Fausto Giudice a écrit cet article il y a plus de 3 ans et demi, exprimant l’espoir que la jeunesse suédoise se réveille rapidement et descende dans la rue pour crier : « Suède hors d’Afghanistan ! » On n’en est malheureusement pas encore là. Et le conservateur Reinfeldt (à peine réélu) est toujours au pouvoir et veut tripler le nombre de soldats suédois en Afghanistan, alors que d’autres pays s’empressent de sortir du bourbier afghan. Pour soutenir notre exigence, le mouvement Afghanistansolidaritet organise, de concert avec IrakSolidaritet, une semaine Afghanistan du 4 au 9 octobre, avec entre autres des expositions, la première d’un film afghan, un séminaire le mercredi 6 octobre à 18 h 30 à ABF (Stockholm) avec Julian Assange, porte-parole de Wikileaks, Pratab Chatterjee de CorpWatch et d’autres, ainsi qu’une manifestation – que nous espérons importante – le samedi 9 octobre octobre à 13 h.place Norra Bantorget, avec entre autres Julian Assange, l’ancien ministre social-démocrate de la Défense Thage G Peterson et l’écrivaine Maria-Pia Boëthius.
Un slogan postmoderne toujours d'actualité
par Fausto Giudice, 2 mars 2007
Qui parmi ceux qui, comme moi, arpentaient les rues de Stockholm à la fin des années 60 et au début des années 70 en criant « USA hors du Vietnam, du Laos et du Cambodge ! », aurait jamais pu penser que nos successeurs des nouvelles générations auraient à descendre à nouveau dans la rue, quarante ans plus tard, en criant « Suède hors d’Afghanistan » ?
La jeunesse suédoise de 2007 n’en est pas encore là – à descendre dans la rue pour exiger le retrait des soldats suédois de Mazar-i-Sharif – mais cela ne saurait tarder. Les slogans de notre jeunesse demandent donc à être modifiés. Dans notre monde globalisé, il faut désormais crier : « Danemark, hors d’Irak ! », « Népal, hors d’Haïti ! », « Fiji , hors du Congo ! », sans oublier « Éthiopie, hors de Somalie ! »
Il y a 250 soldats suédois en Afghanistan. Il est question maintenant d’augmenter leur nombre. Les quatre partis de la coalition gouvernementale dirigée par le jeune Fredrik Reinfeldt –modérés, libéraux, centristes et chrétiens-démocrates – a hérité de ce dossier de son prédécesseur social-démocrate. La social-démocrate et chrétienne ministre de la Défense Leni Björklund avait défrayé la chronique en signant un accord de coopération militaire avec l’Arabie saoudite et suite à des accusations de népotisme qui n’ont pas eu de suite. Mais sa décision d’envoyer des soldats suédois combattre en Afghanistan, sous commandement US et dans un cadre, certes avalisé par l’ONU, mais néanmoins de l’OTAN, n’avait pas suscité autant de polémiques. Même la mort de deux soldats suédois, victimes d’un attentat, en novembre 2005, n’avait pas suscité de grandes interrogations ou protestations. C’est que les Suédois sont longs à la détente, après cinq siècles de protestantisme luthérien et un siècle de social-démocratie. Vladimir Lénine avait conclu d’un bref séjour à Stockholm au début du siècle dernier : « Lorsque les sociaux-démocrates décideront de faire la révolution, ils iront demander la permission au Roi. »
Mais les sociaux-démocrates ont perdu le pouvoir aux élections d’octobre 2006 et ont été remplacés par une coalition dirigée par le « Parti du rassemblement modéré », le vieux parti conservateur de droite qui se présente désormais comme le « nouveau parti des travailleurs » et, pour sacrifier au « political correct », se paye même le luxe d’avoir dans son gouvernement une belle Noire, la libérale Nyamko Sabuni, née au Burundi de parents congolais, et qui est, comme il se doit ministre de l’Intégration et de l’Égalité des chances.
Mais revenons à l’Afghanistan. L’ISAF y compte 32 000 soldats provenant de 37 pays. Présentée comme une ”mission de paix et de reconstruction” par ses promoteurs – le ministre italien des Affaires étrangères Massimo d’Alema l’a présentée, lors du débat au Sénat du 21 février de ”mission politique et de paix” -, cette mission est une mission de guerre. En témoignent les nombreux morts parmi les combattants et les civls afghans et parmi les soldats qui la composent, qu’ils soient britanniques, danois (389 soldats – 3 tués) ou norvégiens (540 soldats – 1 tué).La Suède n’est pas membre de l’OTAN mais elle est entrée dans la ”Partenariat pour la Paix ” en 1994 et c’est dans ce cadre qu’elle participe aussi à deux autres missions, en Bosnie (IFOR, puis SFOR et aujourd’hui IFOR) et au Kosovo (KFOR). Que font donc les soldats suédois en Afghanistan ? On nous dit qu’ils ”reconstruisent”. Mais les deux soldats tués à Mazar-i-Sharif en novembre 2005, Jesper Lindblom et Tomas Bergqvist, faisaient partie d’une unité spéciale secrète, le SSG –« groupe de protection spéciale » - sur lequel il est impossible d’avoir la moindre information, étant donné que ses activités relèvent du Secret défense en vertu de la joliment nommée « sekretesslagen » (« loi du secret »). il serait en tout cas étonnant que le SSG s’occupe de creuser des puits et de dispenser des soins médicaux. Plus vraisemblablement, il s’occupe de renseignement et d’opérations contre-insurrectionnelles. Curieusement, ce sigle, SSG, est aussi celui du "Special Service Group", une brigade indépendante de commandos de l’armée pakistanaise composée de 2100 hommes et chargée des « opérations spéciales ». Le SSG pakistanais a mené des opérations clandestines contre les occupants russes en Afghanistan dans les années 80, puis ces dernières années dans le cadre de l’opération US baptisée « Enduring Freedom ».
