samedi 27 août 2011

Les Palestiniens vont bientôt boucler la boucle

Original: Palestinians will soon come full circle
Traductions disponibles : Deutsch  

De nombreuses années ont été gaspillées à faire des concessions aux colonisateurs. Les Palestiniens ont eu raison d’appeler à la création d’un Etat laïc dès le début.
Le Mouvement National de libération  palestinien a atteint son stade terminal. La direction palestinienne - si tant qu'il en existe encore une, légitime, aujourd'hui - s'apprête à porter la question d’un Etat palestinien devant les Nations Unies en septembre. Dans les semaines et les mois qui viennent, nous assisterons à une énième tentative désespérée pour obtenir de la communauté internationale qu’elle assume ses responsabilités et qu’elle garantisse la création d’un Etat palestinien dans les territoires occupés [en 1967].
Les raisons de cet échec sont multiples. Avant tout, le traumatisme provoqué par la création de l’Etat d’Israël parmi les Palestiniens en 1948 n’a jamais vraiment cessé. La moitié de la population palestinienne de l’époque avait dû fuir ses foyers.
Ceux qui ont refusé de fuir sont aujourd’hui citoyens israéliens - une citoyenneté qu’ils n’avaient pas demandée, mais qu’on leur a imposée - et ils représentent aujourd’hui plus d’1,2 million d’âmes, musulmanes et chrétiennes.
Et comme si la dépossession forcée de plus de 78% de leur territoire ne suffisait pas, l'armée israélienne occupe le reste de la Palestine depuis 1967. Israël avait planifié cette occupation bien avant la guerre [de juin 1967]. L’occupation militaire est, par définition, un état de choses provisoire et on pourrait avec beaucoup d'imagination considérer que  la présence israélienne en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et à Jérusalem-Est est toujours provisoire 44 ans plus tard. Mais  ce qui décrit de fait la réalité de manière plus précise est plus le crime d’apartheid que celui d' occupation militaire.
A partir du début des années 1970, les Palestiniens sont devenus, comme l’a dit l’ancien diplomate palestinien Afif Safieh, « déraisonnablement raisonnables ». Année après année, les dirigeants palestiniens ont consenti concession sur concession, essayant d’d'obtenir une résolution équitable à leur dépossession et à l’occupation militaire.
Cette série de concessions apparemment sans fin a connue son apogée avec ce qu’on a appelé les accords de paix d’Oslo en 1993. Ces accords étaient issus de négociations profondément déséquilibrées entre l’OLP et Israël, qui visaient à amener les parties à trouver un « accord sur le statut final » dans un délai de cinq ans.
Les accords d’Oslo ont tout bonnement entériné le principe de l’occupation militaire et ont codifié l’incroyable déséquilibre entre la force occupante (Israël) et le peuple occupé (les Palestiniens). Les accords ont échoué lamentablement et à plusieurs reprises. Non seulement l’accord final n’a jamais vu le jour, mais aujourd’hui on est plus loin que jamais d'une solution à deux Etats. Aucun ergotage de la onzième heure de la part de Barack Obama et de Benjamin Netanyahu pour relancer des négociations en partant de la question des frontières n’est acceptable. Les tergiversations du passé n’avaient engendré que des dommages irréparables sur le terrain, invitant à la capitulation palestinienne plutôt qu’à une reprise des négociations.
Après avoir lutté pour relancer le processus de négociation pendant deux décennies, les Palestiniens ont perdu confiance dans le processus et dans toutes les instances chargées de le superviser, à savoir le Quartet, USA Russie, Union Européenne et Nations Unies. Pendant toute la période de ce processus, Israël a confisqué toujours plus de terres, construit toujours plus de colonies et causé toujours plus de morts et de destructions.
Tout observateur honnête arriverait à la conclusion qu’Israël n’a aucune intention de permettre aux Palestiniens de créer une nouvelle réalité sur le terrain Etat, pour avancer vers une solution viable et réalisable de la crise. Mêmes les puissances qui tiennent le manche, USA et Union Européenne, n’ont engagé aucune action sérieuse pour mettre fin à ce conflit sur la base du droit international. Pour les Palestiniens, la diplomatie a lamentablement échoué, leur laissant toujours moins de terres et d’eau, les laissant toujours plus désunis, toujours plus pauvres, avec de moins en moins d'espoir.
Le drame qui se déroule alors qu'approche l'échéance de septembre tourne autour d’une équation simple. Ceux qui prétendent être les dirigeants palestiniens n’ont plus de tours dans leur manche pour justifier la poursuite de négociations avec la puissance occupante. Il ne leur reste donc que ce qu’ils décrivent comme une démarche stratégique pour effectuer une demande d’adhésion de l’Etat palestinien à l’ONU.
L’objectif politique sous-jacent qu’ils tentent de rétablir est que la solution de ce conflit apparemment insoluble est celle à deux Etats, Israël et Palestine, basée sur la résolution 181 de l’Assemblée Générale des Nations Unies, qui a divisé la Palestine en 1947 (illégalement, pourrais-je ajouter). On peut accorder à cette démarche un 20/20 pour l’effort bien qu’il soit voué à l’échec, que la Palestine soit admise à l’ONU cette année, dans cinq ans ou jamais. Les réalités du terrain ont drastiquement changé depuis 1947. Israël, grâce au soutien aveugle des USA, est parvenu à éliminer la solution à deux Etats des options réalisables.
Les nouveaux dirigeants palestiniens, ceux que les négociateurs israéliens n’ont pas encore rencontrés, voient les choses différemment et refusent de croire qu’Israël désire vivre en paix quand les faits montrent le contraire depuis 64 ans. Ces nouveaux dirigeants palestiniens jugent l’Etat hébreu pour ce qu’il est : un Etat colonialiste, un mouvement d’apartheid puisant ses idées dans le racialisme, une idéologie exclusiviste qui refuse de permettre la création d’un autre Etat entre la Méditerranée et le Jourdain, sans parler du refus exprimé aux Palestiniens de les laisser rentrer chez eux et de les indemniser pour ce qu’ils ont subi, comme cela a été stipulé comme condition à l’admission d’Israël comme Etat membre de l’ONU le 11 mai 1949.
Une fois que la démarche, condamnée d'avance, d’adhésion de la Palestine à l’ONU sera lancée, un nouveau paradigme prendra racine,  qu'Israël redoute car il implique que Palestiniens et Israéliens sont égaux, co-citoyens, partenaires. Cette nouvelle période verra les Palestiniens abandonner l’envie d’un Etat indépendant dans une portion de la Palestine historique. Au lieu de cela, ils souhaiteront faire partie d’une structure politique représentative, défendant leur désir d’autodétermination dans leurs territoires historiques, même si ce pays est aujourd’hui appelé Israël.
Les Palestiniens vont bientôt boucler la boucle. Ils ont eu raison - et cela leur en a coûté - de souhaiter un Etat laïc et démocratique dès le début du conflit. Ils ont malheureusement perdu un temps précieux et trop de vies humaines en essayant d’accepter des modalités injustes de résolution du conflit.
En l’état actuel, plus tôt Palestiniens et Israéliens comprendront que leur destinée est de coexister et d’être égaux, plus tôt nous pourrons commencer à réhabiliter nos communautés et construire une société unique dont les citoyens seront égaux devant la loi et en tant qu’êtres humains.
 

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