dimanche 22 mai 2011

Européens, encore un effort pour devenir arabes ! L'Espagne montre la voie à suivre



Nous étions nombreux, depuis la mi-janvier 2011, à rêver que des mouvements similaires à ceux qui ont chassé les dictateurs de Tunisie et d'Égypte et sont en train de balayer les dictateurs et despotes de tout le monde arabe se déclenchent dans le « premier monde » ― Europe, USA-Canada, Australie, Japon. Le mouvement qui a éclaté aux USA, dans l’Etat du Wisconsin, était une première tentative, qui, malheureusement, est restée circonscrite à la ville de Madison et à sa région. C’est que la direction des syndicats, entre les mains du Parti démocrate, a cassé le mouvement et a empêché son extension. Au Japon, la catastrophe de Fukushima n’a pour le moment pas suscité de révolte de masse, mais soyons patients : tout arrive à point à qui sait attendre.
C’est finalement d’Espagne qu’est partie l’étincelle : le 15 mai, des jeunes ont occupé la place de Madrid appelée Puerta del Sol, en se référant explicitement à la Place Tahrir du Caire, déclenchant la « #spanish revolution ». Six jours plus tard, le mouvement s’est étendu à toute l’Espagne et au monde entier, où l’on compte plusieurs centaines d’actions et de rassemblements. Le mouvement s’appelle « Democracia real ya », qu’on pourrait traduire par « Une vrai démocratie, tout de suite ! » et son slogan principal est : « Nous ne sommes pas une marchandise entre les mains des politiciens et des banquiers ». Son nom de code est : "15-M" (15 Mai). Ce mouvement qui voit des multitudes anonymes occuper les places centrales des villes a pris par surprise l’establishment politique, engagé dans la campagne pour les élections régionales et municipales du 22 mai. La référence explicite aux révolutions arabes suscite l’indignation des bien-pensants qui s’étalent dans tous les médias de masse : comment peut-on oser comparer notre démocratie espagnole aux dictatures arabes ?
« Prends la rue le 15 Mai 2011 »

Ce que ces messieurs oublient, c’est que l’Espagne est le seul pays d’Europe vivant sous un régime directement hérité de la dictature franquiste, et que l’abolition par Franco de la IIème République ― proclamée légalement en 1931 – n’avait aucun caractère légitime ni même légal. L’Espagne est aussi l’unique pays au monde où la monarchie (bourbonienne) a été restaurée par des coups d’Etat trois fois : en 1814, en 1874 et en 1951. Un des commentateurs bien-pensants évoqués plus haut s’indignait ainsi l’autre soir : « Ils veulent même instaurer la IIIème République ! »
L’abolition de la monarchie n’est pas pour demain. Dans l’immédiat, on assiste à une gigantesque explosion de ras-le-bol contre le système dominant : la dictature bipartite (PP, Parti « populaire », dit de droite, et PSOE, parti « socialiste ouvrier », dit de gauche) favorisée et entretenue par un système électoral inique, l’impunité des banksters, le chômage, qui frappe officiellement 44% des Espagnols de moins de 25 ans.
Il y a quelques semaines, à Tunis, L’Institut Cervantès organisait un colloque pompeusement intitulé « Pacte et consolidation de la société civile : défis de la transition démocratique », financé par la multinationale d’origine espagnole INDRA. Le modèle espagnol de « transition démocratique » proposé aux Tunisiens est entré le 15 mai 2011 dans sa première crise sérieuse. Les générations nées après la mort de Franco sont en train de réinventer la démocratie, loin des palais du pouvoir, sur les seuls lieux où une démocratie authentique puisse s’enraciner : les places publiques. Elle ne fait que s’inscrire dans le mouvement général de révoltes logiques initié par les habitants du Sahara occidental occupé en octobre dernier, qui avaient dressé un campement de 8 000 tentes à Gdem Izik, près de El Ayoune, démantelé un mois plus tard par une répression sanglante des forces de répression marocaines, avec l’approbation tacite du gouvernement « socialiste » de Madrid. L’occupation marocaine de Sahara occidental est d’ailleurs sans doute la tache indélébile la plus honteuse de cette fameuse « transition démocratique » espagnole.
Les Européens et les habitants du « premier monde » savent ce qu’il leur reste à faire : suivre l’exemple espagnol. Créons 1000 Places Tahrir !

