Ce sont des victimes collatérales, inconscientes et innocentes, de l'énième acte d'une guerre unilatérale. Il ne s'agit plus d'armées contre armées, mais de robots tueurs contre des hommes, des femmes, des enfants. Le coopérant sicilien Giovanni Lo Porto, honteusement ignoré par la politique avec un grand P, les institutions et l'ensemble du Parlement italien, a été brutalement assassiné au Pakistan dans l'un des innombrables bombardements déclenchés par les essaims de drones US.
Les raids US contre des positions présumées de milices pro-Al-Qaïda à la frontière avec l'Afghanistan remontent à janvier dernier. Warren Weinstein, de Rockville, Maryland, directeur de JE Austin Associates pour le Pakistan, avait été enlevé à Lahore en août 2011, quelques jours avant de retourner aux USA à la fin du contrat de travail avec l'USAID. Giovanni Lo Porto avait, lui, été enlevé en janvier 2012 à Multan, dans la province du Pendjab, au centre-ouest, où il travaillait pour l'ONG allemande Welthungerhilfe (Aide à la faim dans le monde), engagée dans la reconstruction de la région, touchée par des inondations en 2011. Lors du bombardement qui a causé la mort du coopérant sicilien, un autre citoyen US aurait également été tué : Ahmed Farouq, considéré par la CIA comme un des principaux dirigeants d'Al-Qaïda au Pakistan. Quelques jours plus tard, toujours par un missile lancé par un drone, un troisième citoyen US a été assassiné au Pakistan : Adam Gadahn, classé comme l'un des "porte-parole officiels" d'Al-Qaïda [sa capture avait été annoncée en mars 2010, NdT]. Selon Washington, l'armée US n'avait pas connaissance de l'identité des «objectifs» espionnés par des drones. "Bien que Farouq et Ghadahn aient été des membres d'Al-Qaïda, aucun d'eux n'a été spécifiquement ciblé, nous n'avions aucune information pouvant indiquer leur présence sur les sites d'opération", a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche Josh Earnest. "L'autorisation pour le raid a été donnée après des centaines d'heures de surveillance; sur la base des informations en notre possession au moment de l'attaque sur le compound ciblé n'y avait que quatre militants d'Al-Qaïda, mais aucun otage ou civil pakistanais ".
Ahmed Farouq
Au Pakistan les signature strikes de la CIA (plus de 400 l'an dernier seulement) ont provoqué un nombre impressionnant de victimes parmi la population civile, entre 556 et 1128 décès selon diverses ONG internationales, et de très lourds dégâts à des habitations, écoles et hôpitaux. Les drones ont lancé des missiles téléguidés contre des fêtes religieuses, des banquets de mariage et des funérailles, confondant des rassemblements pacifiques de femmes et d'enfants avec des camps d'entraînement des milices anti-gouvernementales. Les massacres ont produit un fort ressentiment parmi la population et mêmes les autorités gouvernementales au Pakistan. En octobre 2012, le ministre de l'Intérieur Rehman Malik avait dénoncé le fait que seulement 20% des personnes tuées dans les raids US étaient des militants pro-talibans ou des terroristes. Le 24 octobre 2013, lors d'un face-à-face avec le président Obama, le Premier ministre Nawaz Sharif avait demandé qu'il soit mis fin aux attaques de drones en territoire pakistanais. Quelque temps après Washington s'était engagé à suspendre les attaques en 2014, de toute façon avant la date à laquelle les opérations de guerre auraient du être conclues en Afghanistan.
Aujourd'hui on apprend par le Wall Street Journal que Barack Obama a au contraire délibérément menti au gouvernement pakistanais et l'opinion publique internationale. En effet, tandis que l'administration US édictait en 2013 un règlement plus strict sur l'utilisation de drones afin de réduire le risque de victimes "non-combattantes", selon le quotidien économique, " une exemption a été secrètement approuvée qui donnait à la CIA plus de souplesse au Pakistan que dans d'autres pays pour attaquer des militants présumés ". Toujours selon le Wall Street Journal, "si l'exemption n'avait pas été en vigueur pour le Pakistan, la CIA aurait pu se voir demander plus d'informations de renseignement avant les attaques qui ont causé la mort de Warren Weinstein et John Lo Porto".
Predator tricolore
Le drone-tueur protagoniste des raids sanglants sur les principaux théâtres de guerre internationaux (outre le Pakistan, l'Afghanistan, le Yémen, la Somalie, la région des Grands Lacs, le Mali, le Niger, la Libye, etc.) est le Predator, armé de missiles AGM-114 "Hellfire", de bombes à guidage laser GBU-12 "Paveway II" et GBU-38 "Jdam" (Joint direct attack munition) guidées par GPS. Bien qu'il soit équipé de technologies de télédétection sophistiquées, le Predator n'est pas en mesure de distinguer les «combattants ennemis» de la population désarmée. Alors qu'ils sont maintenant parmi les systèmes d'armement les plus stigmatisés par les ONG humanitaires et même par le Conseil des droits humains des Nations Unies, ces sinistres avions sans pilote sont hébergés depuis l'automne 2012 sur la base aéronavale de Sigonella en Sicile, en application d'une autorisation top secret du ministère italien de la Défense qui permet à l'armée US de les employer en Afrique du Nord et au Sahel.Les forces armées italiennes sont également les premières en Europe à avoir acheté des Predator à l'entreprise US General Atomics. Jusqu'à présent, ces drones ne sont pas armés, mais on attend à court terme l'autorisation du Congrès US pour leur conversion en avions tueurs automatisés. Le gouvernement italien a également désigné la base aérienne d'Amendola, dans la province de Foggia, comme site pour la formation de militaire européens à la gestion des avions sans pilote. C'est à Amendola que, le 1er mars 2002 a été formé le 28° Gruppo Velivoli Teleguidati (Groupe 28 d'Avions pilotés à distance) pour mener des opérations aériennes avec le Predator. Le baptême du feu des drones "italien" a eu lieu en Irak en janvier 2005, dans le cadre de la mission "Ancienne Babylone". En mai 2007, les Predator ont été transférés sur la base de Hérat, siège du Commandement régional pour les opérations en Afghanistan, où ils ont continué à fonctionner sans interruption jusqu'à il y a quelques mois. Au cours des opérations militaires contre la Libye de Kadhafi du printemps-été 2011, les avions sans pilote déployés à Amendola ont joué un rôle clé dans les opérations de renseignement des Forces aériennes italiennes et de leurs partenaires de la coalition internationale menée par les USA, effectuant en tout plus de 360 heures de vol. Les dernières missions à l'étranger remontent à l'année dernière: deux avions espions ont été déployés à Djibouti, dans le cadre de la mission anti-piraterie Atalante de l'Union européenne, tandis que deux autres Predator ont été transférés vers l'aéroport de de Koweit City pour opérer au service de la coalition internationale anti-EIIL en Irak et la Syrie. Actuellement les avions sans pilote du 28ème Groupe d'Amendola opèrent au Kosovo en appui aux activités de la force militaire internationale dirigée par l'OTAN (KFOR).
Vu leur souplesse d'utilisation, les Predator des forces aériennes italiennes sont également utilisés dans les fonctions d'ordre public, pour le contrôle des frontières et les opérations controversées de "surveillance" des bateaux de migrants et de demandeurs d'asile dans le centre de la Méditerranée (les dernières étant successivement Mare Nostrum et Triton). L '«accord technique» de coopération bilatérale entre l'Italie et la Libye signé le 28 novembre 2013, par les ministres de la défense Mario Mauro et Abdullah Al-Thinni a autorisé l'utilisation des avions sans pilote Italiens dans les missions d'appui aux autorités libyennes pour le "contrôle "de la frontière sud du pays. Grâce aux Predator, les véhicules des migrants peuvent être interceptés quand ils traversent le Sahara, ce qui permet à l'armée libyenne d'intervenir rapidement pour les enfermer dans des camps ou les déporter avant qu'ils n'atteignent les villes côtières. Ces derniers jours, parmi les propositions les plus drastiques pour «contenir» les flux migratoires en Méditerranée il y a eu celle de l'ancien général d'aviation Leonardo Tricarico, président de la Fondation ICSA : "employer des drones pour détruire les embarcations dans les ports libyens".
