par Stathis Kouvelakis Στάθης Κουβελάκης, 24/4/2015
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala
Pour le gouvernement Syriza, il ne reste que trois options
Les événements en Grèce ont pris un tour dramatique et
l'insolvabilité est aux portes. Le 20 avril 2015, le gouvernement grec a
émis un décret obligeant les collectivités locales à déposer leurs
réserves de liquidités à la Banque De Grèce.
Deux jours plus tard, Dimitris Mardas, le vice-ministre des Finances chargé des recettes de l’État, a déclaré qu’il manquait 400 millions d’euros pour payer les retraites et les salaires à la fin du mois. Quelques heures plus tard, il a dit que l'argent avait été trouvé et qu'il essayait maintenant de constituer des réserves de trésorerie. Mais selon certaines sources, Dimitris Mardas a informé les députés de Syriza lors d'une réunion le même jour que les réserves de l’État ne permettraient d'effectuer tous les paiements en mai.
Et cela bien que, en termes de paiement de la dette, le mois de mai soit un mois relativement « facile », avec seulement 750 millions d’euros à payer au Fonds Monétaire International (FMI), plus 400 autres millions d’euros d'intérêts à payer.
Le mois de juin sera plus difficile, avec 1 milliard 500 millions d’euros du au FMI, 700 millions dus aux institutions européennes, et 500 millions d’euros en paiements d'intérêts. Un fardeau sans aucun doute insoutenable.
Deux jours plus tard, Dimitris Mardas, le vice-ministre des Finances chargé des recettes de l’État, a déclaré qu’il manquait 400 millions d’euros pour payer les retraites et les salaires à la fin du mois. Quelques heures plus tard, il a dit que l'argent avait été trouvé et qu'il essayait maintenant de constituer des réserves de trésorerie. Mais selon certaines sources, Dimitris Mardas a informé les députés de Syriza lors d'une réunion le même jour que les réserves de l’État ne permettraient d'effectuer tous les paiements en mai.
Et cela bien que, en termes de paiement de la dette, le mois de mai soit un mois relativement « facile », avec seulement 750 millions d’euros à payer au Fonds Monétaire International (FMI), plus 400 autres millions d’euros d'intérêts à payer.
Le mois de juin sera plus difficile, avec 1 milliard 500 millions d’euros du au FMI, 700 millions dus aux institutions européennes, et 500 millions d’euros en paiements d'intérêts. Un fardeau sans aucun doute insoutenable.
Le chantage s’intensifie
La Banque Centrale Européenne (BCE) a élevé légèrement le plafond
de sa Fourniture de liquidité d'urgence (ELA), mais a évoqué la
possibilité de réduire le financement des banques grecques au-delà. Dans
une interview à Washington le 18 avril, un des gouverneurs de la BCE,
Vitas Vasiliauskas [vice-ministre des Finances lituanien, NdT] a
dit que « la situation en Grèce signifie que nous devrions avoir une
limite jusqu'à l'été pour l'ELA. Tout le monde comprend ce que signifie
l'ELA, c’est une mesure temporaire pour donner des liquidités aux
banques ».
Mais des échantillon plus représentatifs des points de vue des deux
principales institutions européennes qui détiennent ensemble environ
les deux tiers de la dette grecque, la BCE et le Mécanisme Européen de
Stabilité (MES), se trouvent dans les interviews données le 22 avril par
Klaus Regling, directeur général du MES, et Benoît Coeuré, membre du
directoire de la BCE.
Les deux expriment une ligne particulièrement dure sur la Grèce,
rejetant deux demandes clés du gouvernement grec dans la phase actuelle
des négociations. C’est tout d'abord le refus du décaissement du 1,9
milliard d’euros auquel la Grèce a droit avant la « fin de l'examen »,
ce qui signifie le respect du type de « réformes » auxquelles s'oppose
la partie grecque (cette somme correspond aux bénéfices réalisés sur les
obligations de la dette grecque et devrait être remboursée à la Grèce,
selon les conditions du programme SMP (Programme d'achat d'obligations
d'État) de la BCE, depuis le mois de février). C’est ensuite le refus de
« l’approche proposée » des réformes, tel que proposée par le ministre
des Finances grec Yanis Varoufakis pour permettre à la Grèce d'obtenir
des liquidités avant le mois de juin et faciliter un accord.
