lundi 2 novembre 2009

Chroniques de la vie quotidienne dans la France sarkozyenne (Vol.II, N°13)-Une drôle d'audience

Citation pour divulgation d'informations contenant l'identité d'un mineur
XVIIe chambre correctionnelle de Paris, 27/10/2009
Compte-rendu d’audience par Alexei C. Adamski pour Basta !

Affaire opposant Jordan Benhammou, mineur au moment de l'agression et non présent au procès, à Mme Ginette Hess Skandrani, M. Mohammed Latrèche, et le directeur du site web alterinfo.
M. Mike Sfez, qui avait porté plainte au nom de M. Benahamou, était bien présent car il pensait alléger sa peine suite à cette plainte.

Rappel des faits par le juge Bonnal : Il est reproché à Mme Skandrani d'avoir fait publier une ordonnance contenant le nom de ses agresseurs du 25/10/2006 à son domicile (Mike Sfez, Jordan Benhamou entre autres) et à M. Latrèche d'être l'éditeur sur le site du PMF (http://www.pmf.org/) de ladite ordonnance.

Le tribunal saisi par le procureur de la république invoque la violation des articles 14 et 14-1 de l'ordonnance relative à l'enfance délinquante du 2 février 1945 et de l'article 38 du Code de la presse.
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Article 14
Modifié par Loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 - art. 30 JORF 10 septembre 2002
Chaque affaire sera jugée séparément en l'absence de tous autres prévenus.
Seuls seront admis à assister aux débats la victime, qu'elle soit ou non constituée partie civile, les témoins de l'affaire, les proches parents, le tuteur ou le représentant légal du mineur, les membres du barreau, les représentants des sociétés de patronage et des services ou institutions s'occupant des enfants, les délégués à la liberté surveillée.
Le président pourra, à tout moment, ordonner que le mineur se retire pendant tout ou partie de la suite des débats. Il pourra de même ordonner aux témoins de se retirer après leur audition.
La publication du compte rendu des débats des tribunaux pour enfants dans le livre, la presse, la radiophonie, le cinématographe ou de quelque manière que ce soit est interdite. La publication, par les mêmes procédés, de tout texte ou de toute illustration concernant l'identité et la personnalité des mineurs délinquants est également interdite. Les infractions à ces dispositions seront punies d'une amende de [*taux*] 6000 euros ; en cas de récidive, un emprisonnement de deux ans pourra être prononcé.
Le jugement sera rendu en audience publique, en la présence du mineur. Il pourra être publié, mais sans que le nom du mineur puisse être indiqué, même par une initiale, à peine d'une amende de 3750 euros

Article 14-1
Créé par Loi 65-511 1965-07-01 article unique JORF 2 juillet 1965
Modifié par Loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 - art. 332 (V) JORF 23 décembre 1992 en vigueur le 1er mars 1994
Quand les infractions aux dispositions des alinéas 4 et 5 de l'article précédent seront commises par la voie de la presse, les directeurs des publications ou éditeurs seront, pour le fait seul de la publication, passibles comme auteurs principaux des peines prévues à ces alinéas.
A leur défaut, l'auteur et, à défaut de l'auteur, les imprimeurs, distributeurs et afficheurs seront poursuivis comme auteurs principaux.
Lorsque l'auteur n'est pas poursuivi comme auteur principal, il sera poursuivi comme complice.
Pourront être poursuivies comme complices, et dans tous les cas, toutes personnes auxquelles les articles 121-6 et 121-7 du code pénal pourraient s'appliquer.

ARTICLE 38 :
Sont punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par discours, cris ou menaces proférés dans les
lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés vendus, distribués, mis en vente ou exposés dans les lieux ou
réunions publics, soit par des placards ou affiches exposés aux regards du public, soit par les différents moyens d’information
audiovisuelle et électronique, auront directement provoqué le ou les auteurs à commettre ladite action si la provocation a été
suivie d'effet.
Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n'aura été suivie que d'une tentative de crime.
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Délibérés

Mme Skandrani à qui l'on a donné la parole en premier s'est adressée à la cour rappelant à quel point elle avait été meurtrie par l'agression violente avec des casques, commise par les quatre jeunes nervis à son domicile le 25 octobre 2006. Le juge lui demande alors pour quelle raison particulière, elle a décidé de publier leurs noms. Mme Skandrani évoque la peur légitime et le traumatisme provoqué par l'attaque qu'elle a subie. Elle a évoqué qu'elle avait besoin de protection car elle n'a pas arrêté de subir des menaces.

Il est important de rappeler; et d'ailleurs elle le mentionne elle-même, qu'après sa confrontation avec Benhamou, Sfez et compagnie, Mme Skandrani a été suivie par d'autres sbires du Betar.

M. Mohammed Latrèche rappelant les grandes qualités militantes de Mme Skandrani (notamment qu'elle faisait partie des porteurs de valises pendant la guerre d'Algérie) évoque son émotion et celle de ses proches lorsqu'ils ont appris son agression et explique qu'il avait donc accepté de publier l'ordonnance en toute confiance. Il est rappelé à la cour que c'est d'ailleurs en toute innocence que s'est produit cet acte, M. Latrèche ignorant à l'époque l'âge des terroristes. Tout a donc été fait en toute bonne foi.

L'avocate d'Alter Info précise quant à elle que son client avait volontairement occulté les noms des accusés.

M. Missamou, l'avocat de la défense, a par une plaidoirie tonique et logiquement implacable, démontré que l'écart de jugement de Mme Skandrani n'avait été provoqué que par la terreur qu'avait produite sur elle l'attaque qu'elle avait subie, que M. Latrèche était de toute bonne foi en publiant et qu'après avoir appris la minorité du délinquant, il avait décidé de procéder à des rectifications légales dans la publication. La relaxe a donc été demandée.

L'accusation a été assez peu convaincante, essayant de faire passer Mme Skandrani pour une antisémite liée à Dieudonné. M. Latrèche n'a pas manqué de rappeler d'ailleurs à l'avocat de l'accusé pour violence en réunion (dans ce procès accusateur), que le terme BETAR qu'il réfutait, avait été utilisé à l'époque non seulement par la défense mais aussi par les parents de l'un des accusés lors de son procès. Il avait été reproché à la défense d'évoquer l'appartenance de Benhammou à cet organisme. L'avocat de Benhammou a dû reconnaître qu'il n'était pas présent ce jour-là, et qu'il manquait donc d'éléments.

M. Latrèche a par ailleurs répondu à l'accusation de ce jour, qu'en matière d'importation du conflit israélo-palestinien, l'accusation était très loin d'être innocente.

Fait intéressant, le juge a indiqué au triste sire à l'origine du procès, qu'il devait payer les dommages-intérêts qu'on lui avait imposés à titre de réparation. Nous rappelons ici qu'ils étaient fixés à dix mille euros (toujours impayés à ce jour) et que Benhammou a aujourd'hui l'outrecuidance d'exiger huit mille euros en compensation de ses petites frayeurs de petite frappe (Ce pleutre pachydermique semble avoir fortement été ébranlé par moult menaces téléphoniques-dont il n'apporte pas la preuve).

Le jugement est mis en délibéré et sera rendu le 1er décembre 2009.

Fait intéressant, la procureure de la république semble vouloir rappeler le vieil adage « nul n'est censé ignorer la loi ».

Je lui renvoie ce sibyllin palindrome : ENGAGE LE JEU QUE JE LE GAGNE.

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