mercredi 16 novembre 2011

Lettre ouverte à Rachid Ghannouchi, dirigeant d’Ennahdha رسالة مفتوحة ، إلى راشد الـغنوشي، رئيس حركة النهضة

 تذكير بمجموعة من المبادئ 
ترجمة   حديفة الحجام
 Offener Brief an Rached Ghannouchi, den Führer der Ennahdha-Partei 
Tamazight   Tabṛat iledyen n EbrahimYazdi, aneɣlaf aqbur n tɣawsiwin n beṛṛa n Iṛan, i yemḍebber isenneslem Rachid Ghanouchi

Un rappel de quelques principes
par Ebrahim Yazdi ابراهیم یزدی. Traduit par  Michèle Mialane, Tlaxcala



Le Docteur Ebrahim Yazdi, Secrétaire général du Mouvement iranien pour la liberté, félicite Rachid  Ghannouchi, le Président du parti tunisien Ennahdha pour sa victoire électorale  et rappelle quelques points :

Au nom de Dieu, le Clément et le Miséricordieux,
Mon cher frère Rachid  Ghannouchi
Je te salue et que Dieu te bénisse.
Je te félicite de la victoire que vous avez remportée, toi et tes frères et sœurs. Elle ne vous a pas seulement permis de renverser un régime oppressif, mais aussi de faire des élections libres et justes. En Iran nous y portons un grand intérêt, tout en priant pour votre succès. J’ai suivi de très près la lutte que tu as menée avec le peuple tunisien pour vous libérer du despotisme et fonder un État démocratique.
 
Il faut se réjouir du succès électoral de ton parti. Mais parallèlement cette victoire charge tes épaules, à toi le leader d’Ennahdha, d’un lourd fardeau. Si d’un côté je suis impressionné par la maturité politique du peuple tunisien, d’un autre je me fais de gros soucis pour le long terme. Nous autres musulmans- quel que soit notre peuple - luttons pour notre liberté et notre souveraineté, mais nous n’avons pas une expérience suffisante de la démocratie. Nous combattons et renversons les dictateurs, mais nous ne réussissons pas à éliminer l’arbitraire dans notre mode de vie. Le despotisme ne se résume pas à une structure politique, mais comporte aussi des dimensions culturelles inhérentes à cette structure. Et ce sont justement les effets de ces dimensions culturelles sur la personnalité des gens et sur la société acquise au despotisme qui permettent la survie de celui-ci. Et c’est précisément ce qui est arrivé en Iran.
Nous avons renversé le Chah en oubliant de nous attaquer à l’attitude et à la personnalité du Chah en nous-mêmes. Et le cercle vicieux n’a pas été rompu.
Que faire pour mettre un terme à cet éternel retour et établir une véritable démocratie ?  La démocratie ne s’exporte pas. C’est au contraire un processus d’apprentissage national à l’ouverture d’esprit. Les élections sont un très précieux instrument. Mais elles n’impliquent pas automatiquement la démocratie. Je voudrais attirer ton attention sur trois valeurs fondamentales, car si les populations de tous les pays les acceptent et les intériorisent, les chances de liberté et de démocratie pour les générations musulmanes actuelles et futures s’accroîtront.
Le premier point, c’est l’acceptation et le respect de la diversité et de la variété des sociétés humaines. Dieu le Très-Haut, qu’il soit loué, a dans le saint Coran attiré notre attention sur les différences au sein des sociétés humaines et nous a invités à nous supporter mutuellement. Parole de Dieu : Au jour du Jugement je serai juge de la diversité de vos opinions. Les pays musulmans, dont la Tunisie, présentent toutes les caractéristiques de sociétés en pleine mutation. Et dans les sociétés en transition la diversité et la variété des opinions et convictions sont beaucoup plus grandes que dans des sociétés déjà organisées. C’est ce qui rend d’autant plus important et nécessaire d’accepter et de respecter la diversité, à notre époque où les musulmans sont en pleine évolution.
Le deuxième point dans notre apprentissage de la démocratie, c’est celui de la tolérance, qui occupe une place toute particulière dans notre culture et notre doctrine islamiques. La diversité de nos sociétés pourrait conduire à des heurts, des luttes et des régressions sociales et ouvrir la voie à de nouveaux despotismes. C’est pourquoi la tolérance est une absolue nécessité. Mais elle est par essence passive et ne suffit pas à prévenir les affrontements et leurs conséquences. Ce qui  nous amène au troisième point.
La troisième condition pour l’établissement d’une démocratie est de pouvoir s’entendre et se comprendre entre personnes actives politiquement. L’évolution politique et sociale de la Tunisie exige une convergence et une entente mutuelle entre tous les citoyens, quels que soient leurs appartenances idéologiques, religieuses, raciales et sexuelles. S’entendre et se comprendre ne signifie pas faire passer au second plan sa propre foi et ses propres convictions. Mais comprendre la nécessité de collaborer pour le salut national en vue du bien de tous les groupes de population.
Frère très honoré, tu as gagné la confiance et le soutien de la majorité des électeurs et maintenant c’est à toi d’être un modèle de grandeur d’âme et de reconnaître ceux qui ne pensent pas comme toi. Je prie Dieu le Très-Haut de t’épargner les erreurs commises chez nous en Iran, ou en Algérie et d’autres pays du même genre.
En ce printemps, la Tunisie a joué un rôle de pionnier et d’éclaireur dans le mouvement de réveil arabe. Aujourd’hui elle a fait le premier pas et a ouvert la voie royale pour fonder la démocratie. Je prie Dieu qu’elle soit le pionnier de l’établissement de la démocratie dans le monde arabe et pour le monde musulman.
Ton frère en Islam
Ebrahim Yazdi
Ex-ministre des Affaires étrangères de la République islamique d’Iran.
Téhéran, le 26 octobre 2011


