ef. En 2007, le Ministère indonésien de la Santé annonçait publiquement qu’il ne fournirait plus au Réseau mondial de l’OMS pour la surveillance de la grippe (GISN) de virus de la grippe aviaire, parce que celui-ci ne prenait pas en compte les intérêts et les besoins des pays en développement. Le Dr Siti Fadilah Supari, Ministre indonésienne de la Santé, avait découvert que l’OMS, relativement à l’échange des virus, suivait ses propres règles et appliquait un double standard, puisque le GISN lui fournit des virus grippaux en provenance des pays atteints et les transmet ensuite à des firmes qui mettent au point des vaccins. Or ces vaccins sont beaucoup trop chers pour que les pays atteints par la grippe puissent les acheter, alors que les pays industrialisés font des réserves en vue d’une éventuelle pandémie. Le Dr Supari a eu le mérite de porter ce problème devant l’opinion publique mondiale dans son livre «It’s time for the world to change »(cf. Horizons et débats n° 16 du 27/04/09).
Cette année, l’Assemblée mondiale de la Santé s’est tenue du 14 au 22 mai à Genève. On devait y poursuivre entre autres les négociations, initiées par l’Indonésie et soutenues par la majorité des Etats membres de l’OMS, relatives à la transparence, l’honnêteté et l’équité dans l’échange des virus et au «benefit sharing» (participation aux bénéfices tirés du virus, par exemple sous forme de vaccins).
Et voici qu’est survenue la grippe porcine. Au motif que les Etats membres avaient besoin de leurs Ministres de la Santé pour préparer des mesures en cas de pandémie, l’Assemblée se sépara avec cinq jours d’avance, si bien que des sujets importants n’ont pu être débattus.
«Horizons et débats» s’est entretenu avec le Dr Siti Supari en marge de la Conférence.
Horizons et débats: Quelles réactions a suscitées votre livre «It’s time for the world to change»? Et qu’est-ce qui s’est fait depuis sa parution?
Dr Supari: Mon livre a retenu l’attention dans le monde entier après la critique qui en a été faite dans un journal australien par un journaliste de Sidney. Il prétendait que j’accusais l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de complot et de mettre au point une arme biologique, bien que une telle accusation n’apparaisse nulle part dans mon livre. Cette critique a fait beaucoup parler, directement et indirectement. Certains étaient d’accord, d’autres sceptiques. En outre, beaucoup me condamnèrent docilement sans avoir lu mon livre. A ce moment-là, j’étais très préoccupée que ces accusations ont été lancées contre moi bien qu’elles étaient tout à fait injustifiées au regard du contenu de mon livre.
Mon livre a eu un grand retentissement dans mon pays, après en avoir eu dans le monde entier. J’ai été submergée par les problèmes qu’il a provoqués. Entre autres, l’OMS exigeait qu’il soit retiré de la vente. Mais cela ne s’est pas fait.
En bref, le livre renferme ce que j’ai constaté au cours de ma lutte au sein de l’OMS pour garantir transparence, honnêteté et équité dans les mécanismes régissant l’échange des virus et le «benefit sharing» (voir plus haut). Les mécanismes actuels, en vigueur depuis 60 ans, ne me paraissaient pas transparents.
Quels sont cette année de votre point de vue, celui de l’Indonésie, les sujets les plus importants pour l’Assemblée mondiale de la Santé?
Cette année, le sujet le plus important était les retombées de la crise économique et financière sur la santé publique. Mais de mon point de vue, le plus important était la pandémie de grippe H1N1 partie du Mexique, qui m’a montré clairement que les problèmes auraient pu être évités si l’on avait appliqué trois principes: honnêteté, transparence, équité.
En m’appuyant sur mes observations relatives à la souche mexicaine du virus H1N1, j’ai réussi à cerner quelques questions restées pendantes:
Premièrement: l’OMS a baptisé la pandémie «grippe porcine» puis elle est passée à nouvelle «grippe H1N1». J’ai trouvé cela bizarre et inaccoutumé. Je ne sais pas pourquoi l’OMS a donné ce nom au virus, car ce nom était inaccoutumé pour cette maladie. On aurait dû parler de souche mexicaine du H1N1, comme on l’a fait pour les souches indonésienne et vietnamienne du H5N1, au lieu de parler de «grippe porcine» ou de nouvel H1N1. Mais l’OMS a tout à coup changé ses normes pour le H1N1. Elle a modifié sa nomenclature, sa façon de désigner les virus.
Et il faut soulever cette question?
Oui, parce qu’il est très important d’avoir des droits sur le nom. Si la souche est indonésienne, l’Indonésie a des droits sur le virus. Si quelqu’un veut mettre au point un vaccin contre ce virus, il doit avoir l’accord de l’Indonésie.
Cela m’inquiète énormément, car là nous ne savons pas qui est propriétaire du virus. C’est tout simplement «une nouvelle forme de H1N1.» Jusqu’à présent on parlait toujours de virus H5N1, et on précisait souche H5N1 vietnamienne, ou thaïlandaise. Donc tout cela me semble étrange.
