vendredi 27 juin 2014

TISA/ACS : L’investisseur est roi

par Klaus Fischer, junge Welt, 21/6/2014. Traduit par Michèle Mialane, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Quand les États se lient eux-mêmes les mains: Wilkileaks éclaire des recoins sombres du lobbying. Des « traités » comme le TISA consolident la mainmise du capital privé sur toute la planète.
En cachette on négocie les moyens de garantir à la noblesse d’argent internationale des gains supplémentaires. Depuis longtemps des « chargés de mission » négocient un ouvrage d’art visant à accélérer et à rendre irréversible le nouveau partage du monde. À Genève, l’un des lieux préférés de cette cupide espèce pour y faire entre soi d’agréables retraites, les représentants d’une cinquantaine d’États se sont rencontrés ces derniers mois. Dans le plus grand secret on a peaufiné une sorte de nouveau partage du monde à l’aide d’un traité, désigné par l’euphémisme de Trade in Services Agreement (Accord sur le Commerce des Services, TISA/ACS). Jeudi 19 juin Michael Froman, le représentant US au Commerce, a soulevé un coin du voile et brièvement déclaré que les points fondamentaux étaient acquis, et que la septième ronde de négociations allait s’ouvrir.
http://tlaxcala-int.org/upload/gal_8522.jpg
Genève, 28 avril 2014 : manifestation contre le TISA/ACS. Photo EPA/SALVATORE DI NOLFI
Officiellement il s’agit, comme le nom l’indique, de services. Ce nom désigne un segment économique qui est de loin le plus important à l’échelle mondiale. Il recouvre entre autres la banque et la finance, les télécommunications et le commerce de la main-d’œuvre marchandisée, ainsi que les tâches fondamentales d’approvisionnement indispensable et de sécurité de la population, par exemple l’eau et l’électricité. Le but de cet ouvrage n’est pas d’améliorer la vie des citoyens des pays représentés - ni du « reste » du monde. Non : le TISA doit garantir l’accès sans entrave aucune du capital privé à tous les marchés mondiaux. Plus encore: cet accès, selon des informations publiées par Wikileaks, ne doit plus pouvoir être annulé par une législation ultérieure dans les pays concernés. Les fantômes gris de Genève semblent en espérer une sorte de garantie éternelle pour l’économie du profit privé.
 
Si cela vous paraît bizarre, jetez donc un coup d’œil sur la réalité actuelle. Un exemple : La Cour Suprême des USA a estimé la semaine dernière que la remise de dette décrétée en 2005 et 2010 par l’Argentine pour cause de banqueroute lésait le « droit » des investisseurs. Dans le cadre du défaut de paiement qui s’annonçait, quelques fonds spéculatifs avaient acheté des emprunts d’État argentins à bon marché. Ils refusèrent de participer à la remise de dette et exigèrent le remboursement intégral de leur valeur nominale. Comme ces obligations étaient en outre libellées en dollars US, c’étaient les tribunaux US qui étaient compétents à ce sujet. La sentence de la Cour Suprême oblige l’Argentine à payer, ce qui lui est impossible. Une autre faillite est donc en vue.
 
À Berlin se déroule en ce moment un « Kulturkampf (« combat pour la civilisation », référence à Bismarck)» de la même espèce : le sénateur chargé des finances a eu la bonne idée, lorsqu’il a affermé le réseau de distribution du gaz, de ne pas commettre la même erreur que jadis la coalition SPD/PDS lorsqu’elle a « privatisé » le réseau d’eau potable (bénéfices garantis par le contrat, etc.) C’est pourquoi Ulrich Nußbaum (sans étiquette) a inséré, lors de l’appel d’offres pour ce projet d’infrastructures, une clause interdisant une revente ultérieure. La surtaxe bénéficia à la société « Berlin Énergie », propriété du land, et la GASAG en fut pour ses frais. Autrefois, celle-ci était elle aussi propriété communale, mais grâce à d’intenses tractations politiques elle appartient désormais à Vattenfall, E.on et Gaz de France (firmes énergétiques respectivement suédoise, euro-allemande et française), - donc à de puissantes firmes privées. Elles n’acceptent pas cette décision. L’entreprise en position d’infériorité porta plainte. C’est justement le Bundeskartellamt (Office fédéral de lute contre les cartels) qui vint en aide à la GASAG. Celui-ci blâma la clause précitée. Elle pourrait discriminer des « enchérisseurs » privés.
 
La loi est depuis longtemps du côté du capital privé. Elle ne se laisse pas guider par les intérêts et les besoins (ou le pouvoir d’achat) des citoyens lambda, mais est au service de la « libre circulation des capitaux », le mot d’ordre fétiche qui régit toute l’UE. Le plus souvent c’est la « concurrence libre et non faussée » qui justifie cette attitude. Ce qui favoriserait aussi les consommateurs. Un conte que précisément Vattenfall, E.on et Cie ont réfuté abondamment depuis dix ans dans le cadre de la prétendue libéralisation du marché de l’énergie : quatre « grands » se sont partagé le marché allemand, avec pour conséquences moins de concurrence et des tarifs plus élevés.
 
La délégation australienne a obtenu à Genève que l’on poursuive dans cette voie. Il ne suffit plus comme avant de dérouler le tapis rouge devant les maîtres du monde, le TISA prévoit qu’il restera désormais en place. Acheter une Caisse d’épargne ? Cela ne pose plus aucun problème. Interdit de discriminer les fonds privés. Transférer des données de Trifouilly-les-Oies à Londres ou à Fort Meade (QG de la NSA)? Pourquoi pas, c’est une affaire entièrement privée.
 
Quant aux gouvernements qui se lient les mains en élaborant de tels accords, ils reçoivent un prix de consolation : ils sont autorisés à surveiller de plus près les télécommunications. C’est qu’il y a des terroristes partout! Quant à la protection des données des simples citoyens, on ne semble pas y accorder grande importance dans les négociations sur le TISA.

lundi 23 juin 2014

Israël et la paix... des cimetières !

Destruction d'un cimetière musulman à Jérusalem
par  Yakoubîa Oum X, 22/6/2014
 
Depuis sa création, l’État d'Israël s'est efforcé de rayer de la carte de la Palestine toute trace historique des Palestiniens, changeant le nom des localités après les avoir rasées, expropriant les habitants légitimes de leurs maisons et de leur terres, et détruisant leurs plantations d'oliviers jusqu'à aujourd'hui.

 
Mais la dernière offensive en date est particulièrement violente, car elle touche cette fois au sacré ! Le cimetière de Mamilla -anciennement Ma'man Allah, à Jérusalem-Ouest- est en passe d'être entièrement détruit. Le gouvernement israélien et le Centre Simon Wiesenthal -institution spécialisée dans la chasse aux criminels nazis mais reconvertie comme machine de propagande israélienne- sont en effet en train d'y construire « Le Musée de la dignité humaine et de la tolérance ». La construction de cet édifice a déjà donné lieu à l'exhumation de centaines de tombes, et le sort des restes humains déterrés est à ce jour inconnu.
 
La profanation de mille autres sépultures est aussi prévue, pour étendre la surface de ce musée, érigé tel un temple pharaonique, à 400 m du mur d'enceinte de la vieille ville. Une scandaleuse interprétation de la dignité humaine et de la tolérance qui laisse paraître le mépris outrecuisant des Israéliens pour ces goys (non-juifs) de Palestiniens, doublée d'un prétexte fallacieux pour effacer toute trace de la présence millénaire des musulmans à Jérusalem ! Le pire, c'est que l'Unesco a donné tacitement son feu vert à ce projet, alors qu'Israël, comme les États-Unis, a cessé de lui payer sa contribution financière depuis 2011. Dix ans de campagne internationale pour la protection du cimetière de Mamilla foutus en l'air !
 
Un comble, car celui-ci devrait figurer au catalogue de l'Unesco comme patrimoine de l'humanité ! C'est en effet l'un des plus anciens cimetières musulmans, voire même un lieu saint, qui daterait du 7ème siècle, époque où des compagnons renommés du prophète Mohammad y furent enterrés. De
nombreux saints de la voie soufie, ainsi que des fonctionnaires, des universitaires et des notables appartenant aux grandes familles de Jérusalem y furent aussi inhumés au cours de ces mille dernières années. Les descendants de ces familles ont d'ailleurs interpellé les institutions internationales depuis 2010, au moment où les travaux du nouveau musée commençaient quasi-clandestinement. En vain jusqu'à ce jour !
 