vendredi 20 mai 2011

Le sursaut de la gauche italienne et nos Bouazizi ignorés

par Annamaria Rivera, 19/5/2011.Traduit par  Fausto Giudice, Tlaxcala

 
 Je le sais, alors qu’en Italie on ne discute plus d’autre chose que des résultats électoraux et des  prochains ballottages, il est incongru, et peut-être même dérangeant et impopulaire, d’évoquer les suicides de protestation. Et pourtant, à y regarder de plus près, il y a bien un lien entre le déclin du berlusconisme, le sursaut de la gauche et ce phénomène en apparence secondaire. Mais tout d’abord : avez-vous jamais entendu parler de Noureddine Adnane ? Et de Penda Kebe ou de  Georg Semir ? Probablement pas. Mais en revanche vous connaissez certainement les noms de Jan Palach et de Mohamed Bouazizi. Le premier était un héros et martyr du Printemps de Prague, le second, de la révolution tunisienne en cours.
Palach et Bouazizi ont en commun le fait de s’être immolés par le feu pour protester contre des régimes oppressifs et despotiques. Dans les deux cas, les flammes qui ont détruit leur vie ont servi à allumer l’incendie du soulèvement populaire. Tout comme en 1963, à Saigon, au Sud-Vietnam, les suicides de bonzes bouddhistes avaient allumé la mèche de la révolte contre le régime autoritaire et intolérant de Ngo Dinh Diem, puis, plus tard, contre la guerre d’agression US.

 
Les suicides de protestation de migrants en Italie n’ont en revanche déclenché aucune révolte ou révolution. Penda Kébé, que j’ai eu le privilège de connaître, était une splendide femme sénégalaise, mère de cinq enfants, militante infatigable des droits des migrants. Elle vivait à Brescia depuis 1996. Le 7 décembre 2007, à Rome, durant la visite du président sénégalais Abdoulaye Wade, elle s’immole par le feu sur la place du Campidoglio. C’est un acte extrême de révolte contre les discriminations et les abus subis, et contre les autorités de son pays. L’été précédent, elle avait été arrêtée par la police italienne à l’intérieur du consulat sénégalais de Milan : elle réclamait des procédures de délivrance de passeports plus rapides et plus transparentes pour ses compatriotes. Elle meurt le 30 décembre après vingt-trois jours d’agonie.
 
Plus récemment, le 16 mars 2011, Georg Semir, un citoyen albanais de 33 ans, père de deux enfants, résidant en Italie depuis quelques années, s’immole par le feu au centre de Vittoria, dans la province de Ragusa, en Sicile, face au théâtre municipal.Il subvenait aux besoins de sa famille en travaillant comme ouvrier agricole dans les serres : un travail dur et mal payé que les locaux ne sont plus disposés à faire. Pire encore : il travaillait dans des conditions serviles et ne touchait plus de salaire depuis plusieurs mois. Il meurt le 26 mars, après dix jours d’agonie. Cet acte désespéré de protestation contre un patron n’aura aucun écho, pas même médiatique.
Mais comparons dans les détails les deux cas les plus similaires, dont l’un est devenu célèbre et l’autre est resté un simple fait divers, mineur, minime même. Les analogies entre les deux événements sont aussi impressionnantes que l’asymétrie de leurs retombées.
 
 
Mohamed Bouazizi, citoyen tunisien de 26 ans, vit à Sidi Bouzid, un gros bourg agricole, chef-lieu d’une région abandonnée à la marginalité et au sous-développement. Quoique diplômé, il est obligé de faire le vendeur ambulant et abusif de fruits et légumes, pour subvenir aux besoins de sa mère et de ses six frères et sœurs. Brimé par la police municipale, mis à l’amende, giflé par une auxiliaire de police,, repoussé par les autorités alors qu’il tente de se faire recevoir pour dénoncer les abus subis, il s’immole par le feu le 17 décembre 2010. Il meurt après 17 jours d’agonie le 3 janvier 2011. La révolution éclate en Tunisie. Le 14 janvier, Ben Ali est forcé d’abandonner le pouvoir et le pays.
 

 
Noureddine Adnane, citoyen marocain de  27 ans, de Ben Ahmed, bourg agricole de la région de Settat, pauvre et dépeuplée par l’émigration, décide d’émigrer à 18 ans : il arrive à Palerme 2002. Il fait le vendeur ambulant pour faire vivre ses parents et ses sept frères et sœurs. Bien qu’il ait tous ses papiers en règle, du permis de séjour au permis de vente ambulante, il est en permanence brimé, soumis à des amendes, peut-être même racketté par les policiers municipaux. Après l’énième amende, le 10 février 2011, il s’asperge d’essence et s’immole. Il meurt le 19 février, après neuf jours d’agonie. Aucune révolution n’éclate en Italie, pas même une petite révolte locale. Et comment cela serait-il possible ? La vie d’un immigré, pauvre de surcroit, compte pour du beurre. Le suicide d’Adnane ne lui vaudra pas de prendre place dans les rangs des martyrs comme Bouazizi. Il ne servira pas à ébranler la conscience des citoyens italiens, en leur faisant prendre conscience des discriminations et humiliations subies par les migrants et des abus qu’eux-mêmes subissent de la part  de certains tyranneaux, qu’ils soient en uniforme ou non.
 
Pour conclure et à propos de sursaut de la gauche : sous le dernier gouvernement Prodi, j’avais proposé aux ministres compétents un projet de musée national de l’immigration. Un musée non pas embaumé mais interactif, à développer à partir d’une installation qui aurait informé, minute par minute, des victimes de la Forteresse Europe et de l’exploitation du travail des migrants. Inutile de préciser que le projet n’eut pas d’écho. Maintenant que le destin semble sourire de nouveau à la gauche, je vous pose la question : pourquoi ne pas relancer ce projet, à partir d’un monument qui rappelle le sacrifice de Noureddine Adnane, notre Bouazizi? Cela pourrait en plus être de bon augure pour le sort de notre deuxième Libération.

dimanche 15 mai 2011

Tunisie, le coup d'envoi de la campagne électorale sera donné le 2 juillet


par Gnet, 14 /5/20112011

Le décret-loi du 10 mai 2011 relatif à l’élection de l’assemblée nationale constituante vient d’être publié dans la dernière édition du journal officiel. Il fixe l'ensemble les dispositions relatives au déroulement du scrutin, à l’élaboration des listes électorales, à la campagne électorale, aux sources de son financement, etc.

Cette loi électorale a été élaborée, souligne son préambule, dans le but rompre avec l’ancien régime fondé sur le despotisme, l’absence de la volonté du peuple et la falsification des élections, et en fidélité aux principes de la révolution tunisienne visant à instaurer une légitimité fondée sur la démocratie, la liberté, l’égalité, la justice sociale, la dignité, le pluralisme, les droites de l’Homme et l’alternance au pouvoir. Son article un stipule que les membres de l’assemblée constituante sont élus dans un scrutin public, libre, direct et secret, conformément aux principes de la démocratie, de l’égalité, du pluralisme et de la transparence.

Le vote est un droit de l’ensemble des Tunisiens et Tunisiennes âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques. L’électeur exerce sont droit de vote par le biais de sa carte d’identité nationale. L’instance supérieure indépendante des élections définira les procédures d’inscription pour exercer ce droit. Les militaires et les civils n’exercent pas leur droit au vote pendant l’accomplissement de leur devoir militaire, tout autant que les forces de la sécurité intérieure.

Les personnes condamnées pour un crime ou un délit attentant à l’honneur pour une peine dépassant les six mois de prison ferme et qui n’ont pas recouvert leurs droits civils et politiques, les personnes sous tutelle, et les personnes dont les biens et fonds sont confisqués après le 14 janvier, n'ont pas le droit de glisser un bulletin dans l'urne.

Les listes électorales sont établies sous la supervision de l’instance supérieure indépendante des élections à partir de la base de données nationales des cartes d’identité nationale. Les missions diplomatiques et consulaires tunisiennes à l’étranger élaborent et révisent les listes électorales, pour les Tunisiens résidant à l’étranger. Les listes électorales sont déposées au siège des instances régionales des élections, des sièges des municipalités, des délégations, des omdas, et des missions diplomatiques et consulaires. Chaque électeur a le droit de les consulter 30 jours au moins avant le jour du scrutin. Les listes électorales seront publiées sur le site électronique de l’instance supérieure des élections.

Les instances régionales des élections se chargent de rayer des listes électorales, le nom de l’électeur décédé, les noms des civils qui accomplissent leur devoir militaire, et ceux des personnes ayant perdu la faculté de vote…

Qui a le droit de porter candidat ?
Par ailleurs, tout candidat âgé d’au moins 23 ans accomplis le jour où il présente sa candidature pourrait présenter sa candidature à l’assemblée nationale constituante.
Ne peut être candidat toute personne ayant assumé une responsabilité sous l’ancien régime, à l’exception de ceux n’ayant pas appartenu au RCD. Sont aussi empêchés d'être candidats, ceux qui ont occupé des responsabilités dans les structures du RCD sous l’ancien régime, les responsabilités seront définies par décret sur proposition de la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution. Sont, également, interdits de se porter candidats, les personnes ayant appelé à la candidature de Ben Ali à un autre mandat présidentiel en 2014. La liste de ces personnes sera établie par la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution.

