par Rabha Attaf, 16/3/2012
Un an, 8500 morts, 200 000 déplacés, 30 000 réfugiés, après le début de la révolte populaire syrienne - bilan provisoire dont il faudra un jour clairement établir les multiples responsabilités- la Communauté internationale semble tergiverser quant aux mesures à prendre pour contraindre le président Bachar Al Assad à stopper sa sanglante répression. Résultat : devant ce qui apparait à première vue comme une valse-hésitation de l’Occident, l’héritier dictateur a appliqué son propre calendrier transitionnel -avec notamment le vote d’une nouvelle constitution et des élections législatives prévues en juin- tandis que l’armée syrienne, appuyée de miliciens réaffirme chaque jour sa puissance de feu, notamment dernièrement, par les prises de Homs et d’Idlib en un temps- éclair.
Acculé à défendre son régime, Bachar Al Assad est soutenu par une partie non négligeable de la population : les Syriens craignant d’être massacrés par les vainqueurs en cas de chute du régime et ceux opposés à une intervention étrangère, de peur de subir le sort des Irakiens ou des Libyens.
On ne saurait les en blâmer ! Car il faut reconnaitre cette réalité de plus en plus manifeste malgré l’écran de fumée érigé par les médias occidentaux : ce qui a commencé par un soulèvement populaire le 15 janvier 2011, est devenu au fil des mois, une insurrection armée parrainée. Avec notamment le soutien financier de la Turquie et de l’Arabie Saoudite, ainsi que la fourniture d’armes par Israël. Sans oublier la présence active, pendant plusieurs mois, des forces spéciales de l’OTAN - françaises et anglaises- sur le terrain, aux côtés de l’opposition armée. Présence reconnue par une source militaire britannique, comme le rapporte Michel Chossudowsky du Centre pour la Recherche sur la globalisation*. Cette information “sensible” a aussi été confirmée par les “fuites” issues du think thank Stratfor, un organisme financé par le Pentagone, et mises en ligne fin février par Wikileaks.
Pas étonnant donc que l’Iran, la Russie et la Chine, affichent leur soutien au régime syrien -ces deux derniers pays bloquant, par leur veto systématique, toute résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui pourrait donner le feu vert a une intervention militaire en Syrie. Les Iraniens, pour leur part, savent qu’après la Syrie, ils seront les prochains dans la ligne de mire. La campagne d’intoxication menée contre l’Iran par les médias occidentaux et les principaux leaders de l’Union européenne ne laisse en effet planer aucun doute, même si les “fuites” Wikileaks, toujours issues de Statfor, révèlent qu’en novembre 2011, “des commandos israéliens, en collaboration avec les forces kurdes, ont détruit quelques installations souterraines utilisées principalement pour la défense iranienne et les projets de recherche nucléaire”**. Quant aux Russes et aux Chinois, ils savent pertinemment que le dessein de l’impérialisme US est d’asseoir sa domination, une fois l’Iran “neutralisé”, sur le golfe Persique et l’Asie centrale, deux régions riches en pétrole et donc vitales pour l’économie américaine.
Principaux soutiens à cette politique dans la région : les pétromonarchies du Golfe, menées en particulier par l’Arabie Saoudite et le Qatar dans un concert de diabolisation de Bachar Al Assad, ont obtenu que la Ligue arabe suspende l’adhésion de la Syrie, tout comme elle l’avait fait pour la Libye avant l’intervention militaire de l’OTAN. Inquiétant quand on sait que les populations civiles n’ont pas été épargnées ! Des lors, l’insistance de la Turquie sur l’ouverture de “couloirs humanitaires” destinés à mettre sous protection les populations civiles ne trompe personne… les droits humains étant souvent instrumentalisés pour masquer des opérations purement militaires.
Il est incontestable que Bachar Al Assad devra un jour, comme de nombreux autres dictateurs de la région, répondre de violations des droits humains mais aussi de décennies de blocage des réformes politiques. Mais il n’en demeure pas moins que derrière l’escalade croissante de l’intervention américaine en Syrie, se profile la préparation d’une guerre beaucoup plus vaste, aux conséquences globales.
Dès lors, l’opposition politique syrienne, notamment le Conseil National Syrien et la Coordination des comités locaux, doit donc rester vigilante et réaffirmer haut et fort la volonté des Syriens de demeurer un peuple souverain. Au risque de voir la Syrie, dans un avenir proche, devenir un protectorat US, au même titre que l’Afghanistan et l’Irak.
* Michel Chossudovsky, www.globalresearch.com
** Wikileaks Stratfor e-mails, The global intelligence files, February 27th 2012
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