La baronne Margaret Thatcher, qui fut Premier ministre britannique du 4 mai 1979 au 28 novembre 1990, vient de mourir à l'âge de 87 ans. Elle laisse aux peuples des Îles dites britanniques, de l'Angleterre aux Malouines en passant par l'Irlande toujours divisée, un souvenir sinistre. Nous ne verserons pas une seule larme pour cette fille d'épicier devenue une virago adepte de la thérapie de choc capitaliste pour mettre au pas la classe ouvrière et les résistants irlandais-BASTA!
L'héritage rouillé de la Dame de fer : marchés libres rampants, divisions sociales, déclin industriel
Mort de Margaret Thatcher: un œillet rouge pour Bobby Sands
par Francis Combes, poète et éditeur, L'Humanité, 8/4/2013
C'était ça, aussi, Margaret Thatcher : une Dame de fer capable de laisser mourir en prison, après soixante-six jours de grève de la faim, Bobby Sands, militant de l’IRA provisoire de 27 ans, qui venait d’être élu député à la Chambre des communes du Royaume-Uni. Rappel.
Il y a trente ans deux ans, le 5 mai 1981, au terme de soixante-six
jours de grève de la faim, mourait Bobby Sands, en Irlande du Nord,
dans la prison de Maze. Cette prison, installée sur l’ancienne base de
la Royale Air force nommée Long Kesh, fut d’abord un lieu de
détention où l’armée britannique pouvait enfermer sans procès tout
opposant à sa présence. Ainsi, en 1971, lors de l’opération
«Démetrius», 450 hommes des quartiers catholiques de Belfast y furent
parqués dans les H Blocks, des bâtiments en forme de H, dans des
conditions très rudes. Bobby Sands avait vingt-sept ans. Après lui,
dans les jours qui suivirent, moururent neuf autres prisonniers
politiques qui, à son exemple, menèrent jusqu’au bout leur mouvement
de protestation.
La mort de Bobby Sands et de ses camarades provoqua une vague
d’émeutes dans la population catholique irlandaise et ses funérailles
furent suivies par 100 000 personnes. En France, même parmi ceux qui
ne partageaient pas la stratégie et la tactique de l’IRA, la nouvelle
suscita une très vive émotion.
Enfant de la classe ouvrière
Originaire d’une famille modeste de Newtownabbey, Bobby Sands avait
quitté l’école tôt pour faire un apprentissage en carrosserie.
«J’étais seulement un enfant de la classe ouvrière d’un ghetto
nationaliste, écrit-il dans l’un de ses textes de prison. Mais c’est
la répression qui a fait naître en moi l’esprit révolutionnaire de
liberté.» En 1972, à dix-huit ans, il avait rejoint l’IRA provisoire
dont il était devenu un militant. La même année, des loyalistes
(protestants favorables à la couronne d’Angleterre) obligèrent sa
famille à quitter leur logement et à partir s’installer dans un autre
quartier, à Twinbrook, dans l’ouest de Belfast. Une première fois, en
1972, Bobby fut condamné à quatre ans de prison pour détention d’armes
à feu. Quelque temps après sa libération, en 1976, il se fit à
nouveau arrêter, avec plusieurs de ses camarades, dans une voiture,
après une fusillade avec la police royale d’Ulster et fut condamné à
quatorze ans de prison
En prison, Bobby Sands se retrouva bientôt officier commandant des
membres de l’IRA et il contribua à relancer la lutte pour que leur soit
reconnu le statut de prisonniers politiques, pour que soit mis fin
aux mauvais traitements (passages à tabac et humiliations étaient
monnaie courante de la part des gardiens), pour le droit de recevoir
des visites et le droit de porter des vêtements civils. Devant la fin
de non-recevoir obstinée opposée par les autorités anglaises, les
prisonniers menèrent d’abord ce qu’on appela le «Blanket protest».
Refusant de porter l’uniforme des détenus, 300 d’entre eux décidèrent
de rester en permanence nus ou seulement enveloppés d’une couverture,
malgré le froid qui régnait dans la prison.
Dirty protest
Puis, ils durcirent leur mouvement. Ce fut le «Dirty protest» ou le
«No wash protest» qui consista pour les prisonniers à refuser de se
laver et même à étaler leurs excréments sur les murs… Thatcher
continuant à faire la sourde oreille, ils décidèrent alors d’engager
les uns après les autres la grève de la faim de telle manière que, si
l’un d’entre eux mourait, le relais soit pris par ses camarades. Mais
la «Dame de fer» refusa de se laisser fléchir… Ce mouvement suscita un
grand écho. (En tous temps et en tous lieux, le martyre est une forme
de lutte. Évidemment particulièrement efficace dans des pays où les
sentiments religieux sont forts (comme hier dans l’Irlande catholique
ou aujourd’hui dans le monde musulman). Mais cela vaut aussi pour ceux
qui ont fait le choix de Prométhée, cette « religion » ou, en tout
cas, cette foi en l’homme qu’est le communisme. Il suffit de penser à
la force des exemples de Rosa Luxemburg ou Che Guevara…)
Prisonnier et candidat
En avril 1981, après le décès d’un de leurs députés, les
républicains présentèrent le prisonnier de Long Kesh aux élections
législatives partielles. Et Bobby Sands fut élu. Ce qui conduira le
gouvernement Thatcher à modifier la loi pour interdire à des
prisonniers d’être candidats. L’intransigeance dont fit preuve madame
Thatcher pendant la grève de la faim et le cynisme qu’elle exprima
ensuite («Il a choisi de s’ôter la vie, a-t-elle déclaré. C’est un
choix que son organisation ne laisse pas à beaucoup de ses victimes.»)
ne furent pas pour rien dans l’émotion qui suivit sa mort.
Mais la détermination de Bobby Sands et de ses compagnons, ainsi que
la force de leur conviction furent aussi pour beaucoup dans le
mouvement de sympathie qui se leva. À certains égards, Bobby Sands
n’était pas seulement une victime du système carcéral britannique,
mais un combattant dont on pouvait comprendre et partager la cause.
«Je n’arrêterai pas, avait-il écrit, tant que l’Irlande ne sera pas
devenue une République, indépendante et socialiste.»
Vaincu dans la vie, Bobby Sands remportait dans la mort une victoire morale et devenait un martyr de la liberté.
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La bande-annonce du film Hunger, de Steeve McQueen, à propos de Bobby Sands
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