samedi 2 mai 2015

L'hiver arabe ou le retour des moukhabarat* عودة حكم المخابرات

28/4/2015
Original: عودة حكم المخابرات
Traductions disponibles : English 
Nous nous retrouvons piégés par la répression et la peur tandis que les acquis du printemps arabe sont lentement érodés par des tyrans revigorés, écrit la journaliste palestino-US Lamis Andoni, rédactrice en chef de l'édition anglaise du journal arabe Al Araby Al Jadid (Le Nouvel Arabe).

http://tlaxcala-int.org/upload/gal_10135.jpg

Dans les jours et les mois qui ont suivi le déclenchement des soulèvements arabes, de nombreux Arabes ont senti que l'étau des services de renseignement et de la police secrète s'était desserré, et que les organes eux-mêmes avaient été libérés de l'emprise de régimes autoritaires.
Mais aujourd'hui, nous nous trouvons une fois de plus pris au piège de la répression et de la peur, et nous sentons que la police secrète est devenue un peu partout plus arrogante et plus méprisante que jamais des droits et de la vie des gens.
Les services de renseignement arabes, et les régimes derrière eux, se comportent d'une manière lâche et revancharde. Suivant les lignes de force contre-révolutionnaires, aussi bien dans les pays ayant vécu des soulèvements que dans ceux qui n'en ont pas connu, ils puisent leur force dans le soutien international fourni sous prétexte de "faire face au terrorisme".
http://tlaxcala-int.org/upload/gal_10134.jpg

"Printemps arabe", par Emad Hajjaj
Pendant une brève période, nous avons vécu un rêve, mais nous avons depuis été réveillés par un cauchemar. Les services de la police secrète et ceux qui sont derrière eux ont fait un retour vindicatif, et cherchent à rétablir la crainte et l'unanimisme. Ils sont revenus à leurs tactiques d'intimidation et de menaces de tuer l'espoir, et répandent le désespoir et la frustration.
Pourtant, la question va au-delà des mesures visant à museler les gens, même la répression de la liberté d'expression est un instrument clé pour imposer l'obéissance. Il s'agit aussi d'empêcher les gens de revendiquer leurs droits.
Pour les régimes, il ne peut y avoir de droits pour les travailleurs et les pauvres, et pas de justice sociale, politique ou judiciaire, parce que, pour commencer, il n'y a pas de reconnaissance de l'existence de citoyens voire de la citoyenneté même.
Pour la police secrète, la brutalité est essentielle pour purger les slogans défendus par les révolutions, non seulement des places publiques, mais de la mémoire elle-même. Seules la peur et la loyauté sont autorisées à rester. En fait, on nous demande de rendre grâce aux tyrans pour être simplement encore en vie.
Pour expliquer cela, on peut citer l'absence d'une stratégie visant à apporter des changements chez les dirigeants des soulèvements, ce qui a aidé les anciens régimes à revenir sous de nouvelles formes et de nouveaux noms.
Mais il y a un autre facteur qui n'a pas été pris en compte lorsque les soulèvements ont commencé, à savoir, l'émergence du groupe État islamique, connu sous le nom Daesh, et de ses semblables. Ces groupes ont cherché et réussi dans une certaine mesure à confisquer les voix des révolutionnaires.
Je ne veux pas entrer dans les théories de la conspiration, mais il y a une tendance chez les contre-révolutionnaires à profiter des événements pour réimposer leur autorité.
Certes, le phénomène de Daesh et de l'extrémisme sous couvert religieux a des racines sociopolitiques, mais ceux-ci sont devenus la plus importante source de légitimité pour les contre-révolutions. Dans ce contexte, il est difficile de croire que ces groupes ne reçoivent pas le soutien pour enterrer les révolutions.
Le soi-disant «guerre contre le terrorisme» sert aujourd'hui à justifier presque tout, des restrictions à la liberté d'expression à la promulgation de lois antiterroristes draconiennes permettant de justifier les arrestations massives, la torture et la fabrication de charges.
Toute parole, tout acte d'un citoyen arabe est susceptible d'être l'objet d'une accusation judiciaire sous n'importe quelle étiquette, de la "menace contre la sécurité" du régime au "terrorisme", selon les caprices de l'instance ayant ordonné l'arrestation du citoyen.
En Tunisie, les restrictions sur les journalistes sont devenues chose courante, parfois avec une  justification légale. Ce n'est là que le début des conséquences des contre-révolutions.
En Égypte, la manière forte de la contre-révolution a dépassé toute limite. Une des plus grandes victimes en est le système judiciaire, qui est ouvertement en collusion avec le régime pour adopter des lois répressives et remplir les geôles de prisonniers.
Les droits sont non seulement bafoués, mais aussi abolis, tout comme les principes de la justice et la conscience des juges.
En Jordanie, où un mouvement de protestation a été rapidement étouffé, un mot sur Facebook peut, selon le bon vouloir des autorités, être une raison suffisante pour arrêter quelqu'un ou produire des accusations  graves contre lui eux en vertu d'une loi anti-terroriste qui a peu d'égards pour les preuves ou les droits.
Le même chose vaut à des degrés divers pour tous les régimes, le tout avec la bénédiction des USA. En effet, la majorité des régimes et des élites pensent que leur légitimité vient de Washington, et ne se soucient pas de ce que les gens veulent. Tant que sa voix est étouffée, le peuple n'existe pas.
NdT
*Moukhabarat: services de renseignement, police secrète, police politique

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire