samedi 3 janvier 2015

Ce qui est en jeu en Grèce (et en Europe)

par Alessandro Gilioli, L'Espresso, 29/12/2014. Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original :
Cosa c’è in gioco in Grecia (e in Europa)
Après l'échec
de la dernière tentative pour élire son président, la Grèce va à des élections anticipées, le 25 janvier. Selon les sondages, le parti de gauche Syriza est actuellement en tête (avec une majorité relative).
Syriza est généralement appelée "gauche radicale", et c'est en effet aussi son nom. Cependant, son programme est essentiellement social-démocrate, néo-keynésien et pour certains aspects même carrément rooseveltien. Le Psi de Nenni, il ya cinquante ans, était probablement plus radical. Ce n'est pas parce que chez nous Boschi, D’Alema et Gutgeld* se définissent eux-mêmes comme de gauche, qu'il doit par force en aller de même partout.
Une autre idée fausse répandue est que si Syriza gagne en Grèce, Athènes sortira de l'euro, ce qui pourrait être le début de la fin de la monnaie unique, par effet domino.

Alexis Tsipras : "C’est mon tour !" Antonis Samaras : “Eh, bas les pattes de la barre !”
Ilias Makris, To Ethnos, juin 2012

En réalité, Syriza ne demande pas la sortie de l'euro, mais la renégociation de la dette grecque; en particulier des intérêts qui étouffent toute possibilité d'investissement public visant à la reprise. Le modèle auquel Tsipras a souvent fait référence est celui qui a permis à l'Allemagne de renaître quand, en 1953, son économie était étranglée par les dettes (y compris celles de guerre) et le gouvernement de Bonn avait obtenu un remodelage avec moratoire de cinq ans.
En ce qui concerne la relation avec l'Europe, la ligne de force de Syriza est la demande d'un changement dans le rôle de la BCE, pour qu'elle finance directement les États et les programmes d'investissement public: "Nous attendons de voir la portée et surtout les résultats de l'assouplissement quantitatif (quantitative easing) promis par Draghi, qui devrait apporter des avantages tangibles à l'économie réelle", a expliqué récemment Dimitrios Papadimoulis, vice-président du Parlement de l'UE et porte-parole principal de Syriza dans l'UE. Ce n'est pas exactement une position bolchevik, ni lunaire.
Évidemment, les questions ne manquent pas, dont la première concerne Syriza même (qui, ne l'oublions pas, est née comme coalition, de gauche en plus: donc, avec toutes les limitations qui en découlent pour son caractère compact) et la majorité possible de gouvernement qui peut se constituer autour de Syriza.
Mais je crois que les éléments forts d'une possible victoire de Syriza vont au-delà des aspects programmatiques concernant la Grèce. Ce sont deux autres éléments, qui, eux, sont aussi potentiellement très importants pour le reste de l'Europe.
Le premier est que pour la première fois, sur le continent, une force pourrait aller au gouvernement qui est extérieure au tandem classique centre-droit/centre-gauche, les deux forces qui ont alterné depuis plus d'un demi-siècle et qui dominent toujours aujourd'hui (parfois dans des alliances plus ou moins élargies) de l'Allemagne à la France, de l'Espagne au Royaume-Uni, en passant par l'Italie. En d'autres termes, ce serait le premier test de gouvernement, avec toutes les responsabilités afférentes, pour un de ces agrégats politiques qui - de façon très variée - ont tendance à représenter la majorité dite invisible (le prochain cas pourrait être celui de l'Espagne).
Le deuxième aspect, encore plus important, est que pour la première fois depuis longtemps, nous aurions un État européen qui tente de se positionner face à l'UE elle-même et à la Troïka et plus généralement aux pouvoirs économiques avec toute la force qui lui vient de ce qu'il est un État et une démocratie, c'est-à-dire qui tente de restituer à la politique la souveraineté qui lui revient.
Voilà qui serait une révolution, après ces trente dernières années.
Qui sait si on va le lui laisser faire.

NdT
Massimo D'Alema, dernier dirigeant du défunt Parti communiste, Premier ministre de 1998 à 2000, ministre du gouvernement Prodi de 2006 à 2008, vice-président de l'Internationale socialiste.
Maria Elena Boschi,  avocate et députée du Parti démocrate, ministre pour les Réformes constitutionnelles et les Relations avec le Parlement du gouvernement Renzi depuis 2014.
Itzhak Yoram Gutgeld, le bien-nommé (son nom signifie "Bon argent"), politicien et économiste israélien naturalisé italien, député du Parti démocrate pour les Abruzzes, conseiller économique de Matteo Renzi. 

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