vendredi 18 juillet 2008

Dans la Colombie d'Uribe, la mort d'un communiste est un banal fait divers

Guillermo Rivera Fúquene a été assassiné.
C’est, dans la Colombie d’Alvaro Uribe et de sa politique de « sécurité démocratique » proclamée en 2002, un banal fait divers, dont vous ne trouverez aucune trace dans votre journal habituel : un homme disparaît un beau matin en pleine capitale, après avoir conduit sa fille à l’autocar scolaire. Sa famille, ses amis, ses collègues, ses camarades remuent ciel et terre pour le retrouver. En vain. Puis on le retrouve 86 jours plus tard, dans une tombe anonyme à 125 kilomètres de l’endroit où il vivait.
Selon les premiers éléments de l’enquête, Guillermo Rivera Fúquene a été assassiné et enterré sous X. le 28 avril dernier, six jours après son enlèvement dans le quartier d’El Tunal à Bogotá. Un témoin qui a préféré rester anonyme et ne pas déposer devant le procureur chargé de l’enquête a dit avoir vu une patrouille de police interpeller Rivera et partir avec lui. Des bandes de caméras vidéo de surveillance montrent une forte présence policière dans le quartier et au moment où il a disparu.
Guillermo Rivera avait 52 ans. Cet économiste travaillait depuis longtemps aux services du Contrôle financier*de la capitale et il était président du Syndicat des services publics de Bogotá (SINSERPUB). Il avait été actif dans la campagne contre le référendum de 2003 qui visait entre autres à la disparition de cet équivalent colombien de la Cour des Comptes. Rivera était aussi président de la junte d’action communale du quartier San Vicente de la localité de Tunjuelito, président du syndicat de copropriétaires de la résidence où il vivait et…militant politique.Rivera était un communiste. Membre du Parti communiste colombien depuis


plus de vingt ans, il militait au sein du Pole démocratique alternatif créé par le parti avec des sans-parti. Dans sa jeunesse, il avait été assesseur de conseillers municipaux élus de l’Union patriotique, ce mouvement né dans l’euphorie de « l’ouverture » lancée en 1984 par le président Betancourt , qui avait conduit des guérilleros des FARC à rentrer dans le jeu politique électoral. Cette aventure coûta cher à la gauche colombienne, qui eut 5 000 morts dans les années 80. Un vrai bain de sang.

Les proches et camarades de Rivera ont créé bien sûr un Comité dès la fin avril pour réclamer que la justice enquête sur cette disparition. Ils ont manifesté, fait des délégations, déposé des demandes d’habeas corpus (bien sûr rejetées).
Cela n’a servi à rien. Le 15 juillet, le corps de Guillermo Rivera Fúquene a été retrouvé dans un cimetière d’Ibagué. Loin de Bogotá, loin d’El Tunal où sa femme Sonia et ses deux filles savent que Guillermo ne rentrera plus à la maison.

*La Contraloría General de la República de Colombia a été créée en 1923, en remplacement de la Cour des Comptes, sur recommandation de la mission d’experts US dirigée par l’économiste de Princeton
Edwin Walter Kemmerer, à la demande du gouvernement colombien qui estimait avoir besoin d’aide pour savoir comment gérer le paiement par les USA de la perte de Panamá. Devenue une institution constitutionnelle en 1945, la Contraloría est aujourd’hui un organisme autonome et indépendant dont la fonction est de surveiller la gestion des revenus fiscaux de l’État et, plus généralement, la gestion de tous les fonds publics. Un des volets du référendum « pot-pourri » d’octobre 2003 concernait la suppression de cet organisme, mais Uribe connut un échec, puisque moins des 25% d’électeurs requis répondirent à son appel à voter.

Fausto Giudice, rédacteur de Basta !
La session finale du Tribunal permanent des peuples sur la Colombie a lieu du 21 au 23 Juillet à Bogotá. Lire ici

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