par Aziz Zemouri, Le Point, 29/9/2011
Adel, Tunisien de 23 ans, a survécu à l'incendie qui a fait six victimes mercredi. Insalubre, l'immeuble était occupé par des Tunisiens et des Égyptiens.
L'incendie d'un squat à Pantin a fait six morts. © Johanna Leguerre / AFP
Six personnes, des ressortissants tunisiens et égyptiens, sont mortes mercredi matin dans l'incendie d'un immeuble qu'elles squattaient à Pantin, à la limite du 19e arrondissement Paris. "Les victimes sont décédées par asphyxie ou carbonisées, quatre personnes ont été très légèrement blessées en sautant par la fenêtre du premier étage", avait indiqué la procureur de la République de Bobigny, Sylvie Moisson.
Adel, 23 ans, résidait dans le bâtiment qui a pris feu. Il était arrivé de Tunisie en avril dernier via Lampedusa, avec un titre de séjour délivré par l'Italie qui lui permettait de circuler six mois au sein de l'espace Schengen. Le jeune homme a échoué dans ce squat de Pantin après que les structures d'hébergement ont été fermées aux réfugiés tunisiens à la fin de l'été.
"Vous êtes les bienvenus"
L'incendie s'est déclaré vers 5 heures du matin : "J'avais quitté l'immeuble vers 22 heures. Je fais la queue devant la préfecture de Bobigny pour des immigrés, je leur cède ma place contre 20, 30 ou 40 euros, c'est comme ça que je gagne de l'argent. C'est mon boulot." C'est grâce à cette activité que le jeune homme a échappé aux flammes.
"Nous n'avions ni eau ni électricité. On se déplaçait avec des bougies. Le squat était délabré, il manquait des marches pour accéder aux étages, témoigne Adel. Selon le jeune homme, jusqu'à trente personnes s'entassaient dans l'immeuble : "Celui qui a ouvert le squat est mort dans l'incendie. Il nous disait Tant qu'il y a de la place pour s'allonger, vous êtes les bienvenus ! Ces derniers temps, ajoute-t-il, il y avait pas mal de conflits entre squatteurs, mais, le jour du drame, c'était calme."
La police et la mairie étaient au courant
Le bâtiment abritait des Tunisiens et deux Égyptiens, décédés dans l'incendie. "Il n'y avait pas de Libyens, explique Adel. Certains d'entre nous disaient à la police qu'on était de Libye, cela permettait d'obtenir une autorisation provisoire de séjour de sept mois. À croire qu'il n'y a que les Tunisiens à être maltraités par la France", s'indigne-t-il. Adel est originaire de Ben Guerdane, situé à 30 kilomètres de la frontière libyenne.
Selon lui, tout le monde connaissait la situation : "Le propriétaire nous prévenait avant l'arrivée de la police. Elle est venue au moins trois fois avant la tragédie, et la mairie également."
Plainte contre X
Samia Maktouf, avocate au barreau de Paris, a d'ailleurs décidé de déposer une plainte contre X pour homicide involontaire et non-assistance à personne en danger. Elle vise toutes les personnes au courant de la situation de danger que vivaient les squatteurs et qui n'ont rien fait pour les protéger. Selon elle, le ministre de l'Intérieur fuit ses responsabilités : "Les réfugiés tunisiens ne sont pas arrivés en France par des filières clandestines, contrairement aux propos qui ont été tenus sur les lieux du drame. Le discours de Claude Guéant est à but électoraliste sans rapport avec la réalité", déclare-t-elle au Point.fr. "La Tunisie a ouvert ses bras à près de 200 000 réfugiés libyens quand à peine 20 000 Tunisiens sont arrivés en France. Ils ont été traités sans ménagement, chassés et dispersés par la volonté du ministère de l'Intérieur pour que personne ne leur vienne en aide. Malgré les efforts de la mairie de Paris, ils se retrouvent dans des squats insalubres", explique-t-elle.
Les corps des six personnes n'ont pas encore tous été identifiés. Une enquête a été ouverte par le parquet de Bobigny.
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