par le Département des négociations de l’OLP, 15/12/2010. Traduit par Michèle Mialane, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Couper Bethléem de Jérusalem et du reste du monde n’apportera pas la paix
Mgr. Fouad Twal, Patriarche latin de Jérusalem
Par bien de côtés Bethléem est devenue la quintessence de la ville palestinienne sous occupation israélienne : sa population est quotidiennement soumise à des chicaneries. Son site historique est défiguré par l’avancée des colonies illégales et par le Mur, qui creuse une profonde entaille à travers tout le pays, détruit ses antiques liens politiques, sociaux, économiques et religieux avec Jérusalem et le reste de la Cisjordanie. Ses perspectives économiques s’assombrissent d’année en année. Pour les habitants de Bethléem et des environs, Noël devient, d’année en année, moins une occasion de fête qu’une raison de réfléchir à l’immense tragédie qui s’est abattue sur la Ville Sainte, patrie d’une des plus anciennes communautés chrétiennes du monde.
C’est un fait : l’occupation israélienne a restreint de façon dramatique la liberté de circulation des Palestiniens ainsi que l’accès aux églises de Terre Sainte. Après l’érection du Mur dans la partie nord de la vile, Bethléem et Jérusalem sont complètement coupées l’une de l’autre.
Le Gouvernorat et la ville sous occupation
Ni le Gouvernorat de Bethléem, ni la ville même ne sont à l’abri des effets destructeurs de l’occupation israélienne et de la colonisation persistante du territoire palestinien. On est devant une politique du fait accompli qui rend impossible la solution à deux États. Israël poursuit sa politique où se mêlent occupation, colonisation et apartheid, pour étouffer et morceler la ville et ses environs immédiats. Cela inclut la confiscation permanente du territoire palestinien pour y construire des colonies israéliennes et le Mur - en violation du droit international. S’y ajoutent des entraves physiques et administratives à la liberté de circulation des Palestiniens par le biais d’un réseau de plus en plus fourni de points de contrôle et de barrages routiers et par un régime punitif de laissez-passer limitant les lieux où les Palestiniens peuvent résider, aller et travailler.
Seuls 13% du territoire du Gouvernorat de Bethléem sont encore sous contrôle palestinien.
- Rien qu’à Bethléem même, l’armée israélienne a érigé 32 barrières - points de contrôle inclus (comportant des tourniquets !!), des rues barrées, des tas de terre en travers de routes et des portails qui font obstacle à la liberté de circulation et à l’accès des marchandises et des personnes. Selon le Rapport international sur la liberté religieuse de 2010 publié par le Département d’État US « le gouvernement israélien a continué durant la période concernée d’appliquer des restrictions à la liberté qui ont sérieusement empêché les chrétiens et musulmans d’accéder aux lieux de culte de Cisjordanie et de Jérusalem. »
Les colonies illégales sont à elles seules au nombre de 17 et des avant-postes sont abondamment disséminés dans tout le Gouvernorat de Bethléem, regroupant au total près de 91 500 colons. Le plus connu est Avigdor Lieberman, le Ministre israélien des Affaires étrangères, qui habite la colonie illégale de Noqdim dans la partie Ouest de la zone de Bethléem.
Dans le cadre de son entreprise de colonisation, l’État d’Israël contrôle militairement un grand nombre de sites historiques palestiniens, dont plusieurs sont enregistrés sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO pour la Palestine. Dans le district de Bethléem on trouve la mosquée Bilal Ibn Rabah [ancien esclave noir devenu le premier muezzin de l’Islam, NdlT], le tombeau de Rachel [deuxième femme de Jacob, mère de Joseph et Benjamin], l’Hérodéion [ou Hérodium ; un ancien palais d’Hérode, monarque de Galilée à l’époque où Jésus est né] et le site archéologique des grottes de Qumrân, où ont été découverts les manuscrits de la Mer Morte. L’UNESCO a récemment confirmé que ces sites étaient palestiniens
Depuis 1993 les Palestiniens doivent être en possession d’un laissez-passer, établi au cas par cas, pour entrer à Jérusalem-Est pour quelque raison que ce soit. Il n’est accordé - s’il l’est- que pour une durée déterminée.
