Communiqué de l'Union nationale des footballeurs professionnels, 24/6/2010
Dans le grand déballage qui fait suite à l'élimination de l'équipe de France de la Coupe du monde, les politiques dépassent allègrement les bornes dans le plus bel élan de populisme exacerbé. Trop, c'est trop !
Jusqu'à présent, pour ne pas ajouter à la cacophonie et au délire ambiants, l'Union Nationale des Footballeurs Professionnels s'était gardée de tout commentaire, attendant de savoir ce que les joueurs, au retour d'Afrique du Sud, avaient à nous dire. Nous avons appris, avec le temps, à nous méfier des jugements hâtifs…
Mais les bornes ont largement été dépassées, ces dernières heures, par ceux-là même qui prétendent pouvoir mettre de l'ordre dans la maison du football français, et qui ont oublié qu'il faut, en toute chose – et plus encore lorsque l'on occupe les plus hautes fonctions de l'Etat – savoir raison garder.
L'inconséquence n'est pas seulement dans les actes, elle est aussi dans les paroles. Autant les joueurs de l'équipe de France, lors de leur réaction d'humeur de dimanche dernier, n'ont pas mesuré la portée de leur geste et les retombées catastrophiques pour leur image et celle du football français – car c'est bien de cela qu'il s'agit, et non de l'honneur ou de la grandeur de la France, il ne faut pas tout mélanger ! -, autant les paroles prononcées depuis par nos politiques ne peuvent qu'inquiéter le commun des électeurs.
Comme décrits dans Le Monde Magazine par Jean Birnbaum, voilà donc nos politiciens, comme les supporters les plus passionnés, gagnés par « la ferveur et l'extase, mais aussi (par) la mauvaise foi, la mesquinerie, l'arbitraire et le dépit ravageur… »
Car ce sont les mêmes joueurs, il nous semble, qui dimanche avaient « les larmes aux yeux » en écoutant Madame Roselyne Bachelot, et qui, désormais, sont des « caïds immatures » et des « gamins apeurés ».
Car c'est le même président de la Fédération Française de Football qu'on embrassait comme du bon pain devant les caméras, voilà quelques semaines en Suisse pour avoir décroché l'Euro 2016, et qui aujourd'hui, à plus de 62 ans certes, est bon pour la retraite, coupable de tout. Et même de pire encore.
Les politiques s'arrangent toujours, surtout lorsque le climat social se dégrade, à récupérer à leur profit soit les succès – douze ans après le titre mondial, nos oreilles en sifflent encore – ou à se présenter comme les sauveurs d'un château en péril, forts de leur totale méconnaissance du monde sportif professionnel.
Voilà, d'un coup, le ministère des Sports qui s'intéressent aux sportifs professionnels, quand, pourtant dûment présentées par les représentants des différents sports professionnels justement, les demandes de rendez-vous sur des sujets autrement plus importants (et sur lesquels les politiques sont fondés à intervenir après avoir entendu toutes les parties concernées), restent lettre morte depuis bientôt deux ans. Voilà que l'on demande des états généraux du football comme si le sujet, dans une France qui souffre et s'enfonce dans la crise, était vital pour l'avenir de notre pays. Voilà que l'on réclame une commission d'enquête parlementaire, et pourquoi pas un tribunal d'exception, le recours à la guillotine ou, à tout le moins, au karcher ?
Qui se moque de qui ?
La déroute de l'équipe de France, réelle, comme elle l'a été en 2002, en 2004 ou en 2008, est avant tout sportive. C'est, d'abord, sur le terrain que les Bleus ont perdu, quelqu'un s'en souvient-il encore ? Cela intéresse-t-il nos donneurs de leçon qui, comme chacun le sait, ne commettent jamais la moindre erreur, ne sont jamais pris à défaut et n'ont jamais gaspillé l'argent des contribuables, ce que l'on ne pourra pas reprocher aux joueurs de l'équipe de France qui génèrent, par leur activité, l'argent qu'ils gagnent ?
Le football a-t-il besoin de tout ce ramdam pour savoir qu'il a commis des erreurs - de grossières erreurs parfois, personne ne cherche à le nier ? Certes non. Il n'a eu besoin de l'aide de personne pour digérer la crise engendrée, en 1993, par nos chers amis bulgares, et remporter, cinq ans plus tard, le seul titre mondial de son histoire.
Le sport est ainsi, fait de victoires pour l'éternité, parfois, et de sales défaites, au goût toujours amer. Mais de là à vouloir lapider ses serviteurs sur la place publique, après y avoir roués les joueurs, il y a un pas que les politiques - les mêmes qui sauteront au cou de la bande à Laurent Blanc demain en cas de succès -, n'auraient pas dû franchir.
Modèles de réussite sociale ou d'intégration, hier, les Bleus, aujourd'hui trop payés, sont évidemment devenus de mauvais Français. Cette démesure populiste – que l'on pourrait expliquer en se disant qu'une équipe de football est une surface projective – doit justement cesser, si l'on veut que le football français reprenne, demain, le chemin de la victoire. C'est en dépassionnant le débat, pas en prononçant des jugements sommaires, que l'on pourra prendre les décisions qui s'imposent, quitte alors à trancher dans le vif. Mais c'est aux sportifs qu'il appartiendra de le faire. Et à eux seuls.
Alors que la tension était palpable, les joueurs de l'équipe de France ont commis une erreur, qu'ils ont très vite reconnue. Ils se sont excusés, ce qui ne les absout pas, c'est une évidence. Cela montre seulement qu'ils peuvent comprendre qu'ils sont allés trop loin. Et le reconnaître publiquement.
A la différence de certains…
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