mercredi 14 octobre 2015

Algérie : de Ghardaïa à In Salah, entre tribalisme, révolte sociale et gaz de schiste

Rabha Attaf s'est rendue en Algérie en juillet dernier et en a rapporté ce reportage, d'où il ressort que les affrontements "ethniques" de Ghardaïa dégagent une forte odeur de…gaz de schiste
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Impossible de savoir avec précision ce qui a réellement mis le feu aux poudres. En ces derniers jours de Ramadhan, Ghardaïa n'est plus que l'ombre d'elle même. La capitale du Mzab, hier florissante, porte encore les stigmates des affrontements communautaires qui ont  régulièrement enflammé  la ville et ses alentours depuis octobre 2014. En fait, depuis 2013, les vieilles rancunes entre Mozabites et populations arabes venues s'installer dans l'oasis au fil du temps sont remontées à la surface, donnant lieu à des altercations sporadiques. Mais en décembre 2014, les incidents se sont aggravés, avec l'incendie planifié de plusieurs dizaines d'habitations dans les quartiers mozabites, semant une panique généralisée. Malgré quatre mois de pourrissement, les autorités algériennes avaient brillé par leur absence.

Puis, en avril 2015, 10 000 gendarmes ont été déployés pour mettre un terme aux affrontements meurtriers. Postés tel un cordon sanitaire à l'entrée des sept ksours mozabites -villages fortifiés surplombant les autres quartiers de Ghardaïa- ils veillent, sous une chaleur caniculaire, à maintenir un calme artificiel. Les policiers, venus en renfort de l'ouest du pays, n'avaient pas réussi à mater les belligérants.  Pas étonnant : la police nationale algérienne est le premier employeur de jeunes diplômés au chômage, rapidement opérationnels après une formation sommaire. Trop jeunes et inexpérimentés, d'après des témoins, ils avaient été accusés de prendre parti contre les Mozabites et de protéger les « Cha'anba » -le nom de tribu utilisé pour désigner d'une façon lapidaire les « envahisseurs  arabes » bien que les Cha'anba soient eux aussi de souche berbère, comme les Mozabites.


Malgré ce déploiement, les affrontements ont continué crescendo jusqu'en juin, de façon sporadique -à coups de jets de pierres, de coktails Molotov, de « tire-boulons » (frondes bricolées)  et d'armes artisanales en tout genre- avec comme principaux foyer Berriane et El Guerrara, deux localités aux vastes palmeraies proches de Ghardaïa. Car très vite le conflit,  apparemment déclenché par des  bandes rivales de jeunes aux allures de «hooligans », s'est transformé en guérilla idéologique sous la pression d'agitateurs « vedettes » crachant leur venin sur les réseaux sociaux. Les noms utilisés pour désigner l'adversaire -« Ibadites » contre « Malékites », « Amazigh » contre « Arabes »- ont en effet jeté de l'huile sur le feu et fabriqué un  véritable climat d'affrontements communautaires.


Précisons que le M'zab est le fief traditionnel des Mozabites, ayant adopté le rite ibadite au VIIIème siècle. Sur les 400 000 habitants que compte Ghardaïa, ils sont 300 000, traditionnellement commerçants ou propriétaires fonciers. Mais depuis 1984, la composition sociologique de la ville -devenue capitale régionale- s'est modifiée, avec l'afflux d'Algériens venus des autres régions pour y travailler dans les complexes pétroliers ou occuper des postes d'encadrement dans l'administration qui se mettait en place. Ainsi, les Mozabites, qui forment une micro-société organisée particulièrement  puritaine et pratiquant l'entre-soi, se sont sentis envahis par ces Algériens aux mœurs trop laxistes à leur goût.

« Notre communauté est contrôlée d'une façon stricte », m'expliquait un jeune érudit mozabite rencontré dans le ksar d'El-Mlika (La Reine) qui domine la ville. « Le Conseil des 'Azzaba (conseil des Sages) veille au respect de la loi religieuse et chaque groupe est encadré. Contrairement aux Arabes, nos jeunes sont surveillés !». Et comme en écho à ce discours, des versets coraniques psalmodiés à l'unisson  par des enfants s'échappaient de la mosquée toute proche. « Le conflit ne date pas d'hier », poursuivait-il sur sa lancée. « Nous, nous sommes des commerçants travailleurs et pacifiques, établis ici depuis des siècles. Alors que les Bédouins, venus plus tard, sont connus pour être des voleurs et des fainéants ! ». Et de m'expliquer que les maisons des Arabes brûlées au sein même des quartiers mozabites le furent en représailles aux incendies criminels de maisons mozabites. Bref, une spirale de violence devenue incontrôlable.

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Ghardaïa vue du ciel



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