par Blanche PETRICH, La Jornada, 24/3/2009. Traduit par Esteban G., révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : Es hora de que AL recupere su independencia - Ambiente propicio ante la pérdida de poder y autoridad de EU, dice Eduardo Galeano
Du journalisme, des peuples d’Amérique latine « qui en ont eu assez de danser la salsa au rythme du Titanic », de l'histoire du monde, du racisme et du machisme. De sa formation académique dans les cafés de Montevideo. De son style littéraire, qui aspire à dire le plus avec peu, de chair et d’os sans graisse, la parole à nu. De sa dernière aventure, Espejos (Miroirs), un livre de contre-histoire qui embrasse l’ineembrassable et qui raconte une série de petites histoires venant de ceux qui ne sont pas dans les livres, les exclus, les méprisés. Eduardo Galeano se laisse facilement entraîner pour parler de tout ceci et encore plus avec La Jornada, le quotidien qui – assure t-il - est aussi sa maison.
L'Uruguayen Galeano tapote des doigts sur l’image d'une tête africaine sculptée qui illustre la couverture de Espejos, son œuvre la plus récente. « Ici – dit-il - je me promène dans l'histoire universelle de manière très irresponsable ». Il rit de lui-même : Depuis l’âge des cavernes jusqu’à aujourd’hui, rien ne m'échappe. Bien sûr, ce dont je me souviens le plus est ce qui s’est passé durant le XXème siècle, qui est le mien. Aujourd’hui, le XXIè siècle doit apprendre de ce qui s’est passé au XXème. Ce qui est arrivé est le double échec : d’un côté les sociétés qui ont sacrifié la liberté au nom de la justice, et de l’autre, celles qui ont sacrifié la justice au nom de la liberté. Le défi des temps qui viennent est que les deux doivent s’unir à nouveau. La justice et la liberté sont nées siamoises, mais elles ont été séparées par les chirurgiens du pouvoir ; maintenant elles veulent être de nouveau épaule contre épaule.
De la même manière, convaincu de ce qu'a dit Rosa Luxembourg, qu’il n’y a rien de plus révolutionnaire que de dire ce que l'on pense, il se permet d'exprimer ses divergences avec Cuba et le Venezuela.
Photo Sergio Hernández Vega, La Jornada
Amérique Latine, le royaume de la diversité
J'ai été le porte-parole des observateurs internationaux indépendants lorsqu’en 2004 il [Hugo Chávez] a appelé au référendum révocatoire. J’ai participé avec Jimmy Carter et César Gaviria. Nous avons passé toute la nuit ensemble, à analyser les données. Et au final, les faits étaient évidents : ce fut une élection propre. La première fois dans l'histoire universelle dans laquelle un président élu mettait son mandat entre les mains des gens en disant : si vous voulez, je reste ; si non, je m’en vais. Il n'y a pas eu de piège. Quelque temps plus tard Evo Morales fit la même chose, et dans une proportion un peu plus grande que pour Chávez, son peuple lui a demandé de rester. Cela a été deux leçons de démocratie que le monde n'a pas écouté. Et il ne les a pas écoutées parce que les médias les ont tues.
-Le sujet de la réélection dans le cas de la Bolivie et du Venezuela apparaît presque omme un gros mot, alors qu’il est normal dans beaucoup de systèmes politiques en Europe, et même aux USA.
- Il y a une nette contradiction entre ce que prêchent les pays puissants et ce qu’ils pratiquent. Personnellement je ne suis pas convaincu par la possibilité de réélection indéfinie. Le pouvoir est dangereux et induit à la longue à écouter davantage l'écho que les voix. La concentration du pouvoir dans une seule personne n'est pas bonne pour la démocratie que nous voulons participative. C’est mon opinion, mais cela ne me fait pas tomber dans le piège de croire que Chávez veut se maintenir à perpétuité au pouvoir. Je ne suis pas non plus convaincu par le système de pouvoir à Cuba, qui peut-être a été le seul que Cuba ait pu avoir, victime de l’asphyxie immédiate de la part des puissances impériales. Peut-être que ce n’est pas cela qu’ils voulaient, c'était ce qu’ils pouvaient.
L'État tout-puissant n'est pas la meilleure réponse au marché tout-puissant. J'ai des opinions divergentes avec Cuba, et je crois, comme dit Rosa Luxembourg, qu'il n'y a pas d’acte plus révolutionnaire que de dire ce que l’on pense. Souvent, ce dont souffrent les expériences de changement et toutes les tentatives de justice sociale c’est d’être soumises au harcèlement d’un blocus féroce. Il en résulte parfois que l'on condamne, et très injustement, les opinions qui contredisent la volonté du pouvoir. Et cela n'est pas bon.
- En parlant d'un monde en déroute, l'Amérique Latine est riche en contradictions. Les changements qui gagnent chaque fois plus de terrain, depuis le Brésil de Lula da Silva jusqu'au Salvador de Mauricio Funes, en passant par un sandinisme au Nicaragua qui se retourne contre ses frères, sont contradictoires. Je ne sais pas si nous comprenons bien ces changements.
Ce qu'il faut souligner par dessus tout c’est que l'Amérique Latine est le royaume de la diversité. C’est ce que nous avons de meilleur et cela ne doit effrayer personne, au contraire. Toute généralisation a priori est condamnée à l’erreur. Mais d’un autre côté, il est inévitable de généraliser lorsqu’on essaye d’englober un champ qui va au-delà des frontières de chaque petit morceau. Ce qu’il ya a, c’est une volonté de changement chez les peuples, une conscience naissante et croissante que les chemins parcourus durant les 30, 40 dernières années conduisaient à la catastrophe. La chute de Wall Street – et ce n’est pas pour rien qu’elle s’appelle la rue du MUR -, la chute de ce mur, renferme une grande leçon. Pendant des années et des années ils nous ont invités à danser la salsa au rythme du Titanic, et aujourd’hui on voit les conséquences.
Au fond, ce qu'il y a, c’est une perte notoire de pouvoir et d’autorité du patron de la propriété. Les USA vivent ce qui est, peut-être, la pire crise de leur histoire. C'est le meilleur moment pour récupérer l'indépendance perdue.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire