par Florian NIEDERNDORFER, derStandard.at, 21/9/2009. Traduit par Michèle Mialane. Édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : "Die EU ist eine moderne Form des Kolonialismus"
Alors que les sondages indiquent que les Irlandais se préparent à voter oui au Traité de Lisbonne, le Mouvement pour le NON appelle à bloquer une seconde fois par voie référendaire le processus de réforme de l’UE. Des Dalton, vice-président du parti irlandais Republican Sinn Fein explique dans une interview accordée au standard.at pourquoi il résiste à la pression en faveur du OUI.
Des Dalton est depuis sa dix-huitième année membre du Republican Sinn Fein (Sinn Fein républicain, RSF), une scission du Sinn Fein. Le RSF se définit comme «le véritable représentant du républicanisme irlandais » et exige un État irlandais socialiste et fédéral. Officiellement, le RSF a toujours nié les liens qu’on lui prête avec le CIRA (Continuity Irish Republican Army), groupe paramilitaire dissident de l’IRA.
derstandard.at : Au plan économique, il n’est guère de pays qui ait autant profité de l’UE que l’Irlande. Comprenez-vous les gens qui veulent exclure votre pays de l’UE s’il retarde encore la réforme européenne ?
Des Dalton : La campagne en faveur du OUI tente de faire passer le référendum sur le Traité de Lisbonne pour une suite logique de l’appartenance à l’UE, ce qui n’est bien sûr pas le cas, puisque les traités en vigueur restent valables quoi qu’il arrive. Mais surtout il faut mettre en balance avec les subventions reçues par l’Irlande le coût de son entrée dans l’Union, par exemple la mort de la pêche irlandaise et les retombées sur l’agriculture. Depuis l’entrée dans l’Union en 1973 des milliers de paysans ont perdu leur terre. Si l’on parle des retombées positives, il ne faut pas oublier les conséquences négatives
derstandard.at : Mais pensez-vous que l’Irlande doive quitter l’UE, si elle vote NON une seconde fois ?
Des Dalton : Selon le Republican Sinn Fein, l’Irlande n’aurait jamais dû entrer dans l’UE. Pas seulement à cause de la situation en Irlande même, mais surtout à cause de la structure profondément antidémocratique de l’UE. Nous sommes pour un commerce et une coopération entre nations libres, mais sous forme d’une collaboration et non d’une union politique. Et si l’Irlande dit NON une deuxième fois, cela ne la marginalisera pas. Tant il est vrai que la Tchéquie et la Pologne doivent encore ratifier le Traité, et le Parlement allemand aussi donner son accord. Un NON irlandais ouvrirait la voie à des scénarios entièrement neufs.
derstandard.at : Selon un sondage du Sunday Business Post, 62% des Irlandais pensent voter OUI. Tous ceux-là sont aveuglés ?
Des Dalton : Ce que je peux dire pour le moment, c’est que le Traité est un document identique à 90 ou 95% à celui qui a été rejeté par les Français, les Néerlandais et les Irlandais. Si le Traité de Lisbonne est rejeté maintenant pour la quatrième fois, les Européens verraient qu’on ne veut pas d’un super-État européen. Ce qu’il faudra alors est un changement radical dans la manière de penser l’Europe à l’avenir.
derstandard.at : Vous avez ébauché une image du super-État européen. Dans le contexte d’une Irlande divisée, qu’a de si horrible une Europe sans frontières ?
Des Dalton : Cette question ramène aussi à celle d’une démocratie qui fonctionne et à la manière dont elle doit fonctionner. Non seulement l’histoire irlandaise, mais toute l’histoire européenne nous enseigne que la démocratie fonctionne d’autant mieux qu’elle est plus proche de sa base. Des décisions qui concernent directement les gens devraient être prises par des personnes ou des structures très proches des gens concernés et sur qui on peut compter. L’histoire irlandaise a été sanglante et largement déterminée par l’oppression et la domination étrangère. Je ne vois pas l’intérêt d’ôter le contrôle sur l’Irlande à Westminster [Parlement du Royaume-Uni à Londres, NdT] pour le remettre à Bruxelles. Nous considérons l’UE comme une forme moderne du colonialisme, profondément antidémocratique et qui ne sert que les intérêts des États les plus grands. C’est vouloir résoudre la quadrature du cercle que de vouloir à la fois faire entrer de force 500 millions de gens issus de nations différentes, avec des cultures et des langues différentes dans un super-État et prétendre œuvrer pour la démocratie. Nombre de défenseurs du OUI sont assez honnêtes pour l’avouer aussi.
derstandard.at : Vous voulez régionaliser la prise de décision dans l’UE. Comment cela pourra-t-il fonctionner pour des questions comme la protection du climat ou la crise économique actuelle, qui est mondiale ?
Des Dalton : Nous n’excluons pas la collaboration internationale. Elle a toujours existé et existera toujours. M alheureusement, au cours des siècles, elle n’a pas toujours servi les intérêts des populations. Il est évident qu’il faut aborder la protection du climat au niveau mondial, mais pourquoi les gouvernements ne pourraient-ils pas collaborer sans passer de manière antidémocratique par-dessus la tête de leurs administrés ?
derstandard.at : Dans votre discours à Vienne vous avez traité l’UE de « projet impérialiste ». Croyez-vous que les Slovaques ou les Roumains soient vraiment de votre avis ?
Des Dalton : Il faut avoir une vision à long terme , et voir notamment à quel prix les pays d’Europe de l’ Est profitent aujourd’hui de l’Union. En outre, nombre d’aspects de la crise actuelle sont le résultat du laissez-faire de l’Union européenne. Les Européens de l’Est doivent se demander quel prix ils paieront pour l’abandon de leur contrôle sur leur démocratie, leur économie et leur place dans le monde. Toutes les fois où la base a été interrogée sur l’UE, elle a dit NON.
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