Au lieu de cela, c'est une « liste complète des réformes » qui est
exigée : elle devrait inclure une plus grande déréglementation du marché
du travail et des coupes dans les retraites, deux « lignes rouges » que
les Grecs ne veulent pas franchir
Klaus Regling est allé beaucoup plus loin que Coeuré, commentant la
possibilité d'un « Grexit » - que la Grèce quitte la zone euro -, il a
dit tranquillement que ce « n’est pas le scénario de référence. Mais si
cela devait arriver, et nous travaillons très, très dur pour l'éviter,
alors je crois qu'il y aurait beaucoup d'incertitude parce que nous
n’avons aucun genre d'expérience similaire ». Il a ajouté que « bien
sûr, ce serait plus gérable qu'il y a cinq ou six ans parce que nous
avons de nouvelles institutions, le FESF et le MES, et que d'autres pays
de la zone euro comme l'Irlande, le Portugal et l'Espagne ont fait des
progrès énormes d'ajustement».
Regling s’est également opposé explicitement aux plans actuels du
gouvernement grec de réduire certains impôts et d'augmenter les salaires
et les pensions minimaux, disant que cela serait « revenir en arrière »
et met en danger les négociations. En outre, il a précisé que le
désaccord s’approfondit depuis que le gouvernement grec estime que
l'approche de ses prédécesseurs était erronée, alors que selon lui, « la
stratégie fonctionnait». «Cette divergence n'a pas été résolue »,
a-t-il dit.
Il conclut en ridiculisant l'idée que les créanciers pourraient «
reculer parce qu'ils ne veulent pas d'un incident ou d'un accident de
crédit», affirmant : « nos procédures pour l'octroi de prêts sont très
claires, et très bien établies. Elles sont liées à la conditionnalité,
c' est clairement écrit dans le traité MSE. Nous avons besoin d'une
décision unanime de nos actionnaires et de l'approbation de six
parlements de l'Union Européenne, et les parlements vérifient très
soigneusement si la conditionnalité - qui est une condition essentielle
-, est respectée
Il faut rappeler que l’hypothèse adoptée jusqu'ici, du moins
publiquement, par le gouvernement grec, est que malgré leurs
déclarations d'intimidation , les Européens finiront par faire des
concessions et, pour citer Yanis Varoufakis, « admettre leurs erreurs ,.
Mais les petites phrases lâchées du côté des créanciers vont dans un
tout autre sens : ou bien Syriza accepte de poursuivre la politique des
mémorandums, ou il aura à subir jusqu'au bout les conséquences de
l'étranglement en cours.
Sauvons la Grèce, par Gianfranco Uber, Italie, 2012
Sans
amis
L'isolement du gouvernement grec est devenu encore
plus perceptible après les récentes déclarations du président Barack Obama et
du secrétaire au Trésor US Jack Lew exhortant le gouvernement grec à prendre
rapidement le chemin des « réformes » et à satisfaire les exigences de ses
créanciers.
Les relations avec les USA se sont encore plus
dégradées depuis la décision du gouvernement grec de laisser Savvas Xiros et
d'autres membres du groupe armé de gauche 17 novembre purger le reste de
leurs peines hors de prison, en conformité avec la loi nouvellement adoptée sur
la réforme des prisons. Les USA ont réagi très fortement contre la libération
de ce qu'ils considèrent comme une «libération de terroristes », malgré
le fait que Savvas Xiros soit en très mauvaise santé.
Il est absolument clair que nous approchons rapidement
du « moment de vérité ».