Bizarrement, aucun journaliste suédois d’investigation – mais y en a-t-il encore ? – ne s’est livré à une enquête sur le SSG suédois.
Autre argument pour dénoncer le caractère guerrier de la mission suédoise : le gouvernement envisage sérieusement d’engager des avions de chasse JAS Gripen – les fameux avions fabriqués par SAAB – en Afghanistan. Là aussi, on est loin du creusement de puits, des soins médicaux et autres activités de reconstruction. Comme pour l’engagement prévu par l’Allemagne de 8 avions de reconnaissance Tornado en Afghanistan, il y a là matière à débat et en Suède, ce débat, longtemps rampant, a enfin éclaté au grand jour, avec la publication d’un appel signé par de nombreuses personnalités, dont plusieurs sociaux-démocrates, parmi lesquels Thage G. Peterson, 73 ans, qui fut ministre dela Défense de 1994 à 1997. Cet appel dit tout simplement que les soldats suédois n’ont par leur place dans une mission de guerre en Afghanistan et que la Suède aurait mieux à faire que d’envoyer des soldats dans ce pays sinistré. Comme l’a fait remarquer Petersson, l’envoi de soldats suédois en Afghanistan permet de soulager les forces de l’OTAN, qui peuvent ainsi porter le principal de leur effort de guerre sur l’Iraq. Bref, participer à la guerre en Afghanistan, c’est participer à la guerre en Irak. De toute façon, les deux guerres sont pensées, organisées et planifiées au même endroit, le Commandement central stratégique US, basé à Tampa en Floride. Commandement auprès duquel sont d’ailleurs détachés des officiers suédois.
« L’Afghanistan peut devenir le Vietnam dela Suède » : c’était le titre d’un éditorial du quotidien social-démocrate Aftonbladet le 9 janvier dernier.
Depuis 200 ans,la Suède n’avait été directement impliquée dans un aucun conflit militaire, se contenant de fournir des casques bleus aux missions de l’ONU. La sacro-sainte neutralité suédoise a été fortement érodée ces dernières années. Les sociaux-démocrates, qui portent une lourde responsabilité dans cette érosion, semblent être en train de faire marche arrière, suivis par leurs alliés écologistes du « Miljöparti », qui contrairement à ce qu’on pourrait croire ne signifie pas le « parti du milieu » mais le « parti de l’environnement ». Mais, étant en minorité au Parlement, ils n’ont aucune chance d’y bloquer l’augmentation des effectifs militaires en Afghanistan et encore moins d’obtenir un retrait des troupes. Il ne leur reste donc qu’une solution : mobiliser l’opinion et descendre dans la rue comme l'ont fait les opposants italiens à la présence de troupes en Iraq et Afghanistan et à l'extension de la base militaire US de Vicenza.. On va donc finir par entendre dans les rues de Stockholm résonner ce slogan authentiquement postmoderne : « Sverige ut ur Afghanistan ».
Mais revenons à l’Afghanistan. L’ISAF y compte 32 000 soldats provenant de 37 pays. Présentée comme une ”mission de paix et de reconstruction” par ses promoteurs – le ministre italien des Affaires étrangères Massimo d’Alema l’a présentée, lors du débat au Sénat du 21 février de ”mission politique et de paix” -, cette mission est une mission de guerre. En témoignent les nombreux morts parmi les combattants et les civls afghans et parmi les soldats qui la composent, qu’ils soient britanniques, danois (389 soldats – 3 tués) ou norvégiens (540 soldats – 1 tué).
Bizarrement, aucun journaliste suédois d’investigation – mais y en a-t-il encore ? – ne s’est livré à une enquête sur le SSG suédois.
Autre argument pour dénoncer le caractère guerrier de la mission suédoise : le gouvernement envisage sérieusement d’engager des avions de chasse JAS Gripen – les fameux avions fabriqués par SAAB – en Afghanistan. Là aussi, on est loin du creusement de puits, des soins médicaux et autres activités de reconstruction. Comme pour l’engagement prévu par l’Allemagne de 8 avions de reconnaissance Tornado en Afghanistan, il y a là matière à débat et en Suède, ce débat, longtemps rampant, a enfin éclaté au grand jour, avec la publication d’un appel signé par de nombreuses personnalités, dont plusieurs sociaux-démocrates, parmi lesquels Thage G. Peterson, 73 ans, qui fut ministre de
« L’Afghanistan peut devenir le Vietnam de
Depuis 200 ans,
Le mouvement suédois de solidarité avec le Vietnam (1965-1975) fut le plus important dans le monde en dehors des USA. Il culmina en 1972 avec une manifestation de 50 000 personnes à Stockholm et un appel au retrait des troupes US signé par 2,3 millions de Suédois, soit 28% de la population du pays
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