Athènes,
19 juin 2012- Il s’en est fallu d’un rien - 2,77% des voix - pour que
la Coalition de la Gauche Radicale (SYRIZA) gagne les élections
grecques et parachève triomphalement l’extraordinaire montée en flèche
de son score électoral qui est passé de 4,5% à presque 27% en moins de 3
ans ! Cependant, la droite coalisée de Nouvelle Démocratie et ses
acolytes de tout bord (les vieux sociaux-libéraux du PASOK et les
apprentis sociaux-démocrates de la Gauche Démocratique) ont le droit de
pousser un ouf de soulagement : la menace de la formation d’un
gouvernement de gauche abolissant les mesures d’austérité vient de
s’éloigner, au moins pour l’instant…
D’ailleurs, une analyse un peu plus approfondie des résultats
électoraux de SYRIZA témoigne des lendemains qui déchantent pour les
partisans des plans d’austérité. SYRIZA prend le large dans les
tranches d’âge de 18 a 45 ans et s’assure un vrai triomphe dans les
grands centres urbains comme le grand Athènes, Le Pirée ou Patras où vit
et travaille plus de la moitie de la population grecque. En somme,
SYRIZA s’assure le soutien de la population active et jeune tandis que
les partisans de la Troïka et de l’austérité (La Nouvelle Démocratie et
PASOK) survivent grâce à l’appui de la grande majorité des gens âgés (+
65 ans) et des ruraux. Une réalité sociale politique de très mauvais
augure pour la réaction grecque et ses patrons internationaux si on
pense que ce sont exactement ces tranches d’âge et ces populations
urbaines qui traditionnellement font l’histoire des pays du Nord…
S’il y a donc une leçon à tirer de ces élections grecques, c’est
que SYRIZA domine désormais chez les travailleurs et les chômeurs, dans
la jeunesse et les quartiers populaires, les bastions historiques de la
gauche communiste, là où le PC (KKE) gardait jusqu'à peu une présence
incontestée. Le changement est de taille, il est historique, vu que ce
KKE qui dominait SYRIZA jusqu'il y a encore 2-3 mois, est maintenant
réduit a une influence électorale marginale (4,5%) après avoir subi une
véritable hémorragie de militants et sympathisants au profit de la
Coalition de la Gauche Radicale.
A vrai dire, la recomposition de fait du paysage de la gauche
grecque est presque totale, si on ajoute une autre hémorragie, encore
plus grande, celle subie par la coalition des organisations
d’extrême-gauche ANTARSYA au profit toujours de SYRIZA. Etant réduite à
un éloquent 0,33% des voix, ANTARSYA doit maintenant tout faire pour
éviter que sa crise ne conduise à un dramatique gâchis de milliers de
militants révolutionnaires au moment où toute la gauche radicale grecque
en a le plus besoin…
Cependant, il serait totalement faux de croire que SYRIZA aura
désormais la vie facile, qu’elle peut se prévaloir de la fidélité
permanente de ses 2 millions d’électeurs. Au moindre faux pas de sa
direction, SYRIZA risque de tout perdre en un temps record car
l’écrasante majorité de ses électeurs l’a soutenue non pas pour des
raisons « idéologiques » mais pour qu’elle donne - et applique - des
solutions radicales à ses problèmes vitaux. C’est pourquoi d’ailleurs,
SYRIZA a énormément accéléré sa montée en flèche à partir du moment où
elle a mis comme objectif de sa campagne de gagner les élections et de
former un gouvernement de gauche qui allait abroger tout de suite les
mesures d’austérité. Et c’est, à l’inverse, pourquoi SYRIZA a perdu,
pendant les derniers trois jours de la campagne, son avance - et avec
elle les élections - parce que sa direction a tenté d’amadouer ses
adversaires en rendant son programme et son discours moins radical.
Attention donc au « faux pas » car les conséquences en seraient
maintenant cataclysmiques : ceux qui profiteraient ne seraient pas les
ex-grands partis traditionnels, mais les tueurs néonazis « qui sont ici
pour y rester ». Pas seulement dans les urnes mais surtout dans les rues
où ils multiplient déjà les agressions assassines contre les immigrés
et les militants de gauche. Malheureusement, l’impréparation de la
gauche grecque devant la peste brune a permis que le serpent néonazi
soit désormais bien sorti de son œuf. Il n’est pas encore trop tard pour
que cette gauche grecque se décide au plus vite à affronter le monstre
naissant rien que pour assurer sa propre autodéfense…
Tout cela étant dit, il reste à tirer 2-3 grandes leçons de
l’expérience de cette SYRIZA, formée, il y a bientôt 9 ans, de
l’alliance ou plutôt du « mariage » d’un parti réformiste de gauche
(Synaspismos) avec une douzaine d’organisations et courants
d’extrême-gauche. La première leçon est que l’unité est possible.
La deuxième que cette unité paye. Et la troisième, que l’unité est
possible et payante à condition que ce soit une unité fondée sur la
radicalité ! Par les temps qui courent, une expérience comme
celle de SYRIZA mérite toute notre attention et – évidemment - notre
solidarité internationaliste active. Car en Grèce la victoire de la
gauche radicale reste possible, et peut n’être que partie remise…
Carte électorale du 6 mai (à gauche) et du 17 juin 2012 (Bleu N.D, vert PASOK et rose SYRIZA)
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