Simultanément, la perspective d'un soulagement
immédiat en provenance de Russie, à la suite de la récente visite du Premier
ministre grec Alexis Tsipras à Moscou, semble s'être dissoute. L'accord sur un
gazoduc qui devait être signé cette semaine, avec une avance de fonds sur les
revenus futurs de 5 milliards d’euros, a finalement été reporté après la
rencontre de Tsipras avec le président de Gazprom à Athènes le 21 avril.
Cela ne peut pas être une coïncidence que le retrait
de la Russie soit survenu le jour où l’Union Européenne a lancé une procédure
juridique contre Gazprom avec des accusations douteuses d' « abus de marché
» et de «viol des règles antitrust de l’Union Européenne ».
Les
options qui estent
À ce stade, les options restantes pour le gouvernement
Syriza semblent se limiter aux trois suivantes :
- Le « bon scénario », qui est encore favorisé par le gouvernement grec, est que les Européens vont faire des concessions, et un qu'compromis sera atteint très bientôt. Cependant, comme la présidente du FMI l’a précisé, afin d'obtenir les 7,2 milliards d’euros en jeu dans accord-pont de quatre mois, la Grèce a besoin d'obtenir un « avis » positif et de se conformer pleinement aux « réformes » convenues par ses gouvernements précédents. En tout cas, cette possibilité a déjà été explicitement exclue par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble et d'autres, qui ont déclaré à plusieurs reprises ces derniers jours que la seule date limite à prendre en considération est maintenant le 30 juin, et qu’aucune somme ne sera transférée à la Grèce avant un « big deal », en d'autres termes, un nouveau « plan de sauvetage » aux conditions habituelles.
- Le deuxième scenario est que le gouvernement grec jette l'éponge. C’est bien sûr le but avoué des Européens. Mais dans une récente interview à Reuters, Alexis Tsipras a clairement dit qu'il existe « des désaccords politiques et non techniques » sur quatre questions clés : la législation du travail, la réforme des retraites, une hausse des taxes sur la valeur ajoutée et les privatisations, qu'il a qualifiées de « développement de la propriété de l’État » plutôt que de vente d'actifs. Faire des concessions sur cette ligne de fond reviendrait à une reddition et à un suicide politique pour Syriza.
- Troisième scénario : la déclaration de défaut de paiement de la dette par le gouvernement grec.
Dans une
récente interview au Huffington Post, Yanis Varoufakis a dit que si le
gouvernement devait choisir entre payer ses créanciers et payer les salaires et
les pensions, il donnerait la priorité à la deuxième option. Mais bien sûr, un
tel choix signifie une rupture décisive et la sortie de la zone euro (le
scénario d'une double monnaie avec l'euro ne peut durer au mieux que
quelques semaines).
La complication ici est que le défaut en mai signifie un défaut sur les remboursements au FMI, ce qui peut entraîner des complications énormes au niveau du commerce (le FMI peut prendre des sanctions qui rendront l'accès au crédit privé pour le commerce presque impossible). La Grèce devrait de préférence faire défaut sur les prêts de la BCE et du FESF, mais ces remboursements sont dus à l'été et il semble presque impossible de tenir bon jusque-là.
La complication ici est que le défaut en mai signifie un défaut sur les remboursements au FMI, ce qui peut entraîner des complications énormes au niveau du commerce (le FMI peut prendre des sanctions qui rendront l'accès au crédit privé pour le commerce presque impossible). La Grèce devrait de préférence faire défaut sur les prêts de la BCE et du FESF, mais ces remboursements sont dus à l'été et il semble presque impossible de tenir bon jusque-là.
Se
préparer à la confrontation
Il est impossible à ce stade de dire lequel des deux
derniers scénarios, les seuls réalistes, prévaudra. Les signaux envoyés par le
gouvernement ces dernières semaines sont de plus en plus
contradictoires. D'une part, la tonalité dominante est celle de la
confiance et de l’optimisme quant à la possibilité de parvenir à un accord qui
matérialise le « compromis honnête » qui est maintenant l'objectif d'Alexis
Tsipras.
