Avec la nomination du bankster Mario Draghi à la tête de la Banque centrale européenne, bientôt suivie de celle de Mrs. Lagarde à la tête du FMI, les Européens vont avoir de nouvelles raisons de s'indigner.
Bizarreries de l’économie européenne
par Pascual Serrano, 28/6/2011. Traduit par Manuel Talens, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Il est bien connu que la banque d’investissement Goldman Sachs – avec Morgan Stanley – a volé la vedette de la crise financière qui a commencé aux USA en 2008. Pour éviter sa faillite, en septembre de la même année la Réserve fédérale usaméricaine décida la transformer en une banque commerciale et elle reçut dix milliards de dollars des fonds publics. En avril 2010, la Commission des Opérations de Bourse des USA a accusé Goldman Sachs de fraude dans l’affaire des crédits hypothécaires à haut risque (subprime). Goldman Sachs doit encore répondre devant la justice pour avoir émis des obligations de dette contre des valeurs supportées par des crédits hypothécaires à haut risque et les avoir vendues à ses clients comme si elles étaient un bon investissement. Les autorités boursières usaméricaines calculent que les naïfs investisseurs de Goldman Sachs ont perdu autour de 740 millions d’euros (El País, 17/4/2010).
En outre, Goldman Sachs avait eu auparavant un rôle central en aidant la Grèce à cacher le déficit budgétaire de son gouvernement à l’Union européenne, aux marchés financiers et à l’opinion publique. Goldman Sachs avait concocté avec la Grèce des complexes magouilles financières par lesquelles elle avançait des fonds au gouvernement grec en échange de futures sources de revenus comme des taxes d’aéroport. C’était en fait une sorte d’emprunt, mais l’échange avait permis au gouvernement grec d’éviter que l’argent emprunté soit comptabilisé comme tel, ce qui aurait fait grimper son déficit budgétaire au-dessus des limites permises dans la zone euro (The Guardian, 20-4-2010). Mais Goldman Sachs a fait d’autres affaires avec la Grèce : elle a négocié des placements d’obligations de la dette grecque pour un montant approximatif de 15 milliards de dollars (environ 11 milliards d’euros) après une permutation de devises étrangères, ce qui avait permis au gouvernement d’Athènes de cacher le vrai montant de son déficit. Selon les données de l’agence de nouvelles financières Bloomberg News (El País, 18-2-2010), depuis 2002 Goldman Sachs a gagné approximativement 735 millions d’euros avec le placement d’obligations de la dette grecque.
Mais pourquoi est-ce que je raconte ça ? Parce qu’entre janvier 2002 et janvier 2006, pendant qu’on mijotait toutes ces tambouilles financières, le vice-président de Goldman Sachs était un dénommé Mario Draghi. Oui, celui-là même que les dirigeants de l’Union européenne viennent juste de nommer président de la Banque Centrale européenne à l’occasion d’un sommet à Bruxelles. Il exercera cette fonction entre le 1er novembre 2011 et le 31 octobre 2019. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a affirmé que Draghi « exercera un leadership fort et indépendant » dans l’institution « en poursuivant la tradition établie par ses prédécesseurs ».
Encore une dernière bizarrerie : rappelons-nous que les citoyens d’Islande ont décidé par référendum qu’ils n’étaient pas prêts à accepter que leur État assume le paiement de 3,7 milliards d’euros à des banques privées du Royaume-Uni et de la Hollande. Le gouvernement islandais, qui avait défendu l’option du paiement, en fut fort marri et argumenta que le pays ne pourrait plus accéder aux marchés financiers. Cependant il n’a eu aucun problème pour placer des obligations de dette à cinq ans à un intérêt de 4,875% (Público, 11-6-2011). Il est curieux de constater que d’autres gouvernements plus soumis aux marchés se verront obligés d’accepter des taux d’intérêt plus élevés pour que les investisseurs s’intéressent à leurs obligations de dettes et les achètent : les obligations irlandaises s’achètent à un taux d’intérêt de 15% et les grecques de 25%. Même l’État espagnol paiera plus d’intérêt que l’État islandais : 5,6%. Même si tu es servile, les marchés ne te récompensent pas. Avant, après I et II, par Tchavdar
Goldman Sachs prend officiellement la tête de la BCE
Mario Draghi, ancien Président de Goldman Sachs Europe, prend aujourd'hui la présidence de la Banque centrale européenne. Il présidait la banque d'affaires américaine au moment où celle-ci, dans les années 2000, aidait la Grèce à maquiller ses comptes publics. Son rôle va être de préserver les intérêts des banques dans l'actuelle crise européenne.