Ebrahim Yazdi ابراهیم یزدی
Le Dr. Ebrahim Yazdi est le secrétaire général du Mouvement iranien pour la liberté (Nehzat e Azadi e Iran).
Né en 1931 dans la ville de Ghazvin, au Nord de l’Iran, Ebrahim Yazdi a obtenu son diplôme de pharmacien en 1953 à l’Université de Téhéran. En 1947 il avait adhéré au mouvement des Socialistes croyants et à l’Union des étudiants musulmans de l’Université de Téhéran. Lors du mouvement en faveur de la nationalisation de l’industrie pétrolière - en vue de se libérer des filets de la domination anglaise - il s’est rangé derrière le premier Président du Conseil élu par le peuple, le Dr Mohammad Mossadegh. Après le putsch de la CIA contre Mossadegh, il a fait partie du Mouvement national de résistance.
                                      
En 1960 il a émigré aux USA pour y poursuivre ses études. Il y a été membre fondateur du Front National iranien et du Mouvement pour la liberté de l'Iran, Section USA. En 1965 il a participé avec d’autres militants à une formation à la guérilla en Égypte. En 1968 il a été membre fondateur de la communauté musulmane de Huston et de la première mosquée texane. En 1972 l’ayatollah Khomeiny l’a nommé son représentant spécial à l’ étranger.
En 1978 Ebrahim Yazdi a accompagné l’ayatollah Khomeiny à Paris. Après la Révolution, il a d’abord été membre du Conseil de la Révolution, puis vice-Premier Ministre et enfin Ministre des Affaires étrangères au sein du gouvernement de transition iranien.
Après le retrait du gouvernement de transition, il a refusé de participer au gouvernement suivant et l’ayatollah Khomeiny l’a chargé de la gestion de crise dans l’enquête sur les troubles dans les provinces et les luttes tribales. Il a provisoirement été directeur de Keyhan, le plus grand quotidien iranien. Aux premières élections qui ont suivi la révolution il a été élu député de Téhéran. Lorsque le Mouvement pour la liberté est redevenu légal, il a été membre du Comité central du Parti et a succédé à son premier secrétaire général, Mehdi Bazargan, à la mort de celui-ci.
En 1989 le Dr Yazdi, face au nombre croissant de violations des droits humains et au mépris des lois dont font preuve les dirigeants, a été l’un des fondateurs, puis un collaborateur actif de la Société pour la protection de la liberté et de la souveraineté nationale. Il a été plusieurs fois emprisonné sous la République islamique, la dernière fois de septembre 2010 à février 2011, en dépit de son grand âge (80 ans).
Le Dr Ebrahim Yazdi est marié à la fille d’un combattant de la liberté d’Azerbaïdjan et père de deux fils et quatre filles.

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