par Adri Nieuwhof, 4 et 28/12/2012. Traduit par JPP et Fausto Giudice
Ikea
affirme publiquement que son magasin israélien fournit quiconque, sans
distinction de race, de religion ou de nationalité. Mais une nouvelle
fois, la preuve est faite que les affirmations d’Ikea sont fausses.
En mon nom et à ma demande, un Palestinien parlant hébreu, Iyad Misk,
qui vit en Cisjordanie, a appelé Ikea pour s’informer sur les
livraisons dans son village palestinien de Beit Sahour, près de
Bethléhem.
Dans un courriel du 3 décembre, on me fait savoir que ma demande a
été transférée à la société Moviley Dror qui fait les livraisons pour le
magasin.
Le représentant « Sholy » de la société déclare que, bien que la
livraison au check-point près de Bethléhem soit possible, Moviley Dror
n’entre pas dans les zones de l’Autorité palestinienne. Parce que c’est
dangereux, prétend Sholy.
Sholy précise que Moviley Dror ne passe pas le check-point, même si
la zone est classifiée comme Zone C selon les Accords d’Oslo (une partie
du village de Beit Sahour est en Zone C). La Zone C couvre plus de 60 %
de la Cisjordanie et se trouve sous le total contrôle militaire
israélien.
Environ 150 000 Palestiniens vivent en Zone C, selon le bureau des
Nations-Unies pour la Coordination des affaires humanitaires (OCHA). Au
total, 650 000 colons israéliens vivent en Cisjordanie occupée, dont 300
000 à Jérusalem Est, rapportait le journal britannique The Guardian, en juillet. Il est évident que ces colons représentent un marché substantiel pour Ikea.
Après l'incendie du magasin Ikea de Nethanya, qui l'a détruit en 2011, le magasin de Rishon Lezion, ouvert le 9 mars 2010, est le seul magasin IKEA à fournir le marché israélien
Les pratiques d’apartheid par les livraisons Ikea
Le même jour, je demandai aussi à Who Profits (un projet de recherche
sur la coalition des Femmes pour la paix, basé à Tel Aviv) de contacter
Ikea par téléphone pour voir ce qui se passe quand il lui est demandé
de livrer dans une colonie israélienne, également en Cisjordanie.
Who Profits m’indique dans un courriel qu’il a bien sollicité Ikea
pour une livraison à domicile dans la colonie de Beitar Ilit – sachant
que pour livrer à Beitar Ilit, il faut aussi passer par les
check-points. Et que, comme les autres colonies en Cisjordanie, Beitar
Ilit se trouve en Zone C.
La demande est donc également transférée à Moviley Dror. Quand il est
demandé à la société Moviley Dror si elle livre les produits Ikea à
Beitar Ilit, la réponse est, « oui ». La réponse de Moviley Dror prouve
bien qu’Ikea passe les check-points pour livrer ses produits aux colons
israéliens en Cisjordanie, mais pas aux Palestiniens natifs de la
Cisjordanie.
Des employés du magasin de Rishon Lezion chantant la "chanson d'IKEA"
Colonies illégales en vertu du droit international
Suite à l’annonce par Israël de la construction de 3000 nouveaux
logements en Cisjordanie occupée, vendredi, le Royaume-Uni, la France,
la Suède, le Danemark et l’Espagne ont convoqué leur ambassadeur
israélien pour protester contre cette décision, rapporte The Guardian.
Dans un communiqué, le secrétaire général des Nations unies, Ban Kimoon,
exprime sa vive préoccupation et sa déception devant le projet
d’Israël, réaffirmant que les colonies sont illégales en vertu du droit
international.
Malgré une position claire du droit international sur l’illégalité
des colonies israéliennes en Cisjordanie, depuis des années, Ikea assure
les livraisons des produits de son magasin d’Israël jusqu’au domicile
des colons. Par ailleurs, la porte-parole d’Ikea, Ulrika Englesson
Sanman, m’indique dans un courriel du 28 novembre qu’Ikea « ne veut
exclure ni individu ni groupe d’individus de la possibilité d’être ses
clients ».
Dans le passé, la société locale de transport ne pouvait pas « livrer
dans les zones contrôlées par les autorités palestiniennes ». Et
Englesson Sandman de prétendre encore que cette société "s’arrangeait
pour que la livraison à domicile des produits Ikea puissent se faire aux
gens vivant dans les zones contrôlées par les autorités
palestiniennes".
Il ne semble pas qu’elle soit fidèle à cet engagement.
