C’est un droit durement conquis par des milliers d'êtres humains à travers l'histoire, un droit que nous devons conserver. L'histoire démontre que la conservation de ce droit requiert des efforts constants, souvent des combats, et parfois, des sacrifices personnels ».


Journée d'action pour Miguel Ángel à l'Université nationale à Bogotá le 31 juillet dernier


En Colombie, l'Association Syndicale des Enseignants Universitaires a été un instrument de défense de ce droit, en préservant par son combat l’« alma mater » [c’est-à-dire l’Université, du lat. mère nourricière, NdT], non seulement des barbares qui prétendent la faire taire en recourant à la violence et à la menace, mais en faisant face à la politique néolibérale qui cherche à l'asphyxier.

La généreuse solidarité que vous m'avez offerte durant ces deux longs mois de détention, confirme cet engagement que vous avez maintenu pendant des décennies au nom de la défense de l'éducation supérieure et que cette lutte concerne non seulement ma liberté mais aussi la liberté et le respect du travail scientifique et intellectuel.

Depuis ces quatre murs qui emprisonnent mon corps, mais pas ma pensée, je veux vous faire parvenir l’expression de mes sincères remerciements pour vos gestes de solidarité et de ma conviction que dans ce combat nous arriverons à nos fins, pour que dans le pays la pensée puisse circuler librement et qu’elle ne soit pas menacée par ces insensés qui aspirent à faire revivre les temps de l'inquisition, en condamnant au bûcher ceux qui comme nous expriment des idées et des opinions différents.

Accolade fraternelle.

Miguel Ángel Beltrán Villegas
Cárcel Nacional Modelo. Pabellón de Alta Seguridad
[Prison Nationale Modèle. Quartier de Haute Sécurité]
Bogotá, le 20 juillet 2009













Source : Carta desde la cárcel Modelo de Bogotá: "Me acusan de terrorista por sustentar en mis escritos que las FARC son respuesta histórica a las múltiples violencias del Estado"

Article original publié le 26/7/2009

Sur l’auteur

Nikolas Stolpkin est rédacteur du blog Stolpkin et auteur associé à
Tlaxcala, le réseau de traducteurs par la diversité linguistique, dont Esteban G., rédacteur du blog http://letacle.canalblog.com/, et Fausto Giudice, rédacteur du blog Basta ! Journal de marche zapatiste, sont membres . Cet article peut être reproduit librement à condition de respecter son intégrité et mentionner les auteurs et la source.



URL de cet article en Tlaxcala : http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=8372&lg=fr

dimanche 16 août 2009

Le procès le plus étrange de l’histoire de la justice marocaine


par Mohamed Sassi, Al Massae, 6/8/2009. Traduit par Tafsut Aït Baamrane, Tlaxcala
Original :
أغــرب محاكمة في تاريخ القضاء المغربي


Le 27 juillet dernier, la cour spéciale antiterroriste de Rabat-Salé, au terme du long procès surréaliste du soi-disant « réseau Belliraj », a rendu un verdict incroyable mais attendu.
Le principal accusé, Abdelkader Belliraj a été condamné à la réclusion à perpétuité. Les six prisonniers politiques faisant partie des 35 accusés ont reçu les condamnations suivantes :


Mustapha Mouatassim et Mohamed Amine Regala, dirigeants du parti Al Badil Al Hadari (Alternative civilisationnelle), Mohamed Marouani, dirigeant du parti Oumma : 25 ans
Laabadla Maâ El Aïnine, du Parti Justice et Développement, et Abdelhafid Sriti, correspondant la chaîne de télévision Al Manar : 20 ans
Hamid Najibi, Parti socialiste unifié : 2 ans.
Voici un commentaire du juriste marocain Mohamd Sassi, publié par le quotidien marocain Al Massae . (
Tlaxcala)


Hamid Najibi - Laabadla Maâ El Aïnine - Abdelhafid Sriti


Mohamed Marouani- Mustapha Mouatassim - Med Amine Regala


Le procès le plus étrange qu’ait connu le Maroc dans une période où le ministre de la Justice est le premier secrétaire de l’UFSP. Il n’était pas supposé porter atteinte à l’impartialité du juge mais plutôt créer une ambiance favorable à celle-ci.

Les deux conditions à remplir pour un juge ayant à rendre un verdict, où que ce soit dans le monde, sont la transparence et le caractère équitable du jugement au terme d’un procès où le débat contradictoire a été possible et où les droits des accusés ont été respectés. Toute personne, où qu’elle se trouve sur la planète, devrait pouvoir discuter un jugement et apprécier s’il a été rendu dans le respect des lois et des droits des accusés. C’est ce raisonnement qui a conduit les organisations de défense des droits humains les plus représentatives et les plus influentes à exprimer leur solidarité avec les six prisonniers politiques de l’affaire Belliraj.

Ces six hommes étaient connus pour leur engagement de longue date dans un travail politique pacifique et le choix de la violence fait autrefois par certaines organisations auxquelles certains d’entre eux ont appartenu fait partie d’un passé lointain et d’une histoire révolue. Cette évolution est de notoriété publique. Les affirmations du ministre l’Intérieur, selon lequel ces hommes auraient fait partie d’une cellule jihadiste armée n’ont jamais été étayées, elles ont été contradictoires et, pour tout dire, peu convaincantes pour quiconque réfléchit un tant soit peut. C’est pou ces raisons qu’un grand nombre de personnalités, d’organisations politiques et de la société civile ont pris et fait et cause pour les accusés et ont défendu les six prisonniers politiques. Le juge aurait du trouver d’autres éléments que les accusations sans fondement émanant du ministère de l’Intérieur, pour pouvoir convaincre l’opinion publique par des preuves concrètes.

Ceux et celles qui ont défendu Marouani, Mouatassim, Regala, Laabadla Maâ El Aïnine, Sriti et Najibi ne sont pas moins soucieux que le juge ou le ministre de la sécurité intérieure et de la paix domestique. Ils ne peuvent pas être moins intelligents et clairvoyants pour identifier les menaces contre la sécurité intérieure.


La version officielle a été présentée sous trois angles :
1°- Cette « organisation terroriste » aurait été fondée lors de la « rencontre de Tanger » de 1992, avec deux ailes, l’une politique –ce sera l’association « Al Badil Al Hadari » (Alternative civilisationnelle), fondée en 1995 et l’association Al Haraka Min Hajli El Oumma (Mouvement pour la Cause de la Nation), fondée en 1998, toutes deux confluant dans le parti Al Badil Al Hadari, créé en 2005 -, et l’aile militaire, chargée d’opérations terroristes avec armes à feu et explosifs, de l’assassinat de personnalités connues – ministres, responsables, officiers supérieurs et citoyens juifs -, de hold-up et de cambriolages pour se financer ;

2°- La police a dit avoir saisi des armes hautement sophistiquées que la « cellule » aurait introduit au Maroc, et ce serait là la preuve de l’extrême dangerosité de ces « terroristes » ;


3°- Cette « cellule » aurait commencé –ou essayé de commencer - à mettre en œuvre son programme : exemple : l’opération « Macro » (une tentative de hold-up). Elle aurait aussi essayé d’assassiner un citoyen juif marocain appelé Azemkot.


Seul point faible dans ce scénario : tout cela – Tanger, Macro, Azemkot – se serait passé avant la création de l’Instance Equité et Réconciliation et l’adoption de la législation antiterroriste. Or, la première a tourné définitivement la page du passé et de la violence d’avant 1999, et la seconde ne peut s’appliquer que rétroactivement. Pour surmonter ces failles dans le scénario, on a trouvé des explications comiques : ainsi le projet terroriste relève d’une criminalité chronique, récurrente de 1992 à 1996, en 2002, 2004 et 2005 – or, pendant toute cette période, le seul événement a été la tentative d’assassinat d’Azemkot ; quant aux armes qui auraient été introduites au compte-gouttes au Maroc , on a interprété les propos tenus par Mustapha Mouatassim à Redouane Khalidi, lors de l’enterrement, en 2004, du père du journaliste Hassan Moukdad –« Nous tiendrons ce que nous avons promis ».

Cette phrase, selon la vision officielle, est une preuve suffisante de ce que le projet terroriste était toujours en cours : pendant douze ans, les concepteurs de ce projet auraient « planifié soigneusement », sans jamais passer aux actes. Après les attentats du 16 mai 2003, Mouatassim et Regala ont été les premiers à descendre manifester sur l’avenue Mohamed V à Rabat pour manifester et dire non au terrorisme. Comment imaginer qu’une telle hypocrisie et une telle duplicité soient possibles chez des êtres humains, pendant une si longue période, qui auraient caché leur double jeu à toute monde, y compris leurs proches ?

Quand les avocats ont pu consulter les dossiers de l’accusation, la première infamie qu’ils ont trouvé, c’était que l’unique source ayant orienté l’enquête était le « président » de la « cellule Belliraj », évoqué dans un procès-verbal du 18 février 2008. Mouattasim et Regala ont été arrêtés sur cette seule base, au même moment où sortait l’information que les deux hommes étaient interdits de se rendre à l’étranger. Ces arrestations politiques se sont fondées sur les prétendus aveux de Belliraj. On a ensuite assisté à un feuilleton d’absurdités, d’où il ressort que Belliraj lui-même était une victime de la guerre des services [marocains et belges, NdT]. Les défenseurs des droits humains étaient, quant à eux, convaincus dès le départ, de l’innocence des six prisonniers politiques et que le dossier d’accusation était un tissu d’absurdités qui ne pouvait déboucher sur un procès équitable. Où sont les preuves fiables que les six étaient impliqués dans un projet terroriste ?