Les candidatures seront présentées selon le principe de parité Hommes/Femmes, et les candidats seront présentés sur la liste d’une manière alternée Homme/Femme. La liste respectant ce principe est admise dans la limite du nombre des sièges défini pour chaque circonscription électorale.

Les chefs de mission diplomatique et consulaires, les gouverneurs, les magistrats, les premiers délégués, les secrétaires généraux des gouvernorats, les délégués et les omdas, ne peuvent se présenter sauf s’ils démissionnent de leurs fonctions.

Il est interdit de cumuler le statut de membre de la constituante et des fonctions publiques non électorales, rémunérées par l’Etat, les collectivités locales, les entreprises et les établissements publics, et des sociétés à participation publique directe et indirecte.

Il est proscrit pour chaque membre de l’assemblée constituante d’utiliser sa qualité pour toute publicité relative à des projets financiers, industriels, commerciaux ou professionnels.
En cas de vacance d’un siège à l’assemblée constituante, le membre en question sera remplacé par le candidat suivant sur la même liste.

Un député pour 60 mille habitants
Les listes des candidats doivent être déposées aux instances régionales territorialement compétentes avant 45 jours du scrutin. Le récépissé final sera livré quatre jours avant le dépôt des listes.

Par ailleurs, le nombre de candidats sur chaque liste doit être équivalent au nombre de sièges consacrés à chaque circonscription, il est interdit de se présenter dans plus d’une liste électorale ou dans plus d’une circonscription électorale. Le recours en cas d’invalidation de liste, se fait auprès du tribunal de première instance dans un délai ne dépassant pas quatre jours de la date d’invalidation.

L’appel des électeurs se fait par décret publié au moins deux mois avant le jour du scrutin, celui-ci se déroule une seule journée, le dimanche.

Le nombre des membres de l’assemblée nationale constituante et le nombre de sièges consacrés à chaque circonscription électorale seront fixés sur la base d’un député pour 60 mille habitants. Un siège supplémentaire est attribué à chaque circonscription, à chaque fois qu’il s’avère, après avoir fixé le nombre de sièges qui lui sont dédiés, que la détermination du nombre des membres débouche sur des restes dépassant les 30 mille habitants. L’assemblée constituante comprend des membres représentant les Tunisiens à l’étranger dont la méthode de représentativité est fixée par décret. L’élection de l’assemblée constituante se fera selon un scrutin de liste en un seul tour, et la répartition des sièges au niveau des circonscriptions se fait sur la base de la représentativité proportionnelle à forts restes.

Le vote se fait selon les circonscriptions électorales, tout gouvernorat formera une seule circonscription ou sera réparti en plusieurs circonscriptions, à condition que le nombre de sièges par circonscription ne dépasse pas les dix. Deux sièges supplémentaires seront accordés aux gouvernorats dont le nombre des habitants est inférieur à 270 mille habitants. Un siège supplémentaire est accordé aux gouvernorats dont le nombre d’habitants oscille entre 270 mille et 500 mille habitants. Toute liste doit faire en sorte que ses candidats soient issus de délégations différentes, et que l’âge de l’un d’eux au moins soit inférieur à 30 ans.

L’électeur choisit l’une des listes, sans effacer ou toucher le classement des candidats. Si une seule liste se présente aux élections, elle sera déclarée gagnante quel que soit le nombre de voix obtenues.

Financement étranger ou privé de la campagne interdit
La campagne électorale obéit aux principes suivants : l’impartialité de l’administration, des lieux de culte et des médias nationaux, la transparence de cette campagne quant aux sources de son financement et les méthodes d’affectation des fonds qui lui sont alloués, l’égalité entre l’ensemble des candidats, le respect de l’intégrité physique et de la réputation des candidats et des électeurs. La campagne électorale est interdite dans les lieux de culte, les lieux de travail et les établissements éducatifs et universitaires. Par ailleurs, toute publicité électorale appelant à la haine, au fanatisme, et à la discrimination sur des bases religieuses, régionales, tribales, est proscrite.

Les candidats sont autorisés dans le cadre de leur campagne électorale d’utiliser uniquement les médias nationaux. L’instance indépendante des élections veille à l’organisation de l’utilisation des médias. Le coup d’envoi de la campagne électorale sera donné 22 jours avant la date du scrutin, elle prendra fin 24 heures avant le jour du scrutin.

Tout parti ou liste de candidat doit ouvrir un seul compte bancaire consacré à la campagne électorale, soumis au contrôle de la cour des comptes, les rapports de la cour des comptes relatifs au financement de la campagne électorale seront publiés au JORT. Le financement de la campagne électorale par des sources étrangères, quelque qu’en soit la nature, est interdit. Il est tout autant proscrit tout financement de la campagne électorale par les privés.