Pourtant, déclaré historique en 1927 par le Conseil suprême musulman, le cimetière de Mamilla avait aussi été reconnu comme site d'antiquités par les autorités du Mandat britannique en 1944. Il était actif jusqu'en 1948. Mais lorsque, cette année-là, le nouvel État juif s'empara de la partie occidentale de Jérusalem, le cimetière est passé sous contrôle israélien. Comme d'autres propriétés de dotation islamiques -biens waqf- le cimetière de Mamilla fut volé par le Dépositaire pour les biens des Absents, une administration israélienne spécialisée dans la spoliation des biens des Palestiniens. Depuis, les autorités musulmanes n'ont pas été autorisées à veiller à son entretien, malgré leurs multiples recours devant les tribunaux.
Le cimetière fut mis ensuite sous la tutelle du ministère israélien des Affaires religieuse qui l'a reconnu comme étant « l'un des cimetières musulmans les plus renommés, avec ses soixante mille tombes de guerriers des armées de Saladin et ses nombreux savants musulmans », et s'était engagé à le protéger. Ainsi, en réponse à une enquête de l'Unesco effectuée en 1986 sur les projets d'urbanisme prévus déjà à l'époque sur le périmètre du cimetière, les autorités israéliennes avaient déclaré : « Il n'existe aucun projet de désacralisation du site et au contraire, ses tombes doivent être préservées ». Une déclaration fallacieuse masquant le fait que, dans le même temps, une grande partie du cimetière était en train d'être détruite !
 
Car malgré la reconnaissance officielle de son importance et son enregistrement par l'Autorité israélienne des antiquités, le cimetière de Mamilla n'a cessé d'être empiété par la construction de bâtiments, de parcs et même de parkings. En fait, le musée Simon Wiesenthal n'est que le dernier projet en date. Une vraie provocation d'Israël pour tous les Musulmans du monde et un mépris total du patrimoine de l'humanité !

Signez la pétition pour la protection du cimetière de Mamilla : http://www.mamillacampaign.org/sign_f.php
 

samedi 7 juin 2014

Aujourd'hui, toute l’Égypte appartient aux militaires. Toute? Toute

par Bachir El Khoury بشير الخوري,Slate.fr, 4/6/2014


Il ne s’agit point d’un secret. Avec plus d'un million de membres, l'institution militaire égyptienne est la plus grande d’Afrique, et l'une des plus imposantes. Son poids n’est pas seulement militaire. L’armée en Égypte contrôle une partie importante de l’économie du pays. Et cela ne date pas d’hier.

Les généraux ont érigé un empire au cours des trente dernières années, constitué désormais de quelques 35 usines et entreprises, qu’ils ont dûment protégé contre la politique de libéralisation économique et les vagues de privatisation des années 1990 et 2000.

Cet empire, qui place l'Égypte dans une position ambivalente, à mi-chemin entre une économie socialiste et un modèle capitaliste, serait constitué de trois pôles principaux: le ministère de la Production militaire, l'Organisation arabe pour l'industrialisation, et l'Organisation nationale de services. Selon un article du centre Carnegie pour la paix, The Generals’ Secret: Egypt’s Ambivalent Market, les deux premiers piliers rassembleraient 19 usines et entreprises, dont 40 à 70% de la production est orientée vers le marché privé. Quant à la troisième entité, elle serait engagée dans la fabrication d'une large gamme de produits, dont des voitures de luxe, des couveuses, des bouteilles de gaz, ainsi que des produits alimentaires. Elle fournirait également des services tels que le nettoyage domestique et la gestion de stations-service.

Le Maréchal al-Sissi à l'Opéra du Caire en mars dernier
Cette nébuleuse s’est développée à partir de la fin des années 1970, à la suite des accords de paix de Camp David. L'armée avait alors commencé à investir dans plusieurs secteurs du pays, allant de l'agriculture à la construction de routes et de ponts, en passant par l'immobilier, les industries électroniques, les usines laitières et les fermes d'élevage.
http://www.egyptianmarathon.com/EgyptianMarathon/images/stories/sharm111.jpg
Les grands officiers ont également investi l'industrie du tourisme, via la construction et la gestion d’hôtels et de villages touristiques dans plusieurs sites, dont celui de Charm el-Cheikh; cette tendance s’était développée à l'époque du maréchal Abdel-Halim Abou Ghazala, ministre de la Défense à la fin du mandat d’Anouar el-Sadate et du début de l'ère Moubarak.
L’Armée possède également des restaurants, des terrains de football, ainsi que des hôpitaux et des centres de soins pour enfants. Elle joue aussi un rôle important dans le secteur agricole, avec plusieurs contrats conclus avec des investisseurs étrangers d'une valeur de centaines de millions de dollars. Aujourd’hui, cette économie «grise», dont les bilans ne sont soumis à aucun contrôle parlementaire ou audit indépendant, représenterait près du tiers du PIB du pays.
Des privilèges protégés par le pouvoir politique
Les intérêts économiques des militaires n’ont jamais été menacés par les régimes en place, même lorsque la pression extérieure montait pour l’application de certaines réformes-clés. Hosni Moubarak, lui-même un ancien militaire, a réussi à ménager la chèvre et le chou, se conformant à l'accord de 1992 de la Banque mondiale qui prévoyait notamment la privatisation à grande échelle d’entreprises publiques en contrepartie d’aides financières. L’ancien Rais avait toutefois veillé à ce que l’application de l’accord en question ne froisse pas les hommes d’affaires en habit militaire.
Ainsi, lorsque plus de 300 usines et entreprises publiques ont été privatisées au début des années 1990, les avoirs de l'armée sont restées intactes. Ce scénario s’est reproduit entre 2004 et 2011, lorsque le pays a connu une nouvelle vague de privatisations, à l’instigation des gouvernements formés par le cercle proche de Gamal Moubarak, homme d’affaires influent et fils du Rais. Aucune de la douzaine d’entreprises publiques concernées n’appartenait à des militaires, tandis que les hauts gradés de l’Armée étaient placés dans des postes-clés au sein de ces sociétés ou usines privatisées.
En parallèle, et dans un objectif clair de préserver les chasses gardées des bonnets militaires, tous les « réformateurs » ont été écartés du pouvoir durant l’ancien régime. Sitôt après sa nomination à la tête du ministère de la Défense par Moubarak, Youssef Sabri Abou Taleb fut destitué de son poste en 1991, après avoir promis de séparer l'armée de tous les projets non liés à la défense ou en concurrence avec le secteur privé et de lutter contre la corruption au sein de l’institution militaire. Ce dernier a été remplacé par Mohamed Hussein Tantawi, qui a refusé toutes les tentatives de mettre fin à l'empire économique de l'armée.
Les exceptions et «privilèges» sur le terrain existent également sur le papier.  En 2007, après quinze ans de réformes néolibérales, Moubarak a modifié la constitution pour supprimer des articles socialistes de Nasser, taillant toutefois avec beaucoup d’habileté les passages se rapportant à la privatisation du secteur public. Le contenu de l’article 4 de la Constitution, qui consacre le modèle économique libéral, fut atténué par des clauses stipulant la protection des entités publiques et des coopératives nationales. Au lendemain de la révolution de janvier 2011,  le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui assurait le pouvoir par intérim, a intégralement copié cet article dans sa déclaration constitutionnelle postrévolutionnaire.
Pouvoir foncier et aides du Golfe
Ce rempart légal et politique a permis à l’armée d’étendre son influence au-delà du Caire. Celle-ci possède aussi de vastes étendues de terres sur l’ensemble du territoire. En 1997, un décret présidentiel lui a accordé le droit de gérer l'ensemble des terrains en friche. Selon certaines estimations, l'armée contrôlerait ainsi de facto près de 87% de la superficie du pays.