On pouvait jusqu'ici s'interroger sur les raisons qui poussaient la BCE et Jean-Claude Trichet à s'opposer de façon virulente – y compris face à la chancelière allemande – à toute idée d'une quelconque restructuration de la dette grecque.
Cette attitude semblait incompréhensible puisque tous les analystes, y compris les économistes des banques, s'accordent à considérer que la Grèce ne pourra pas assurer le service de sa dette dans les actuelles conditions contractuelles. Un rééchelonnement, voire une annulation partielle semblent de l'avis général inévitable. Vouloir retarder l'échéance ne fait qu'aggraver les dégâts économiques et sociaux provoqués par les plans d'austérité brutaux et impopulaires imposés aux Grecs.
Le nomination de M. Draghi clarifie donc les choses. La BCE défend non pas l'intérêt des citoyens et contribuables européens, mais l'intérêt des banques. Une étude britannique citée hier par Les Echos a le mérite de quantifier clairement le processus en cours. Cette étude indique que grâce aux « plans de sauvetage » de la Grèce et au « mécanisme européen de stabilité » mis en place par la BCE, le FMI et l'Union, « la part de dette hellénique aux mains des contribuables étrangers passera de 26 % à 64 % en 2014. Cela veut dire que l'exposition de chaque foyer de la zone euro va passer de 535 euros aujourd'hui à 1.450 euros ».
Le « sauvetage » de la Grèce est donc en fait une gigantesque opération de socialisation des pertes du système bancaire. Il s'agit de transférer l'essentiel de la dette grecque – mais aussi espagnole et irlandaise – des mains des banquiers vers celles des contribuables. Il sera ensuite possible de faire assumer les frais de l'inévitable restructuration de ces dettes par les budgets publics européens.
Comme le disent les Indignés espagnols, « ce n'est pas une crise, c'est une escroquerie ! ». Le Parlement européen a voté hier le « paquet gouvernance » qui réforme le pacte de stabilité en renforçant les contraintes sur les budgets nationaux et les sanctions contre les pays en infraction. Le Conseil européen réuni aujourd'hui et demain va parachever le travail. Et ce n'est pas la prochaine nomination de Christine Lagarde à la tête du FMI qui réduira l'emprise des banques sur les institutions financières internationales, bien au contraire.
Heureusement les résistances sociales et citoyennes vont croissant dans toute l'Europe. Gouverner pour les peuples ou pour la finance ? La réponse est aujourd'hui claire: il va falloir que les peuples européens reprennent la main, pour construire ensemble une autre Europe. Les Attac de toute l'Europe organisent du 9 au 13 août une Université européenne des mouvements sociaux à Fribourg, en Allemagne. Ce sera cet été l'un des lieux majeurs de coordination des résistances et de constructions des alternatives européennes.
La punition de Prométhée, par Andrea Zamponi
Coup d’État silencieux à Bruxelles
Le 19 juin 2010, un jour après que le Conseil européen eut adopté le paquet sur la gouvernance économique européenne, le président de la Commission, José Manuel Durão Barroso, lors d’une conférence à l’Université Européenne de Florence a qualifié de « révolution silencieuse et graduelle » les mesures de contrôle et de discipline économique et financière imposées aux États membres. « Quelquefois en Europe les petits pas sont les plus importants. Lisez attentivement les conclusions du Conseil européen d’hier, s’il vous plaît. Il s’agit d’une révolution silencieuse, d’une révolution silencieuse qui cherche de façon graduelle une gouvernance économique plus forte. Les États membres ont accepté – et je suppose qu’ils l’ont compris correctement – de donner des pouvoirs très importants aux institutions européennes quant à la surveillance [économique] et un contrôle beaucoup plus strict des finances publiques. Cela est arrivé hier. Ils ont accepté le principe, bien sûr. Maintenant c’est à nous de légiférer. », a dit Barroso.