D'autre part, les ministres appartenant au cercle
rapproché d’Alexis Tsipras, comme le ministre de l’intérieur Nikos Voutsis et
le ministre du Travail Panos Skourletis, ont fait des déclarations du genre : «
Nous aimerions rester sur le bateau appelé Europe, mais si le capitaine nous
pousse par-dessus bord, nous devons essayer de nager ».
Dans la même veine, le vice-ministre des Finances
Euclid Tsakalotos a déclaré le 26 mars 2015 : « Si vous ne gardez pas en tête
la possibilité d’une rupture, alors évidemment les créanciers vont passer les
mêmes mesures qu'avec avec le précédent [gouvernement ]».
Des déclarations contradictoires ont également été
faites sur la question d'un référendum dans le cas d'un échec des négociations.
Une telle mesure apparaît nécessaire car il est vrai que le mandat de Syriza
n’aborde pas cette possibilité et a été explicitement fondé sur l'hypothèse
d'une rupture avec l'austérité tout en restant dans l'euro.
Dans de récentes déclarations, des ministres de haut
rang comme Yanis Varoufakis et Alekos Flabouraris, qui est ministre d’État à la
Coordination gouvernementale et est proche d’Alexis Tsipras, ont évoqué cette
possibilité, pour être aussitôt contredits par d'autres représentants de Syriza
comme le député européen Dimitris Papadimoulis.
L'état de l'opinion publique reflète cette
incertitude. L'enthousiasme et l'esprit combatif des trois premières semaines
ont désormais cédé la place à un tableau mitigé : le soutien à la stratégie du
gouvernement est encore élevé, mais nettement inférieur à son niveau des mois
précédents. Les rues sont calmes.
Les mobilisations récentes semblent limitées à
certains secteurs (le milieu anarchiste et les communautés locales contre
l'exploitation aurifère de Skouries, dans le nord de la Grèce), et leurs effets
contradictoires : l'agitation anarchiste a accéléré le vote au parlement d'un
projet de loi libéralisant les conditions de détention et mettant fin au régime
pénitentiaire de « haute sécurité ».
Mais la situation semble plus confuse à Skouries, avec
la police se retournant contre les manifestants et les travailleurs des mines
d'or marchant à Athènes pour soutenir la poursuite de l'extraction, fortement
soutenus par leurs employeurs canadiens et l'opposition de droite.
L'élément principal de cette atmosphère troublée est,
cependant, le fait que l'alarmisme sur le thème du « Grexit » reste incontesté
au niveau d'une large opinion publique. L'opposition de droite et les grands
médias, de plus en plus hostiles au gouvernement et utilisant tous les
arguments possibles pour le pousser vers la reddition totale, associent la
rupture avec la zone euro à une apocalypse, comme ils l'ont fait sans relâche
depuis le début de la crise.
Mais la réponse de la part du gouvernement tend à être
que cette perspective sera évitée grâce à un « compromis honnête » que les
Européens devront finir par accepter. Le moins qu'on puisse dire, c'est ce
n’est pas le genre de discours qui peut mobiliser la base de Syriza et préparer
la société à une éventuelle rupture avec l'Europe.
Avec un parti communiste qui continue à se maintenir
dans une opposition sectaire, son secrétaire général déclarant qu'il
refuserait tout soutien au gouvernement, même en cas de rupture avec la zone
euro, et l'extrême gauche d'Antarsya qui répète que le gouvernement a déjà
cédé, il est de la responsabilité de la gauche de Syriza de proposer la seule
approche raisonnable qui puisse éviter l'échec : tenir ferme sur la ligne de
confrontation avec l'Union Européenne et préparer le mouvement populaire et la
société grecque de façon plus générale à s’engager sur une trajectoire
radicalement différente, à la fois au niveau intérieur et international.
L'enjeu est de taille.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire