Depuis quatre jours, les commentaires sur les émeutes au Royaume-Uni se multiplient. Riverains victimes de pillages, sociologues, responsables d'associations de quartier, hommes politiques. Chacun apporte son explication aux violences. Les émeutiers sont moins audibles. Pourtant, si certains se contentent de profiter des pillages, d'autres cherchent à faire passer un message.
- "Cibler les richesses"
Dans le quartier de Hackney, un jeune homme de 29 ans se présente à un journaliste du Parisien sous le nom de Yemoko Baboss. Lundi à 16 heures, il était sur Mare Street, là où les émeutiers s'étaient donné rendez-vous. "Il faut se révolter, assène-t-il avant d'argumenter : Les taxes sont trop élevées, on n'a pas de travail et il y a eu trop de coupes dans le budget. Pour le gouvernement aujourd'hui, les jeunes sont d'abord un problème. Il ne faut pas s'étonner de ce retour de bâton."
Yemoko Baboss tient à souligner un autre point : la contestation ne repose sur aucune base raciale. "Il y a des Noirs, mais pas seulement, affirme-t-il. J'ai vu des gens de toutes les origines." Pour lui, participer aux émeutes, c'est avant tout entreren guerre contre "le système". En "ciblant les richesses", en mettant l'économie "à terre", le jeune homme espère faire bouger les choses.
Mais, lucide, il sait que tous les émeutiers ne partagent pas cette conviction : "Il y en a qui profitent de l'opportunité. Quand tu es jeune et qu'il y a des affaires sympas à prendre, c'est sûr que tu te sers."
- "Montrer à la police qu'on peut faire ce qu'on veut"
Interrogées par une journaliste de la BBC après les émeutes à Croydon dans la nuit de lundi à mardi, deux jeunes filles s'amusent de la situation. "C'était de la folie, c'était marrant", lancent-elles tout sourire. Les deux comparses sirotent une bouteille de vin rosé, un vestige de leur récolte de la nuit dans les magasins du quartier. A leurs yeux, les commerces pillés représentent la richesse. Et elles veulent montrer à la fois à la police et aux "riches" qu'elles peuvent faire "ce qu'elles veulent".
De son côté, le Guardian rapporte une conversation entendue par un témoin des pillages dans le nord de Londres. Deux filles se disputent pour savoir quel magasindévaliser : "Allons chez Body Shop", lance la première. "Non, Body Shop, c'est mort, allons plutôt chez Boots", répond la seconde. Le témoin de la scène, qui se fait appeler Tiel, souligne la nonchalance des deux jeunes femmes, comme s'il était normal de faire son shopping à 4 h 30 du matin...
Plus insolite, le Financial Times (article payant) cite une femme sortant d'un magasin, une télévision sous le bras : "Je récupère ce que m'ont pris les impôts".
- En colère contre le fonctionnement du "système"
Celui qui se présente au New York Times sous le nom de Louis James a 19 ans. Lundi, il participait aux émeutes à Camden. Enfant d'une mère qui peine à s'ensortir, orphelin d'un père héroïnomane, déscolarisé à 15 ans, il ne se souvient même plus du nombre d'écoles qu'il a fréquentées. Aujourd'hui au chômage, il se plaint : "Personne ne m'a jamais donné une chance." Il y a trois ans, il a pourtant quitté le gang auquel il appartenait et arrêté de fumer du cannabis. Mais rien n'y fait : lui qui voulait travailler dans le commerce de détail passe son temps devant la télévision. La faute d'après lui aux 76 livres (87 euros) d'indemnité chômage qu'il perçoit tous les quinze jours et qui suffisent juste à le nourrir.
S'il a pris part aux pillages, c'est parce qu'il est "en colère contre tout ce système".Son seul butin : un sweatshirt de la marque Fred Perry. Après coup, il se sent un peu coupable de l'avoir volé. Il insiste : "Je voudrais juste trouver un travail."
Donald Walther, Le Monde, 10/8/2011
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