mardi 26 juin 2012

Manolis Glezos, combattant antifasciste et député de Syriza : "Nous devons sortir de l'esclavage du capital"

par Antonio Cuesta,  Gara, 25/6/2012 . Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Manolis Glezos est un combattant infatigable au long cours, député de la Coalition de la gauche radicale (Syriza) et célèbre pour l'action qui a donné le coup d’envoi à la Résistance en 1941, lorsqu’il arracha le drapeau nazi planté par les forces d'occupation allemandes sur l’Acropole d’Athènes.
Manolis Glezos note que, même si la coalition de gauche n'a pas remporté les élections législatives, elle a quand même connu une victoire car pour la première fois apparaît une gauche qui "ne veut pas conduire le peuple, mais marcher à ses côtés". Il assure vouloir que la Grèce reste dans les institutions européennes, mais avec un autre modèle, l'Europe des peuples et non celle des multinationales.
A presque 90 ans, vous êtes toujours un militant de gauche de premier plan. Comment évaluez-vous les résultats électoraux obtenus par Syriza le 17 juin?
Je pense que notre défaite est due à trois raisons principales : la première, que tout le monde connait, a été la forte pression à laquelle nous avons été soumis de la part des médias et des dirigeants européens ont fait tout ce qui a été en leur pouvoir pour terroriser les gens face à la perspective d’une victoire de Syriza. La seconde raison est qu’en Grèce, il n'ya pas de vote par correspondance, et une grande partie des électeurs sont inscrits sur leurs lieux de naissance, et qu’ils doivent donc aller voter là-bas. Ces deuxièmes élections en un peu plus d'un mois, ont fait que beaucoup de nos gens n’ont pas pu aller voter par manque d'argent pour le voyage. D'où la forte abstention. Et troisièmement, beaucoup de dirigeants de Syriza message ou n'ont pas tenu un discours homogène ou n’ont pas réussi à bien l'expliquer, surtout dans le domaine économique, ce qui a été exploité par les médias pour tromper les gens, en présentant des messages fragmentés ou apparemment contradictoires. Mais malgré tout cela, ces élections ont été une victoire pour Syriza. C’est la naissance d’une nouvelle gauche, qui n'a rien à voir avec les courants idéologiques du XXe siècle. La nouvelle gauche ne veut pas conduire le peuple, mais marcher à ses côtés, en cherchant tous ensemble les solutions dont on a besoin, pour arriver au pouvoir tous unis.
Combien de temps faudra-t-il pour qu’éclate la colère sociale contre la politique du nouveau gouvernement, dirigé par le parti conservateur Nouvelle Démocratie?
Il est difficile de mettre une date. Comme c’est la première fois qu’on assiste à une percée si importante de la gauche, je pense que les puissances internationales ne vont pas faciliter les choses pour le mouvement populaire et vont essayer de le freiner par des concessions au nouveau gouvernement. Certes, nous recevrons plus d'aide que prévu, pour essayer ainsi de marginaliser la gauche. Mais cela signifiera que nous serons enchaînés à la dette pour plus d'une décennie. Peut-être les retraites et les salaires ne seront pas abaissés  pour éviter les manifestations, mais l'avenir de notre peuple sera de toute façon hypothéqué.
Quelle sera l'attitude de Syriza dans cette nouvelle étape?
Nous sommes prêts à combattre, au Parlement et dans la rue. Nous dévoilerons ce qui se passe vraiment en Grèce. Nous allons nous concentrer sur la reconquête de la souveraineté de l'État grec. Nous n'avons pas besoin de sauveurs, ni des prêteurs ni des marchés. Nous ne sommes pas en train de dire qu’il faut nous isoler, notre politique est avec l'Union européenne.
Vos positions sur l'Union européenne sont parfois ambiguës. Pourriez-vous préciser si vous êtes favorables ou non à une poursuite du chemin dans les institutions européennes?
Nous sommes un pays européen et nous voulons appartenir à ses institutions, mais aussi travailler pour un autre modèle. Nous allons nous battre pour une Europe des peuples plutôt que des multinationales. Ils nous disent que nous devons quitter l'UE si nous ne sommes pas d'accord avec ces politiques, mais nous ne sommes pas non plus en faveur des politiques de la Grèce et nous ne sortons pas d’elle pour autant. Nous voulons y rester, et que tous les pays y restent. Comme avec l'ONU, où aucun pays n’envisage de la quitter, même s’il n’est pas d’accord avec ses règles de fonctionnement. Le problème n'est pas celui de l'euro ou de la drachme. L’important n'est pas de sortir d’une monnaie mais de sortir du capitalisme. J'ai été dans de nombreuses prisons, certaines meilleures et d’autres pires, dans certaines on avait du café, dans d’autres non. Beaucoup de prisonniers avaient envie d'aller dans les meilleures prisons, mais pour moi, il a toujours été clair que ce que je voulais, c’était sortir.  Ce dont il faut sortir, c’est l’esclavage du capital.
Manolis Glezos avec Alexis Tsipras. Foto Fotis Vrotsis
Maintenant que Syriza a grandi et occupe la place de principal parti d'opposition, ne court-elle pas le risque de s’embourgeoiser et de finir comme le PASOK, qui avait initialement un programme vraiment à gauche?
Non, cela n'arrivera pas avec Syriza. Notre coalition est composée de forces réparties sur un éventail idéologique large, qui va de groupes anarchistes à des secteurs de la gauche du PASOK, en passant par des trotskistes et des maoïste. Syriza est appelée à régénérer la gauche, ce qui est une nouveauté. Il ne s’agit pas, comme je l'ai dit, de conduire le peuple, mais de marcher avec lui. C'est ce qui nous distingue. Ce n’est pas une politique improvisée, derrière cette conception il y a de nombreux débats, qui continuent, sur le moyen d'arriver au pouvoir avec le peuple. Juste un exemple. Au cours de cette dernière campagne électorale ont eu lieu d'innombrables réunions où les gens ont apporté des contributions et des suggestions, ce qui a donné lieu à un échange fructueux d'idées. Avec tout cela on a confectionné le programme qui a pris en compte 80% des décisions prises lors des diverses réunions. Nous avons préféré les convoquer dans les villages et les quartiers, de manière à ce qu’elles ne soient pas trop grandes et aboutissent à quelque chose.
Vous avez déjà mené à la fin des années 80 une expérience de démocratie directe dans votre village. Comment ce projet a-t-il fini ?
Mon village, Apiranthos est situé sur l'île de Naxos et a une population de 1 100 habitants. Après  ma victoire aux élections locales on a décidé de créer une constitution locale qui établisse les bases d'une approche participative, en ce que l'assemblée des citoyens avait le contrôle total sur les affaires de la ville. Nous sommes arrivés à avoir cinq musées, trois bibliothèques, deux universités, deux collèges et une station météo. Le projet a été liquidé quand le gouvernement central a unifié les entités locales et les petites municipalités ont disparu.  Maintenant, tous les villages de Naxos fonctionnent sous un seul conseil municipal dominé actuellement par Nouvelle Démocratie.