Le Dr Jeff Handmaker, maître de conférences en droit, en droits de
l’homme et en développement à l’Institut international des Études
sociales de l’université Erasmus de Rotterdam, me confirme dans un
courriel du 4 décembre que « la nouvelle information qui survient
corrobore qu’Ikea et ses sous-traitants en livraison se rendent
complices de violations du droit humanitaire international et des droits
de l’homme, en soutenant activement le transfert des Israéliens vers
les colonies illégales et en renforçant le bouclage des zones
palestiniennes. »
De plus, « Ikea se fait complice de l’apartheid israélien par une
discrimination flagrante en faveur des seuls colons juifs de
Cisjordanie, ne tenant aucun compte de l’oppression de la population
palestinienne majoritaire qui n’est pas en mesure de faire même des
achats dans le magasin Ikea, à plus forte raison de se faire livrer ses
produits. »
Shlomi Gabay, le directeur général d'IKEA Israël
Ikea tente d'esquiver sa responsabilité dans les pratiques discriminatoires de livraison de son magasin israélien
par Adri Nieuwhof, 28/12/2012
Ikea
n'a aucune intention de mettre un terme aux livraisons de ses produits
aux colonies illégales israéliennes en Cisjordanie : c'est ce
qu'explique une lettre du géant du meuble du 10 décembre.
Depuis des années, Ikea a facilité la livraison de produits de son
magasin d'Israël aux résidents des colonies illégales de la Cisjordanie
occupée. Ikea a été informée à plusieurs reprises que le fait de
faciliter de tels servcies de transport lui faisait courir le risque
d'être accusée de complicité avec l'entreprise de colonisation
israélienne.
Le Business & Human Rights Resource Centre de Londres a demandé
à Ikea de répondre sur la fait que la société de transport d'Ikea
Israël, Moviley Dror,
effectue des livraisons aux colonies israéliennes mais refuse de livrer
des produits aux centre de population palestiniens en Cisjordanie.
Dans sa réponse (qui peut être téléchargée sur le site du Business & Human Rights Resource Centre),
Ikea tente d'éluder sa responsabilité dans cette discrimination
flagrante et cette normalisation d'une situation illégale, évitant de
répondre à la question sur les livraisons aux colonies. L'enrteprise
déclare simplement que c'est son franchisé local qui est reponsable de
la gestion locale, des investissements et des décisions commerciales
liés à son magasin en Israël.
Ikea répète son affirmation que son franchisé israélien avait
organisé la livraison à domicile de produits Ikea à des clients vivant
dans les zones contrôlée par "les autorités palestiniennes". Mais comme
The Electronic Intifada l'a rapporté le mois dernier, Moviley Dror
refuse d'effectuer des livraisons à Beit Sahour, prétendant que ce village palestinien de la zone de Bethléhem était trop dangereux (mais le pssage des barrages routiers israéliens pour livrer la colonie de Beitar Illit ne semble pas poser de problèmes).
“Si le service de livraison n'a pas fonctionné comme prévu, nous le
regrettons et nous allons nous en occuper”, peut-on lire dans la lettre
du 10 décembre. Tout en regrettant les pratiques discriminatoires de son
franchisé israélien, Ikea ne propose pas de solution.
Il semble qu'Ikea refuse de comprendre la différence entre les
Palestiniens autochtones qui vivent en Cisjordanie sous occupation
israélienne et les colons israéliens qui résident illégalement dans
cette zone.
Le service des réclamations d'Ikea : "Faites une chaise et prenez place"
Ikea “pas convaincant”, dit un expert
J'ai demandé au Dr. Jeff Handmaker de commenter la réponse d'Ikea. Voici ce qu'il m'a écrit le 20 décembre :
Dans sa réponse à Business and Human Rights,
Inter IKEA Systems B.V. ne traite que la moitié du problème, à savoir le
traitement différencié de colons illégaux et de Palestiniens vivant
sous occupation.
Mais même cela n'est pas convaincant. Même si le franchisé IKEA
était à même de résoudre la question des livraisons à des Palestiniens,
la plupart d'entre eux ne sont pas en mesure de visiter leur magasin, vu
les contrôles israélien de tous leurs mouvements pour entrer et sortir
des territoires occupés et sont donc de toute façon exclus de la
clientèle d'Ikea.
Néanmoins, IKEA Systems B.V. ne répond pas pas sur le problème
principal, à savoir la complicité ouverte de leur franchisé avec une
violation sérieuse des droits humains, en apportant son soutien à
l'entreprise de colonisation.
IKEA Systems B.V. reste entièrement complice de violations de
la législation internationale, tant que son franchisé ne refusera pas de
vendre, et donc de livrer, des produits à des colons vivant dans les
territoires occupés.
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