Une subvention est consacrée à chaque liste, au titre des subventions publiques au financement de la campagne électorale, et ce sur la base d’une somme d’argent pour chaque mille électeurs au niveau de la circonscription électorale. 50 % des aides seront distribués à égalité entre l’ensemble des listes candidates avant le début de la campagne électorale, les 50 % restants seront distribués lors de la campagne électorale. Toute liste qui n’obtient pas 3 % au moins des voix déclarées au niveau de la circonscription, doit restituer la moitié de la somme de la subvention. Le plafond des dépenses électorales et des subventions publiques seront fixés par décret.


dimanche 8 mai 2011

Quelle constitution pour la Tunisie de demain?

Conférence de Jawhar Ben Mbarek
Association Le Manifeste du 20 Mars
Samedi 14 mai 2011, 15h.
Dar Echaraa (Médina de Sousse)
En présence de l'acteur Raouf Ben Yaghlen, qui projettera et commentera un film de sa pièce.

Manifeste du 20 mars

L’objectif du projet Le Manifeste du 20 mars est de susciter un grand débat en sur le contenu de la prochaine constitution tunisienne dont dépend l’avenir de la Tunisie.

Dans cet esprit, le projet Le Manifeste appelle à la multiplication de rencontres, de débats, de rassemblements divers dans tout le pays ainsi que d'une réflexion sur les grands principes de notre future constitution.

Sommaire

Principes généraux

  1. La souveraineté du peuple est la source de tous les pouvoirs
  2. Le mode d’exercice de la souveraineté est l’élection, seul mode de désignation des gouvernants à tous les niveaux.
  3. La forme républicaine de l’État est intangible.
  4. La citoyenneté est le lien fondamental entre les Tunisiens et leur État.
  5. Le peuple tunisien est enraciné dans son histoire, fier de son identité et de son appartenance au monde moderne, attaché à tous ses acquis.
  6. Il est attaché aux principes universels de liberté, d’égalité de dignité et de démocratie.
  7. Il considère fondamentales l’égalité et l’équité entre les tunisiens quel que soit leur sexe, leur religion, leurs croyances, leur origine géographique ou sociale.
  8. Le droit au développement régional équilibré et équitable est une exigence populaire.
  9. Le peuple et l’État tunisien sont engagés dans la préservation de l’environnement et des équilibres écologiques.
  10. Dans toutes les instances, nul ne peut abuser de sa majorité pour limiter le droit de la minorité ou la liberté individuelle.

La Charte des droits et des libertés

  1. La Charte des droits et des libertés de la Constitution doit être adaptée aux évolutions modernes de ces concepts, tels qu’exprimés dans les textes internationaux auxquels il sera renvoyé.
  2. Elle affirme le principe de la liberté individuelle comme principe constitutionnel central destiné à assurer la séparation entre les espaces privé et public.
  3. Elle reconnait des droits socioéconomiques opposables ; il s’agit essentiellement du droit au travail, au logement, à l’accès à l’enseignement et aux soins, à la couverture sociale solidaire, à la répartition équitable des richesses nationales et à la liberté d’industrie et de commerce.
  4. Toutes les libertés publiques notamment celles de presse, d’association de réunion et de manifestation sont garanties et protégées, elles sont exercées sous réserve éventuellement d’une déclaration préalable.
  5. Le juge est garant des libertés individuelles et publiques

La structure des pouvoirs

  1. La légitimité populaire structure de bas en haut les institutions des pouvoirs locaux régionaux et centraux.
  2. Les institutions sont structurées selon le principe de la non centralisation.
  3. Les différents pouvoirs sont séparés horizontalement et repartis verticalement entre les niveaux local, régional et central.

Les institutions locales et régionales

  1. Les Assemblées locales et régionales sont élues au suffrage universel direct, elles sont indépendantes du pouvoir central et ont des compétences étendues dans la gestion des affaires locales et régionales.
  2. Les Assemblées élisent leurs présidents.
  3. Les Présidents des Assemblées sont membres de droit des assemblées régionales, ils représentent les intérêts locaux.
  4. Les Autorités locales et régionales sont soumises à un contrôle juridictionnel concernant la légalité de leurs décisions et leur gestion financière.
  5. Les compétences des Autorités locales, régionales, et centrales sont réparties par la Constitution.
  6. Le juge constitutionnel et le juge administratif tranchent les litiges qui peuvent survenir en matière de répartition des compétences des différentes autorités.



Les institutions politiques centrales

Le Pouvoir législatif

  1. Le pouvoir législatif est exercé par deux chambres : l’Assemblée Nationale élue au suffrage universel direct et le Sénat composé de représentant élus des Assemblées régionales sur la base d’une représentation égale de toutes les régions.
  2. À coté de ses compétences législatives et politiques générales, le Sénat à pour mission d’assurer les débats entre les régions en ce qui concerne la politique du développement régional et la répartition des budgets entre l’État et les régions et entre les régions.
  3. Les deux chambres participent au processus législatif et à l’approbation du gouvernement et de sa politique et au contrôle de son action.
  4. De par sa légitimité élective l’Assemblée Nationale est prééminente sauf en matière de développement régional.
  5. Le pouvoir législatif peut retirer sa confiance au gouvernement en votant une motion de censure. Le vote d’une motion de censure provoque la démission du gouvernement et la désignation par le Président de la République d’un nouveau chef du gouvernement.

Le Pouvoir exécutif

le Gouvernement

  1. Le gouvernement est issu de la majorité parlementaire.
  2. Il définit la politique générale de l’État et l’exécute.
  3. Il dispose du pouvoir réglementaire et partage l’initiative législative avec les députés.

Le Président de la République

  1. En vue d’équilibrer le pouvoir du parlement, le Président de la République est élu au suffrage universel direct.
  2. Il dispose des attributions d’un chef d’État en matière de représentation. il est garant de la continuité de l’État et des services publics, du respect de la Constitution et des lois de la République.
  3. Il nomme le chef du gouvernement et promulgue les lois.
  4. Il dispose d’un pouvoir d’empêchement et de veto sur les choix politiques et législatifs.
  5. Il dispose d’un recours devant la justice constitutionnelle.

Le Pouvoir judiciaire

  1. L’indépendance de la justice est un principe intangible. Elle est garantie par le Conseil supérieur de la Magistrature, organisme élu par les juges.
  2. En vue d’assurer la force légitime du pouvoir judiciaire les autorités juridictionnelles, judiciaire, administrative et constitutionnelle, sont regroupées dans un ordre unifié sous l’autorité d’une Cour Suprême.
  3. La Cour des comptes gardera son indépendance et sera décentralisée en Cours régionales pour pouvoir assurer le contrôle de la gestion financière des autorités locales et régionales.

    http://www.facebook.com/pages/Groupe-Manifeste-20-Mars/195947197114804




Contact:
Tél.: 71747116
3 Rue Mami
La Marsa
et à partir du 10 mai: Rue Hédi Khefacha, El Menzah 1 (face à l'école primaire)
 



Couvre-feu à Tunis

Les ministères de l'Intérieur et le ministère de la Défense nationale ont décidé de décréter le couvre-feu dans le district du Grand Tunis (Tunis, Ariana, Ben Arous et La Manouba), à compter de ce samedi, 7 mai 2011, et ce de 21H00 jusqu'à 05H00, rapporte l'agence TAP.
Cette décision a été prise à la suite des actes de violence et de pillage, et des atteintes aux biens publics et privés qui ont eu lieu, vendredi et samedi, dans certains quartiers de la ville de Tunis, et afin de préserver la sécurité des citoyens et des biens publics, ajoute la TAP.
Selon la même source, sont exempts de cette décision, les cas d'urgence et les travailleurs de nuit.
Lire aussi:
  1. Grand Tunis: Couvre Feu
  2. Levée du couvre feu, l’état d’urgence toujours en place !
  3. Les incidents du vendredi et samedi à Tunis: Une conspiration contre la révolution !
  4. A partir de demain, le couvre- feu sera de minuit à 4h
  5. Les Imams protestent à leur tour…
  6. Des journalistes tunisiens sous le choc craignent un retour à l'ancien régime

    Retour en force du mauve!

    POLICEDIALOGUE
    Qui crut sincèrement que les vieux réflexes allaient prendre la fuite dans les bagages de Ben Ali?


Le prestige de l’État : témoignage sur le massacre du 06/05/11 à Tunis

par Shiran Ben Abderrazak, vendredi 6 mai 2011, 18:41

Aujourd’hui, je suis allé manger une crêpe sur l’avenue Bourguiba. Je viens d’arriver à Tunis après un mois d’absence. Je suis content d’être en Tunisie, pays nouvellement libéré de la peur, de la censure et de la violence arbitraire. Je suis avec un ami et on se balade.

On arrive devant le théâtre et on trouve un attroupement de jeunes et de moins jeunes, une cinquantaine de personne, qui scande des slogans anti-gouvernementaux, une manifestation populaire tout ce qu’il y a de plus bon enfant. Les slogans, ni violents, ni obscènes, ni agressifs, ni insultants, sont entrecoupés de moments où tous chantent Humat el Hima, notre hymne nationale dont nous sommes aujourd’hui plus que jamais si fier.

Les slogans expriment un mécontentement que je partage, c’est ainsi que nous restons aux environs du groupe, qui se déplace vers le terre plein central de l’avenue. La marche s’arrête devant un barrage des BOP, au niveau du métro. Les chants et les slogans continuent un petit moment, tranquillement, des gens se dispersent, il reste une vingtaine de personnes et puis tout à coup une voix dit quelque chose d’inaudible au travers d’un mégaphone, ensuite ?

Le chaos se déchaine… l’enfer se produit, un mouvement de foule m’emporte, je me retrouve saisi par des gens qui manquent de tomber, j’aide une personne à se relever, on me pousse vers l’avant, on me fait avancer plus que je n’avance, j’ai l’impression désagréable d’être porté par la foule. Tout à coup l’air devient irrespirable, de notre flanc gauche surgissent des formes sombres qui fondent sur des gens, des tonfas aux poings ils assènent très violemment des coups, je me met à courir, un BOP me prend en chasse, sur ma droite un compagnon d’infortune est également poursuivi, nous nous entrecroisons, repartons dans un sens diffèrent, ce qui fait trébucher mon poursuivant et perdre le nord au sien, je cours un peu plus vite, et là une grenade lacrymogène tombe à cinquante centimètre de moi, je ne vois plus rien, j’ai mal aux yeux, au nez, aux poumons, mais je sens bien que mon salut est dans la course, nous sommes nombreux à partir dans le même sens.

Arrivé dans la rue Attia, je m’aperçois que j’ai perdu mon ami. On s’appelle et je décide de retourner vers l’avenue pour le retrouver. De loin cela semble s’être calmé.

J’arrive sur l’avenue juste pour voir débouler des grosses motos sur lesquels sont juchés deux policiers en civils, les passagers sont armés de gourdins et cherchent à taper les gens qui ne les ont pas vu venir et qui les fuient.

Je finis par réussir à avancer sur l’avenue et j’arrive au niveau du café l’Univers au même moment qu’un autre homme. Face à nous arrivent des policiers cagoulés qui poursuivaient des filles en les tapant avec leurs pieds. L’homme qui était à mes côté lance un « Tahan » à l’encontre du policier qui tapait la fille, puis se faufille sous la grille du Café, espérant trouver un refuge. Je me jette dans l’immeuble qui jouxte le Café où se trouve mon ami et arrive à voir à travers la porte grillagée ce qui se passe à côté.

Le flic insulté essaye d’arracher la grille du Café, son comparse appelle des renforts en disant : « Il a traité ****** (nom du policier) de Tahan » Il force le serveur du café à ouvrir la grille (il me semble que le serveur s’est pris un coup puisqu’il refusait, mais je ne l’ai pas vu vraiment bien, par la suite il se tenait le nez avec un mouchoir). Là ils saisissent l’homme qui a insulté et le démolissent. Ils ne le tapent pas, non, ils ne le battent pas, non, ils sont cinq, surentrainés, contre un, ils ont des bâtons, des tonfas, des gourdins, et ils le démolissent, sous les regards impuissants de plein de gens…

Et nous n’avons rien fait, nous ne pouvions rien faire, nous étions paralysés, terrifiés à l’idée que ce soit nous. Et ils cognaient, cognaient, en l’insultant…

Ce fut un long moment, un moment tragiquement long… un moment horrible où l’impuissance est totale. Un moment où l’on se dit que rien n’a de sens… que ceux qui sont censé nous protégés sont en fait les voyous qui nous menacent. Et puis nous nous sommes réfugiés dans un appartement dans l’immeuble. De là nous sommes sorti sur le balcon et nous avons vu une grosse flaque de sang et l’homme étendu par terre inconscient et immobile.

Les policiers cagoulés s’en sont allés comme ça, sans même un regard en arrière…satisfait et content…

Et là, les gens se sont regroupés autours du corps. Et j’ai vu ce qu’à été Tunis après l’attaque des milices, ce qu’est Tunis et la Tunisie quand la pourriture qui l’oppresse n’est pas là, un peuple bon et gentil, profondément pacifique, qui ne comprend pas la violence… un peuple qui est impuissant face à un déchainement de violence incompréhensible et gratuit… un peuple qui essaye de réagir, toujours dignement, toujours attentif à l’autre… j’ai vu une fille qui était rester enfermé à regarder la scène qui a failli se jeter sur les brutes, alors que moi j’étais là haut sur mon balcon à me terrer et à me demander qu’est ce que c’était que ce pays libéré de la peur, de la censure de l’oppression… voilà ce que j’ai vu… ils essayaient d’interpeler les policiers qui passaient pour leur demander de l’aider, aucun ne s’est arrêté, au bout d’un long moment ils sont allé sur la route et ont arrêté une voiture suppliant le chauffeur d’emmener la victime à l’hôpital. Une fois la victime mise dans la voiture les flics en motos ont essayé de récupérer le corps, je ne sais pas ce qui s’est passé la voiture à fui avec le corps…

Et maintenant je lis que ce type est en fait un flic en civil qui a été attaqué par des manifestants, je lis ça sur le site d’une radio nationale… je lis un communiqué ministériel qui est un mensonge éhonté et une insulte à tout ce qui est humain… et maintenant je suis chez moi et j’ai peur à nouveau… j’ai peur et je pleure sur ma Tunisie qui est la propriété d’une mafia qui se prétend un État et qui nous considère tous comme du bétail… car ce qu’ils ont fait aujourd’hui c’est nous traiter comme du bétail récalcitrant… rien d’autre.

jeudi 5 mai 2011

Tunisie- Canada : le ridicule ne tue pas mais fait quand même mal

Rencontre avec Maher Rajhi, arrêté à Montréal pour « menaces à l’encontre de Belhassen Trabelsi »
par webdo, 4/5/2011

Depuis sa fuite de Tunisie, le soir du 14 janvier, à bord de son yacht, Belhassen Trabelsi vit au Canada, et à Montréal plus précisément. Et malgré l’avis international d’arrestation envoyé par la Tunisie à Interpol, l’Etat canadien n’a toujours rien fait pour arrêter Belhassen. D’autant plus qu’Interpol a précisé à Ottawa qu'elle ne dépêcherait pas d'agent pour effectuer des arrestations, car celles-ci devaient être faites par la police locale, conformément à la législation nationale.
Même les comptes bancaires du frère de Leila n’ont pas été gelés immédiatement. Pire, il a même pu faire d’importantes transactions bancaires depuis son lieu de résidence, au Château Vaudreuil, en janvier.
Mais au-delà de la passivité étonnante du gouvernement canadien et de l’impunité aberrante dans laquelle vit désormais « le parrain », nous avons appris l’arrestation d’un jeune Tunisien vivant à Montréal.
Ce dernier a comparu, discrètement, la semaine dernière, devant la cour criminelle de Montréal, accusé de menaces à l’encontre de Belhassen Trabelsi. Aberrant !
Cette info, publiée par le site « Rue Frontenac », n’a été reprise par aucun site d’information. Allez demander pourquoi ?

Maher Rajhi
C’est en ce sens que la correspondante de Webdo à Montréal, Bochra Ben Youssef, a contacté le jeune homme de 23 ans, Maher Rajhi, pour mieux comprendre ce qu’il a enduré. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que son « aventure » est hallucinante.
Durant la nuit du 26 au 27 janvier dernier, Maher a été invité par ses amis à participer à une manifestation (autorisée), devant le château Vaudreuil, où logeaient à l’époque Belhassen et sa famille. Se trouvant à plusieurs kilomètres de ce lieu, il appela sa meilleure amie afin qu’elle lui prête sa voiture.
A la question de son amie : « Pourquoi veux-tu y aller ? », Maher répond avec spontanéité et ironie « J’ai envie de le tuer ». Trois heures après, sa meilleure amie, dont il ne préfère pas divulguer le nom, est surprise par la visite de la sûreté du Quebec, en l’occurrence la brigade anti-terrorisme. La communication téléphonique qu’elle a eue avec Maher avait été interceptée. Ils cherchaient donc à avoir des informations sur ce dernier.
Le lendemain, Maher est arrêté, bombardé de questions, mis en garde à vue puis transféré aux services de l’immigration.
Le jeune Tunisien était en situation irrégulière depuis le vol de sa carte bancaire. Toutes ses économies se sont volatilisées, contraignant Maher à retirer son inscription universitaire. Ce qui ne lui a plus permis de bénéficier du statut d’étudiant.
Durant sa garde à vue, Maher a été accusé de « menaces à l’encontre de Belhassen Trabelsi ». Sachant qu’il n’avait jamais été en contact, ni même aux alentours de la résidence du frère de Leila !
Son procès a été ajourné au 16 juin prochain où il comparaîtra de nouveau devant le juge. Un procès aberrant au cours duquel un jeune Tunisien se verra reprocher une phrase ironique exprimée au téléphone! Heureusement que le ridicule ne tue pas…
Pendant ce temps, le gouvernement canadien n’a toujours rien fait pour arrêter Belhassen Trabelsi alors qu’un mandat d’arrêt international a été envoyé à son encontre par la Tunisie…