Le président de la Commission faisait référence au développement du Semestre Européen, c’est-à-dire le programme de surveillance budgétaire nationale qui oblige les États à présenter leurs programmes économiques, y compris les lignes générales de leurs comptes, à la Commission et au Conseil avant de les soumettre à leurs parlements respectifs pour discussion.
La machinerie néolibérale européenne, impulsée par les populaires, les sociaux-démocrates et les libéraux, a concocté trois pactes : 1) le Pacte de stabilité et de croissance, 2) le Pacte de réforme structurelle et 3) le Pacte de l’euro, que la Commission et le Conseil veulent imposer aux citoyens européens représentés par les parlements nationaux.
Contrairement à ce que prétend Durão Barroso, le caractère obligatoire de ces mesures est un véritable coup d’État silencieux de Bruxelles contre les souverainetés nationales, par le biais de la présentation préalable des « Programmes nationaux de réforme », qui sont le déploiement de la Stratégie Europe 2020, laquelle à son tour est la continuation de la Stratégie de Lisbonne (qui prévoyait une croissance annuelle du 3% et la création 20 million de nouveaux emplois en janvier 2010) qui a été un échec.
Depuis Bruxelles, ce coup d’État cherche à démanteler l’Etat social européen et à uniformiser les critères pour attaquer les salaires (flexibilisation de la main-d’œuvre, destruction de la négociation collective), réduire radicalement les effectifs et les salaires de la fonction publique, retarder l’âge de la retraite, privatiser le système de retraites et parachever le processus de démantèlement progressif des services publics.
La gouvernance économique européenne (la concrétisation des trois pactes) est contraire à un véritable gouvernement démocratique de l’économie, indispensable au redressement de la construction européenne pour atteindre la cohésion sociale et territoriale et le bien-être des gens.
Ce n’est pas par hasard qu’on rejette la nécessité d’avancer dans le gouvernement démocratique de l’économie européenne, car cela impliquerait la mise au point d’une architecture politique complétement différente et la définition d’une orientation économique conçue par et pour les citoyens européens sur la base du contrôle exclusif des souverainetés nationales et européenne.
La structure actuelle de la politique européenne invite de plus en plus les citoyens à se distancer des institutions, car ils perçoivent que la détérioration de leurs conditions de vie est due à cette pluie acide favorisée par le Consensus de Bruxelles (une réplique du Consensus de Washington, basé sur les principes de la privatisation, la dérégulation de la main-d’œuvre et la non-intervention publique dans l’économie). Le Consensus de Bruxelles s’occupe exclusivement de garantir la libre circulation de marchandises et l’accumulation de grands capitaux et grandes fortunes en attaquant les salaires et le bien-être des Européens.
D’un côté la main de fer qui cherche à imposer ces ajustements provoque la réaction syndicale européenne avec des grèves générales et devient une invitation à coordonner des actions paneuropéennes, tel que l’indique le Manifeste d’Athènes de la Confédération des syndicats européens ; de l’autre côté elle provoque l’indignation et la rébellion de ceux qui ne se résignent pas à assister à cette marche arrière de l’horloge de l’histoire.
L’européisme militant doit exiger de soumettre à un référendum paneuropéen toutes ces réformes et mesures d’ajustement qui envahissent les souverainetés nationales, pour que ce soit le peuple européen qui approuve ou désapprouve cette dérive antisociale et par conséquent antieuropéenne.
Le peuple islandais a décidé par référendum qu’il ne doit pas payer les pots cassés des irresponsabilités et des erreurs de ses banques et a mis en examen l’ex- Premier ministre conservateur Geir H. Haarde, accusé de négligence face à la crise qui a conduit l’Islande à la faillite.
Quand la démocratie l’emporte et les peuples disent leur opinion, les choses peuvent être remises à leur place. Face au coup d’État silencieux contre les acquis sociaux européens un référendum devient indispensable.
Hayati
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