Le taux de chômage à Bethléem se situe à 23% environ, situation due essentiellement à la construction du Mur autour de Bethléem et à la coupure avec Jérusalem, surtout dans le domaine du tourisme, du commerce et de l’agriculture.
Terres annexées par Israël dans le Gouvernorat de Bethléem
En 1967 Israël a annexé environ 10 km2 dans le district Nord de Bethléem, en violation du droit international. Une grande partie de cette terre a été incorporée illégalement à Jérusalem-Est, dont les frontières municipales ont été étendues. La communauté internationale ne reconnaît pas l’extension unilatérale de Jérusalem-Est effectuée par Israël. L’économie de nombreuses villes et villages palestiniens est dépendante de l’agriculture, mais les terres agricoles ont été illégalement confisquées par Israël pour y bâtir ses colonies et leurs infrastructures ainsi que le Mur. Les ville palestiniennes de Beit Sahour, Bethléem, Beit Jala, Walaje, Husan, Battir, Wadi Fukin, Jaba, Nahalin, Artas et El Khader ont perdu 65% de leurs terres situées à l’Ouest du Mur par exemple Beit Jala a perdu près de 50% de son territoire historique, El Khader, 75%.
Le Mur sépare les habitants de Beit Sahour de la plupart de leurs oliveraies, auxquelles les propriétaires ne peuvent se rendre que rarement, et avec une autorisation spéciale de l’armée israélienne, en empruntant certaines portes pratiquées dans le Mur et ouvertes à certaines heures.
En janvier 2009 l’armée israélienne a déclarées les terres situées au Nord du Mur « zone fermée », ce qui signifie que les propriétaires palestiniens ne peuvent y accéder sans laissez-passer israélien.
Les importantes colonies de Gilo, Har Gilo, Har Homa, Betar Illit, Ephrat, Geva’ot und Bat Ayin ainsi que l’extension de Givat Hadagan et Givat Hatamar dans la colonie d’Ephrata sont toutes situées dans le district de Bethléem. Toutes souhaitent s’étendre. En outre on a appris l’existence de plans pour Givat Yael, une nouvelle colonie située sur le territoire d’Al Walaya.
Banksy
La perte de son tourisme, vital pour Bethléem
Au fil des vingt dernières années Bethléem est devenue l’ombre d’elle-même. La ville, naguère ouverte et vivante, n’est plus qu’un ghetto miné par la pauvreté, l’immobilité et l’isolement. Une promenade dans la vieille ville vous fait passer devant une multitude de boutiques fermées, dont les propriétaires, naguère, vendaient leurs marchandises aux Bethléémites et aux touristes. Ces derniers, dans la mesure où un bus les amène encore à Bethléem, y restent exactement deux heures dans le cadre d’une visite qui prévoit expressément ce but, ne passent que peu de temps dans les boutiques, restaurants et hôtels palestiniens - s’ils y entrent- et reviennent dans les hôtels et restaurants israéliens pour y dépenser beaucoup de temps et d’argent. Bref : le potentiel touristique de Bethléem enrichit le secteur touristique israélien. Cette pénible situation est surtout perceptible au moment des vacances et à la saison des fêtes religieuses, de Noël à Pâques, époque où Bethléem devrait attirer le plus grand nombre de touristes.
En rupture avec les accords provisoires bilatéraux palestino-israéliens, (Accords d’Oslo), sur les 185 guides touristiques palestiniens en possession d’une licence octroyée par le Ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités, seuls 40 ont encore le droit de se rendre à Jérusalem, en Israël et sur les sites historiques situés en territoire palestinien sous contrôle israélien. En revanche, 7150 guides israéliens ont un travail à plein temps ou à mi-temps.
Israël continue à construire des colonies et à vendre ses produits aux touristes et pèlerins qui se rendent dans les territoires occupés, minant ainsi l’industrie palestinienne du tourisme.
D’après le Ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités, touristes et pèlerins devraient passer au moins 3 à 4 nuits dans les territoires occupés pour pouvoir contribuer effectivement à la croissance de l’industrie touristique palestinienne.
La politique instaurée par Israël oblige les touristes qui, durant l’année, se rendent à Bethléem, à quitter la ville par le check-point 300, qui ne possède qu’une seule entrée et sortie pour les bus et les autos, à la différence des étrangers qui se rendent dans les colonies situées dans l’espace bethléémite. Cela crée bien sûr des attentes supplémentaires aux points de contrôle pour les Palestiniens, les touristes et les pèlerins. Il est devenu si compliqué de se rendre à Bethléem que nombre de touristes ne prennent plus la peine d’y aller.
Malgré toutes ces entraves et restrictions imposées par l’occupant, le nombre de touristes qui s’attardent dans les Territoires a augmenté.
La mosquée Bilal Ibn Rabah/ Le tombeau de Rachel
À l’entrée Nord de Bethléem se trouve le site historique de la mosquée de Bilal et de la tombe de Rachel. Un lieu important pour les chrétiens, les Juifs et les musulmans. L’armée israélienne n’autorise qu’aux seuls Juifs l’accès à ce site, entouré de hautes murailles, ce qui constitue une violation à la fois des Accords d’Oslo, des conventions de l’UNESCO et du droit international.
Le tracé du Mur s’enfonce de 2 km dans la partie Nord de la commune de Bethléem ; il encercle la mosquée de Bilal et le tombeau de Rachel, affectant tous les Palestiniens du voisinage. 70 à 80 commerces situés dans le périmètre ont dû fermer. Les habitants du quartier où se trouvent la mosquée de Bilal et le tombeau de Rachel sont principalement des chrétiens palestiniens. Ce quartier est désormais enclos par le Mur, obligeant ses habitants à déménager ailleurs dans Bethléem, pour des raisons économiques et psychologiques.
Attrapez-le ! Il veut faire le mur!
Le blocus israélien constitue une gêne pour les fêtes chrétiennes
Selon le Rapport international sur la liberté religieuse de 2010, le Mur gêne énormément l’accès des Bethléémites au tombeau du Christ à Jérusalem et rend difficile aux Palestiniens qui vivent à Jérusalem de se rendre sur les sites chrétiens situés à Béthanie et Bethléem.
Ce rapport constate aussi la gêne que représente le Mur pour les déplacements des prêtres et religieux entre les églises et monastères de Jérusalem et de Cisjordanie, voire entre leur résidence et les lieux de culte où ils célèbrent.
Le Mur gêne également beaucoup les Palestiniens chrétiens et musulmans qui souhaitent assister à la fête du monastère de Saint-Élias [grec orthodoxe, Ndl], traditionnellement célébrée en juin. Beaucoup ne peuvent plus du tout se rendre au monastère, situé seulement à 4 km de Jérusalem.
La deuxième station de la procession de Noël, à laquelle prennent part les patriarches et qui part de Bethléem et passe normalement à quelques mètres de là ne peut plus, depuis l’érection du Mur, suivre ce trajet et attendre là l’arrivée des patriarches.
Les restrictions apportées par Israël à la liberté de circulation des Palestiniens touchent aussi la procession du 15 août, fête de l’Assomption de Marie, qui se termine à l’église du même nom sur le Mont des Oliviers, car il empêche les chrétiens de Bethléem d’y prendre part.
Les restrictions apportées par Israël à la liberté de circulation des Palestiniens touchent aussi la procession du 15 août, fête de l’Assomption de Marie, qui se termine à l’église du même nom sur le Mont des Oliviers, car il empêche les chrétiens de Bethléem d’y prendre part.
À l’occasion de Noël, nous autres Palestiniens adressons un appel particulier à tous les chrétiens du monde : aidez-nous à résister à l’enclosure de la Palestine en général et de Bethléem en particulier. Nous demandons instamment au monde entier de redoubler d’efforts pour ouvrir à Noël Bethléem et le reste de la Palestine occupée aux visiteurs, rétablir les anciennes liaisons entre Jérusalem et Bethléem et apporter à la Palestine la paix et la justice, afin que nous puissions fêter ensemble les jours saints.
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