mercredi 4 février 2009

Le procureur de la CPI étudie les moyens de juger les officiers israéliens pour « crimes de guerre » à Gaza

par Catherine Philp à Davos et James Hider à Jérusalem, The Times, 2/2/2009. Traduit par Isabelle Rousselot et révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original
Prosecutor looks at ways to put Israeli officers on trial for Gaza 'war crimes'

La Cour Pénale Internationale étudie les moyens de poursuivre en justice des commandants israéliens pour crimes de guerre à Gaza.

Les crimes présumés comprennent l'utilisation du phosphore blanc mortel dans des zones fortement peuplées par des civils, comme l'a révélé une enquête du Times le mois dernier. Israël a tout d'abord nié avoir utilisé l'arme controversée qui cause d'horribles brûlures mais elle a du reconnaître plus tard, face à l'accumulation des preuves, l'avoir employée.

Quand des groupes palestiniens ont présenté une requête à la CPI ce mois-ci, son procureur a déclaré qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de saisir l'affaire car elle n'avait aucun pouvoir de juridiction sur Israël, qui n'est pas signataire du Statut de Rome. Cependant, Luis Moreno-Ocampo, le procureur de la CPI, a indiqué au Times qu'il était, maintenant, en train d'examiner si la juridiction palestinienne pouvait s’exercer sur des crimes présumés, perpétrés à Gaza.

Des groupes palestiniens ont présenté des arguments affirmant que l'Autorité palestinienne est l'État de fait dans le territoire où les crimes présumés ont été commis.

« C'est l'État territorial qui doit en déférer à la cour. Le débat est de savoir si l'Autorité palestinienne est en réalité, cet État », a indiqué M. Moreno-Ocampo au Times lors du Forum économique mondial de Davos.

Une partie de l'argument palestinien repose sur l'insistance d'Israël à proclamer qu'elle n'a aucune responsabilité à Gaza au regard de la législation internationale car elle s'est retirée du territoire en 2006. « Ils citent la jurisprudence, » a déclaré M. Moreno-Ocampo. « C'est très compliqué. Je suis en train d'examiner une analyse différente de la situation. Ça peut prendre du temps mais je prendrai une décision conformément à la loi ».

M. Moreno-Ocampo a indiqué que son examen de l'affaire ne reflétait pas forcément une conviction de sa part que des crimes de guerre avaient été perpétrés à Gaza. La première étape était d'établir une juridiction, a t-il déclaré, et c’est seulement après cela qu’il pourra décider de lancer une enquête.

Le bureau du procureur a déjà reçu de nombreux dossiers des groupes palestiniens sur les crimes présumés et attend d'autres rapports de la Ligue arabe et d'Amnesty International comprenant des preuves rassemblées à Gaza.

Régie par le Statut de Rome, fondement juridique de sa création, la Cour pénale internationale ne peut être saisie pour enquêter ou poursuivre des allégations de crimes les plus graves que si le pays responsable de ces crimes manque de volonté ou de capacité pour le faire dans son système judiciaire national.

Des États parties du traité peuvent déférer à la cour des affaires de crimes commis par leurs citoyens ou s'étant déroulés sur leur territoire. Des situations impliquant des citoyens ou le territoire d'un pays, non parties au Statut de Rome, peuvent être déférées à la Cour par le Conseil de sécurité des Nations Unies, comme ce fut le cas pour la région du Darfour au Soudan. La Côte d'Ivoire, qui n'est pas partie au Statut de Rome, a constitué un précédent en reconnaissant la compétence de la CPI pour les crimes commis sur son territoire. Elle a signé le Traité de Rome mais ne l'a jamais ratifié. En 2005, la Côte d'Ivoire a déposé une déclaration auprès de la CPI reconnaissant la compétence de la cour pour des crimes commis sur son territoire depuis septembre 2002.

Les juristes palestiniens soutiennent que l'Autorité palestinienne devrait pouvoir déférer à la Cour le cas de Gaza, sur ces mêmes bases ad hoc, bien que son statut d'État ne soit pas reconnu par la communauté internationale.

L'affaire a de grandes répercussions sur la reconnaissance d'un État palestinien. En rejetant l'affaire, la Cour mettrait l'accent sur le trou noir légal dans lequel se trouvent les Palestiniens qui demeurent sans État. Cependant, ceci met aussi en évidence les pires craintes d'Israël sur la reconnaissance d'un État palestinien à ses frontières. Un État palestinien qui ratifierait le Traité de Rome pourrait alors renvoyer à la Cour les crimes de guerre allégués à Israël sans qu'il n'y ait plus besoin de négociations juridiques. L'affaire pourrait également amener, par un effet boule de neige, la reconnaissance internationale d'un État palestinien par les pays qui souhaitent qu'Israël soit poursuivi en justice.

Une voie possible pour Israël serait d'accepter de mener une enquête sur ses commandants et de s'engager à poursuivre les crimes révélés par l'enquête. L'affaire ne serait alors plus dans l'orbite de la Cour Internationale. Ce qui semble peu probable pour l'instant, étant donné qu'Israël continue de rejeter la notion de crimes de guerre à Gaza.

L'armée israélienne a cependant lancé une enquête interne afin de savoir si du phosphore blanc avait été utilisé dans certains cas, sur des agglomérations, ayant fini par admettre qu'elle avait utilisé la substance incendiaire, qui n'est pas illégale pour créer des rideaux de fumée sur un champ de bataille mais dont l'utilisation est prohibée dans des zones civiles. Une vidéo d'une de ces attaques, montre ce qui semble être du phosphore blanc qui pleut sur une école des Nations Unies à Beit Lahiya, où étaient stationnées des ambulances et des équipes de la Croix Rouge.

Une coalition de groupes israéliens oeuvrant pour les droits humains exhorte le Ministre de la Justice du pays à ouvrir une enquête indépendante pour allégations de crimes de guerre par des troupes, ce qui pourrait contrer l'affaire au niveau de la Cour Pénale Internationale. Les groupes, dont B'Tselem (le Centre israélien d'information pour les droits de l'homme dans les territoires occupés), ont indiqué qu'il y avait eu des rapports démontrant que les forces israéliennes ont ouvert le feu dans des zones civiles, ont refusé l'aide médicale aux blessés et empêché des ambulances palestiniennes de les secourir et ont tiré sur des gens portant des drapeaux blancs.

Pendant ce temps, les Nations Unies préparent une enquête concernant le bombardement d'une école des Nations Unies à Jabaliya, au nord de la bande de Gaza. Des forces israéliennes avaient envoyé des obus autour de l'école, qui avait été transformée en abri de réfugiés pour les Gazaouis qui fuyaient leurs maisons. Au moins 43 personnes ont trouvé la mort. Israël a déclaré que des militants palestiniens avaient tiré depuis l'enceinte de l'école, ce qui a été démenti par les Nations Unies.

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