Egypt’s army chief Abdelfatah al-Seesi (right) meets with Arabtec Construction CEO Hasan Abdullah Ismaik on March 9 in Cairo
Al-Sissi avec le PDG d'Arabtec Construction Hasan Abdullah Ismaik le 9 mars dernier au Caire. Photo Forces armées égyptiennes/Anadolu Agency via Getty Images (sic)
Ce «pouvoir» foncier a conféré à l’armée le rôle d’acteur incontournable dans les projets immobiliers entrepris par des investisseurs locaux ou étrangers. En mars dernier, le géant émirati Arabtec Holding concluait un accord avec le ministère égyptien de la Défense pour la construction d’un million de logements, d’un montant global de 40 milliards de dollars. Le projet, destiné aux populations à faibles revenus, s’étend sur treize sites d’une superficie totale de 160 millions de mètres carrés, majoritairement détenus par l’armée.
Cette vague de mégaprojets profitant aux officiers a été dopée par l’aide des pays du Golfe, qui a culminé à plus de 12 milliards de dollars depuis la prise du pouvoir par l’armée. Au moins six gros contrats, d’une valeur totale de 1,5 milliard de dollars, ont été confiés à l’institution militaire et ses ramifications entre septembre et décembre dernier. Ce processus a non seulement été autorisé par le gouvernement égyptien, mais il a été activement facilité. Selon la loi égyptienne, les contrats sont accordés sur la base d’un appel d’offres, mais en novembre 2013, le président par intérim, Adly Mansour, a publié un décret autorisant les ministères à outrepasser la procédure habituelle en «cas d'urgence».
Le Canal de Suez et la destitution de Morsi
Autre cible de l’armée: le canal de Suez qui génère plusieurs milliards de dollars par an et dont le contrôle aurait constitué l’un des motifs de la destitution forcée de Mohamed Morsi par les militaires. En effet, ce dernier aurait décidé de lancer un vaste projet de développement de la zone du canal, avec le soutien du Qatar, sans impliquer l’armée de manière directe. Depuis son élection, le représentant de la confrérie musulmane avait pourtant pris garde, à l’instar de ses prédécesseurs, de ne pas marcher sur les plates-bandes de l’armée.
Mais les négociations avec les Qataris – présentées comme un enjeu de souveraineté politique et militaire par les anti-Morsi et déplaisant, par ailleurs, au concurrent saoudien du petit émirat gazier – furent perçues par les militaires comme le franchissement d’une ligne rouge. L’enjeu réel était davantage lié à la «souveraineté économique» d’un des sites les plus juteux sur le plan financier.
Preuve de cet intérêt, en janvier dernier, six mois après le «putsch» militaire contre Morsi, l'Autorité du Canal de Suez, dirigée par le vice-amiral Mohab Mamish —un ancien membre du conseil militaire qui a pris le pouvoir en Égypte après le départ de Moubarak— a nommé 14 entreprises éligibles à l’appel d’offres propre au plan directeur  du projet de développement du canal. Selon le Washington Post, seules trois sociétés n’auraient aucun lien avec l’armée égyptienne, tandis qu’au moins deux parmi celles sélectionnées entretiennent des relations étroites avec les militaires.
Arab Contractors (77 000 salariés, présente dans 29 pays) a son propre club sportif, Al Mokawloon
Il s’agit d’Arab Contractors, gérée pendant 11 ans par le Premier ministre proche de l'armée, Ibrahim Mahlab. Le conseil d'administration d’une autre compagnie, Maritime Research and Consultation Center, est en outre composé presque entièrement d'officiers militaires et est présidé par le ministre des Transports, ajoute le journal qui dénonce l’opacité concernant l’identité des autres compagnies préqualifiées.
Soutenue par les pays du Golfe, et confortée par l’élection d'Abdel Fattah al-Sissi, l’armée devrait ainsi confier, sans soucis majeurs, à une seule société le contrat du Canal de Suez en octobre prochain et étendre son pouvoir politique et économique à l’ensemble du pays. Non sans risque. En l’absence de respect des libertés et d’altération des fondements du pouvoir économique, le nouveau régime risque de faire face aux mêmes «perturbations» qui avaient mené au renversement de Hosni Moubarak.
Sur le même thème, lire L’armée et l’économie en Égypte, par Zeinab Abul-Magd