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par Fausto Giudice, 21/7/2015
Manuel Talens
est mort le mardi 21 juillet à Valence des suites d'une longue maladie.
Avec lui nous perdons un frère, un ami, un camarade. Qu'il était
irremplaçable, nous le savions déjà depuis longtemps, depuis que la
maladie l'avait éloigné de nous. Sa disparition laisse un trou noir.
Manuel avait laissé la blouse de médecin pour endosser l'habit de l'écrivain et du traducteur. Il avait
gardé de sa formation et de son expérience médicale une énorme capacité
d'attention à l'autre et à la souffrance. Il a été l'un des trois
fondateurs du réseau Tlaxcala et le principal rédacteur du Manifeste de lancement de notre réseau et de notre site Tlaxcala en février 2006.
Manuel était un communiste sans parti, un révolutionnaire sans
dogmes, un "socratique primaire", dans la mesure où il aurait pu faire
sienne la devise du sage d'Athènes : « Je ne sais qu'une chose, c'est
que je ne sais rien ». Nous passions des heures à parler de ce qui se
passait dans le monde et, à partir du déclenchement des révolutions
arabes, de celles-ci, qu'il faisait tout pour comprendre, au-delà de son
ignorance du monde arabe.
Nous nous étions connus en 2005 par la Palestine, à l'occasion de
la traduction d'une longue conversation qu'il avait eue avec le
saxophoniste, essayiste et romancier ex-israélien Gilad Atzmon. Le titre
de ce texte, La beauté comme une arme politique,
pourrait être la phrase résumant le credo de Manuel, que rien ne
pouvait mettre plus en colère que le travail de cochon fait par certains
sites militants traduisant des textes n'importe comment – lui, il
disait "avec le cul" -, faisant preuve d'un manque total de respect
envers les auteurs, les lecteurs et, finalement, eux-mêmes.
Manuel
a été déterminant pour établir une éthique au sein de notre réseau de
traducteurs, en contribuant à fixer certaines règles simples. Première
règle : pour traduire un texte, il faut le comprendre. Deuxième règle :
il faut le rendre compréhensible. Ces évidences ne sont pas encore
partagées universellement, malheureusement. Nous avions trouvé une
phrase de José Marti résumant la philosophie commune que nous étions en
train de bricoler : "Traduire, c’est transcrire d’une langue à une autre. Je crois que c’est plus, je crois que traduire, c’est transpenser".
Dans toutes ses traductions, que ce fût en espagnol, en français ou
en anglais, Manuel fut un vrai transpenseur. Sa ville natale de Grenade
devrait lui élever une statue à côté de celle de Yehuda Ibn Tibon, le
Père des traducteurs. Manuel fut un de ses fils les plus dignes.
À
Santa Clara, Cuba, en 2005, dans le mausolée du Che : de gauche à
droite, Carlos Tena, Manuel Talens, Quintín Cabrera et Gennaro
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