On ne nous a rien montré au procès, à part les armes présentées en vrac, comme des bibelots dans une brocante, sans qu’il soit possible pour le public et les observateurs de les regarder de près ou sur un grand écran. Il est indiscutable que des armes peuvent entrer au Maroc. En 1994, suite à l’opération « Atlas Isni » [attaque d’un hôtel de Marrakech, pour laquelle plusieurs Franco-Algériens et Franco-Marocains ont été condamnés à mort et attendent leur exécution à la prison de Kénitra, NdT], on a en effet débusqué des réseaux de trafiquants de drogue utilisant ce genre d’armes pour régler des comptes entre eux ou contre la Sûreté nationale. Il est possible que des armes achetées en Europe et destinées à alimenter la guerre civile dans l’Algérie voisine aient transité par le Maroc, mais comment affirmer la provenance et la destination des armes exhibées au procès Belliraj ? Aucun lien n’ pu être établi entre les accusés et ces armes.

En outre, les armes présentées au tribunal ne l’ont pas été dans les formes légales –presque toute la presse l’a noté – et on remarqué sur les photos que les armes d’abord présentées par la police à la presse puis au tribunal n’étaient pas les mêmes, ce qui n’est vraiment pas sérieux, comme tout le procès, mené par la justice avec un je-m’en-foutisme flagrant. Aucun des détails scabreux qui ont émaillé le procès n’ a suscité la moindre réaction du président de la cour, comme par exemple la confusion dans la date de création du groupe « Choix islamique » créée en 1981 et non pas, comme l’affirment les procès-verbaux, en 1992.

On a pratiqué des amalgames incroyables : ainsi, pour l’opération « Macro », les avocats des Six ont exposé au tribunal que d’autres accusés avaient déjà été convaincus de culpabilité et condamnés et que leurs clients n’avaient donc rien à voir avec cette affaire. Le dossier d’accusation du « réseau Belliraj » contenait des procès-verbaux qui étaient des copiés-collés de ceux du procès des vrais auteurs de l’opération « Macro », remontant à 1994. Cela a laissé le président de la cour imperturbable. De même lorsque Me Khalid Soufiani a demandé au président de lui montrer où, parmi les accusés, se trouvait le « Grand Blond avec des taches de rousseur » évoqué dans un procès-verbal. Ce « Grand Blond » venait tout droit des procès-verbaux d’enquête sur la tentative d’assassinat contre Azemkot, que les policiers s’étaient contentés de reverser au dossier Belliraj…


Ces procès-verbaux falsifiés auraient du normalement conduire à une nullité de procédure mais il n’en a rien été. La cour a rejeté toutes les requêtes en nullité présentée par les défenseurs comme elle refusé d’entendre des témoins comme le professeur Harazni [président du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme, ancien militant d’extrême--gauche détenu sous Hassan II, aujourd’hui membre du PPS, gauche modérée, NdT], qui avait déclaré devant des millions de téléspectateurs marocains que Mouatassim l’avait prévenu qu’il avait eu vent que des armes avaient pénétré au Maroc et qu’il avait transmis l’information à qui de droit.

Y a-t-il un tribunal au monde qui puisse prétendre qu’un témoignage comme celui d’El Harazni n’aurait pas été essentiel ici et de nature à changer l’issue du procès ? Et comment un procès pouvait-il être équitable alors qu’on refusait de donner la parole à des personnalités, associatives et officielles, défenseurs des droits humains, hommes politiques ou représentants de la société civile marocaine, dont Sion Assidon [ancien prisonnier politique, sous Hassan II, détenu à Kénitra, NdT]. Ce dernier s’était présenté au tribunal, demandant à témoigner sur les accusés, qu’il connaissait bien. Devant le refus de la cour de l’entendre, il a du rédiger un témoignage écrit.

Comment ce procès pouvait-il être équitable, quand la cour a refusé d’examiner le passeport de Laabadla, où il apparaît qu’il n’avait pas quitté le territoire national, alors qu’il était accusé de s’être rendu en Belgique ?



Comment ce procès pouvait-il être équitable alors qu’on a refusé d’entendre les six accusés sur les tortures subies pendant leur détention, de la part de tortionnaires dont ils connaissaient même l’identité ?
Comment ce procès pouvait-il être équitable alors que le président de la cour déclarait qu’il n’avait pas d’opinion sur la présence de caméras dans l’enceinte du tribunal alors que celle-ci relevait théoriquement de son autorité ?


Et comment ce procès pouvait-il être équitable alors que les avocats ont vécu des galères qu’ils n’avaient jamais connu dans leur carrière ? Comme par exemple la quasi-impossibilité de rencontrer leurs clients et de consulter leurs dossiers d’accusation ?
Est-ce que la télévision publique marocaine peut aire une émission spéciale pour interroger ces avocats sur cet étrange procès ?

Deux éléments provoquent la douleur : ce procès le plus étrange dans l’histoire judiciaire du Maroc s’est déroulé ici et maintenant [et pas à une époque reculée, NdT], alors que c’est le premier Secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires qui est ministre de la Justice. Il n’était pas supposé porter atteinte à l’impartialité du juge mais plutôt créer une ambiance favorable à celle-ci.