Le 30 mai 1941, Manolis Glezos monta au sommet de l’Acropole et déroba le drapeau nazi qui flottait sur la ville depuis le 27 avril 1941, date de l’entrée des troupes allemandes dans Athènes. Il avait alors 17 ans. Ce geste fut le premier acte de résistance en Grèce, ce qui lui valut d’être condamnés à mort par contumace par les nazis. Le 24 mars 1942, il fut arrêté par les Allemands et torturé longuement, avant de s’évader en 1944. Le 3 mars 1948, en pleine guerre civile grecque, il fut jugé pour ses convictions politiques et condamné à mort à plusieurs reprises par le gouvernement de droite. Mais ces peines capitales ne furent pas appliquées en raison des réactions à l’étranger et finalement réduites à une condamnation à perpétuité en 1950. Encore en prison, Manolis Glezos fut élu membre au Parlement hellénique en 1951 comme candidat de la Gauche démocratique unie (EDA) ; il fut relâché en 1954. Le 5 décembre 1958, Glezos fut de nouveau arrêté et condamné cette fois pour espionnage, un prétexte courant pour persécuter les militants de gauche pendant la Guerre froide. Au cours de son deuxième emprisonnement pour raisons politiques après la guerre, il fut réélu député d’EDA en 1961, avant d’être relâché en 1962. Lors du coup d’État du 21 avril 1967, Glezos fut arrêté à 2 heures du matin, avec les autres dirigeants politiques grecs. Il fut libéré en 1971. Lors des élections législatives de 1981 et de 1985, il fut élu député sur les listes du PASOK. Au total, pendant la Seconde Guerre mondiale, la guerre civile grecque et le régime des colonels, Manolis Glezos passa 11 ans et quatre mois en prison et 4 ans et 6 mois en exil. (Note de Tlaxcala)
 

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