La capitale mondiale des drones est en Sicile
Dans le domaine des drones, l'Italie a déjà conquis un leadership dans l'arène internationale. Dans les plans des forces armées US et de l'OTAN, la base de Sigonella en Sicile a en fait été choisie pour faire office de véritable capitale mondiale des drones, c'est-à-dire de centre d'excellence pour le commandement, le contrôle et l'entretien des flottes d'avions sans pilote appelées à mener les futurs conflits mondiaux. En plus des Predator, Sigonella abrite depuis octobre 2010 aussi trois ou quatre drones d'observation et de surveillance RQ-4B Global Hawk de l'US Air Force. Longs de 14,5 mètres et d'une envergure de 40 mètres, ces drones peuvent voler dans toutes les conditions météorologiques pendant 32 heures à 18,3 km d'altitude et à des milliers de kilomètres de leur base d'opérations. L'Alliance atlantique se prépare aussi à l'hyperdronisation des guerres. D'ici la fin de 2016, le programme Alliance Ground Surveillance (AGS), qui vise à renforcer la capacité de renseignement, de surveillance et de reconnaissance de l'OTAN, sera entièrement opérationnel. La composante aérienne du système AGS sera basée sur cinq avions téléguidés Global Hawk, version Block 40, qui seront déployés également à Sigonella. L' AGS fournira des informations en temps réel pour des tâches de surveillance air-terre pour soutenir l'ensemble du spectre des opérations en Méditerranée, dans les Balkans, en Afrique et au Moyen-Orient. Le nouveau système de l'OTAN pourra aussi compter sur le soutien des avions sans pilote Sentinel des forces armées britanniques et Heron R1 que la France a produits conjointement avec Israël. Par la suite, l'AGS fonctionnera en interface avec le programme de renseignement Bams (Broad Maritime Area Surveillance) que l'US Navy va lancer grâce à l'achat des nouveaux patrouilleurs maritimes P-8 Poseidon et de la dernière génération de drones espions Triton de Northrop Grumman. Le 2 février dernier, le ministère de la Défense a demandé au Congrès l'autorisation pour l'exercice 2016 de dépenser 102,943 millions de $ pour construire sur la base siciliennes les hangars et une série d'infrastructures de soutien de pour les Triton et Poséidon. De 14,5 mètres de long et d'une envergure de 39,9 mètres, , le Triton peut fonctionner dans un rayon de 2 000 miles nautiques de la base de décollage, à une altitude maximale de 18 288 mètres et à une vitesse de croisière de 575 kilomètres/heure. L'engin aura une autonomie de vol de 24 à 30 heures.Le Premier ministre Matteo Renzi lance le nouveau drone P.1HH DEMO à Piaggio Aerospace (Gruppo FIAT): "Ainsi l'Italie se débarrasse de la moisissure" (sic)
"S'ils sont utilisés, les RLA peuvent avoir d'énormes conséquences sur les valeurs de la société, en particulier celles concernant la protection de la vie, et sur la stabilité et la sécurité internationale", a dénoncé le Conseil des droits humains des Nations Unies dans un rapport spécial publié le 9 avril 2013. "Nous recommandons aux États membres d'établir un moratoire national sur la production, l'assemblage, le transfert, l'acquisition, le déploiement et l'utilisation des RLA, au moins jusqu'à ce qu'un cadre international de référence juridique sur leur avenir soit convenu", a ajouté le Conseil des Nations Unies. "Ils ne peuvent pas être programmés pour se conformer aux lois humanitaires internationales et aux normes de protection de la vie privée prévues par les conventions sur les droits humains. Leur installation implique non seulement le renforcement des types d'armes utilisées, mais aussi un changement dans l'identité de ceux qui les utilisent. Avec les RLA, la distinction entre les combattants et les armes risque de devenir floue ". Un appel pressant que Washington, Paris, Tel Aviv, Londres, Rome et maintenant aussi Bruxelles n'ont en rien l'intention d'entendre.
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