Certains prétendent que la grippe porcine est une grippe tout à fait ordinaire, une nouvelle forme qui vient d’apparaître.
C’est évident. C’est tout simplement une grippe de type A.
Deuxièmement: Que l’OMS ait d’emblée placé l’alarme au niveau 3–4, puis ensuite même à 5, a été un facteur de panique mondiale. Pour fixer le niveau d’alarme d’une pandémie, je pense que l’OMS ne doit pas prendre en compte seulement la contagiosité, mais aussi les indicateurs cliniques de gravité (morbidité/mortalité) et les indicateurs virologiques et des séquences génomiques. S’agit-il d’un virus très ou peu pathogène? Le nouveau virus H1N1 actuel est peu pathogène.
A y regarder de plus près, le taux de mortalité lié au nouveau virus H1N1 est assez faible. Nous avons pour l’instant 8000 cas répartis dans 39 pays. Au total 74 personnes sont mortes, soit moins de 2%. C’est très peu. Beaucoup moins que pour une grippe saisonnière.
De plus, en laboratoire, les analyses virologiques ont montré que le nouvel H1N1 est peu pathogène. Autrement dit pas trop dangereux. On devrait débattre de tout cela à l’Assemblée mondiale de la Santé, dans un but de transparence générale: nous faut-il un consensus relatif à la désignation des virus? Redéfinir les critères fixant l’état d’alarme pandémique? Les conséquences sont très lourdes pour un pays qui a déclenché l’alarme pandémique, ce qui est le cas en ce moment au Mexique. Ce pays se trouve dans une situation très difficile. Mais d’un autre côté beaucoup de firmes font de gros profits, parce que tout le monde a besoin de médicaments, de vaccins, de masques jetables, de vêtements de protection et autres. C’est une affaire juteuse.
Le cas du Mexique est très important pour le combat que je mène – en particulier l’exigence de transparence: transparence dans la définition du virus, dans les critères de fixation du niveau d’alarme pandémique. Je pense que c’est important pour tous les habitants de la planète. La transparence permet d’éviter des peurs inutiles tout en respectant la vigilance nécessaire.
Le deuxième point important (derrière le H1N1) est pour moi d’aboutir à un accord à l’issue des discussions IGM-PIP (Inter Governmental Meeting Pandemic Influenza Preparedness, Rencontres intergouvernementales de préparation à la pandémie de grippe, NdT) initiées par mon pays. Dans cet accord, il est important de disposer d’un mécanisme, honnête, équitable et transparent relatif à l’échange de virus et au benefit sharing (voir plus haut), en particulier en ce qui concerne le H5N1 et autres virus grippaux risquant de déclencher une pandémie humaine.
Le Dr. Supari
Cela avance-t-il, après votre grand succès de 2007?
Dans le cadre des discussions IGM, nous avons atteint environ 85% des objectifs que je m’étais fixés relativement aux mécanismes internes de l’OMS. Mais alors que ce processus était en cours, le H1N1 est arrivé…
Au cours de la séance de ce matin à l’Assemblée, la plupart des orateurs ont évoqué la nécessité de transparence et d’équité «pour tous les pays». C’est un nouveau langage, et je suis convaincue que ce sont les fruits de votre travail. Il était évident que tous les pays voulaient cela.
Oui. Mais jusqu’à aujourd’hui l’OMS n’a pas pris de mesures de santé publique claires et intégrées pour affronter une future pandémie. On devrait disposer de mesures de santé publique cohérentes, par exemple la garantie d’accès, à des prix abordables, aux antiviraux, vaccins et autres moyens de protection nécessaires, tels que les masques etc.
Dès que l’alarme pandémique dépasse le niveau 4, l’OMS ne fait pas preuve d’un grand zèle pour recommander systématiquement et rapidement aux pays producteurs de génériques d’augmenter leurs capacités de production.
Quels sont les pays qui apportent leur soutien à l’Indonésie?
La majorité des Etats membres participant à l’IGM-PIP sont derrière l’Indonésie, comme il s’est avéré en décembre 2008, puis les 14 et 15 mai durant la 62e Assemblée mondiale de la Santé. Les plus favorables sont les membres de la SEARO (Organisation régionale d’Asie du Sud-Est) et de l’ASEAN (Association des pays d’Asie du Sud-Est), ainsi que la plupart des pays non-alignés. C’est à dire la majorité des Etats membres.
Selon la Charte de l’OMS «toute inégalité entre les pays dans les efforts pour améliorer l’état sanitaire et combattre les maladies, en particulier contagieuses, constitue un danger pour tout le monde». Et dans l’article 1 il est dit que «[…] l’objectif de l’Organisation mondiale de la santé […] est de permettre à tous les peuples d’accéder au meilleur état sanitaire possible.»
Que faudrait-il faire pour que ces principes deviennent réalité? Quels sont les présupposés requis?
A mon avis, que tous les membres de L’OMS, en particulier les pays développés, aient véritablement la volonté de s’engager pour créer un système équitable, transparent et égalitaire. Ces principes font certes partie des règles de l’OMS, mais ils ne sont pas mis en pratique.
Que peuvent faire les Occidentaux de bonne volonté pour soutenir vos efforts?
Appeler leurs gouvernements à soutenir ceux qui œuvrent à la conclusion du SMTA (Accord sur les standards de transfert de matériel, qui réglemente le transfert de matériel biologique) et à l’établissement d’un système équitable, transparent et honnête d’échange des virus, garantissant le «benefit sharing» au pays d’origine du virus – ceci est très important pour le Mexique – ainsi que la traçabilité des utilisations du virus et l’instauration de mécanismes de contrôle tels que forums, médias, pétitions.
Quand l’Indonésie a cessé d’envoyer ses virus à l’OMS, il a été dit, entre autres, qu’il n’y avait pas de souveraineté sur les virus, que ceux-ci ne s’arrêtent pas aux frontières.
Quand j’envoie la souche sans savoir où elle va atterrir, c’est plus dangereux que le virus lui-même. Dans mon pays on conserve la souche dans un endroit sûr, très sûr. L’Indonésie est un grand pays, avec de nombreux scientifiques qui conservent le virus. Mais si j’expédie cette souche sans savoir où elle va atterrir, c’est extrêmement dangereux. Nous conservons la souche chez nous parce qu’il peut se passer beaucoup de choses. Et mon combat dure maintenant depuis trois ans, comme vous le savez. A l’heure actuelle, la souche indonésienne du H5N1 se trouve dans mon pays, et nulle part ailleurs. Et nous avons désormais extrêmement peu de cas. Et nous sommes tout aussi capables que d’autres pays d’effectuer des recherches sur ce virus. Et jusqu’à présent nous n’avons pas constaté de mutation de la souche indonésienne du H5N1.
Pourquoi les USA voudraient-ils tant avoir votre virus?
Je ne le sais pas au juste. S’ils veulent notre souche, ils peuvent nous contacter, face à face – transparence. Qu’ils s’adressent à mon pays, nous discuterons, nous leur demanderons: Pourquoi avez-vous besoin de ce virus, que voulez-vous en faire? Cela sera-t-il profitable à mon pays et à mon peuple? Nous serons au même niveau – égalité.
En réalité c’est pour les gens du monde entier que nous voulons changer les mécanismes, pas seulement pour le peuple indonésien, pas pour moi, pas seulement pour les pays en développement, mais pour tous les êtres humains. Et cela grâce à la transparence, l’honnêteté et l’équité. C’est le seul moyen d’œuvrer à la paix dans le monde et au bien-être général.
Merci beaucoup, Dr Supari, pour cette interview.
La prise de conscience des pays asiatiques
thk. Ce que Kishore Mahbubani expose de façon convaincante dans son livre «Le retour de l’Asie», l’impressionnante Ministre indonésienne de la Santé, le Dr Siti Fadilah Supari, ne fait que le confirmer. Les pays en développement, en ce cas asiatiques, en ont assez d’être tenus en lisières par les nations industrialisées, qui leur prescrivent dans toutes les instances internationales ce qu’ils doivent faire.
Grâce à son intrépide engagement Madame Supari a imposé à l’OMS de nouveaux critères pour tous les peuples de la terre. Elle a exigé que tous les Etats soient traités de la même façon en matière de maladies, agents pathogènes et vaccins. C’est à dire qu’on pratique l’égalité entre Etats. Il est inadmissible qu’un Etat où est apparu un nouveau virus soit tenu d’en fournir la souche à une nation industrialisée pour permettre à celle-ci de mettre au point des vaccins qu’elle vendra ensuite à des prix démentiels à l’Etat en question, alors que celui-ci serait depuis longtemps à même de fabriquer ce vaccin chez lui. C’est à juste titre que les autres pays veulent se libérer du joug de l’Occident et être maîtres chez eux.
Source : Current Concerns - Fairness, Transparency and Equity in International Public Health et Horizons et débats N°22, 8 juin 2009
Article original publié le 10.6.2009
Traduit par Michèle Mialane et révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala
Fairness, Transparency and Equity in International Public Health-Interview with Indonesian Health Minister Dr. Siti Fadilah Supari at the 62nd World Health Assembly
Für Fairness, Transparenz und Gleichbehandlung im internationalen Gesundheitswesen-Im Gespräch mit der indonesischen Gesundheitsministerin, Dr. Siti Fadilah Supari
Justicia, transparencia y equidad en la Salud Pública Internacional - Entrevista con la Dra. Siti Fadilah Supari, ministra indonesia de la Sanidad, en la 62ª Asamblea Mundial de la Salud
Saviez-vous que le taux de mortalité CONSTATE sur deux millions de cas en
RépondreSupprimerFrance métropolitaine est inférieur à 0,003% ? (33 fois MOINS que les grippes saisonnières !)
Que la France a commandé un milliard de masques qui laissent passer les
virus ?
Qu'un auteur de manuels universitaires d'enseignement de la virologie, Vincent Racaniello, pense que les virus A/H1N1 en général ne sont PAS "naturels" ?
Que les contrats avec les labos ne sont PAS publics ?
Je voudrais vous proposer un article très complet sur cette grippe :
http://www.revoltes.net/spip.php?article1700