À la Biennale d'art de Venise cette année il y a deux installations qui reflètent très bien le moment par lequel passe l'UE. Mike Nelson a travaillé trois mois pour restructurer le pavillon permanent du Royaume-Uni. Le visiteur est accueilli par deux portes branlantes et un couloir qui devient un labyrinthe et le transporte d' un espace vers l’autre à travers une maison désolée, délabrée, écaillée, mise à sac, poussiéreuse et étouffante. Le visiteur est désorienté, ébranlé, angoissé par cette déchéance et n’a qu’une hâte : sortir.
La métaphore du pavillon grec est encore plus synthétique. L'artiste Diohandi a emballé le pavillon permanent pour donner l'idée que le pays n’est plus réformable, qu'il n'est qu' une caisse. A l'intérieur de cette installation baptisée Beyond Reform (Au-delà de la réforme), le visiteur trouve un espace inondé et une lumière - une obscure espérance – le guide par une passerelle vers la sortie.
Un groupe d'artistes appelé Anon Stateless Immigrants (Immigrés anonymes apatrides) a donné une touche finale avec des graffitis dignes du meilleur Banksy qui intensifient le contenu politique de l'installation: la Grèce est déjà emballée et vendue (Sold out).
Quittons la Venise européenne qui continue à s'enfoncer pour entrer dans le Colisée de Rome, où le visiteur est attendu par une exposition sur Néron, l'empereur lascif, glouton, chanteur, amoureux de spectacles et de palais, juste au moment où Berlusconi - lascif, glouton, chanteur, amoureux de spectacles et de palais-, est plus éclaboussé que jamais par des scandales pornopolitiques. Cette double décennie berlusconienne se termine également par des grandes soldes. Le Financial Times a rapporté cette semaine une réunion entre Lou Jiwei, président de la China Investment Corp, l'un des plus gros fonds souverains au monde, et le ministre italien de l'Economie Giulio Tremonti, , celui-là même qui proposait en 2003 des barrières protectionnistes contre la Chine.
En deux mots, il est maintenant prévu de vendre une partie des deux géants ENI et ENEL, ainsi qu'une partie du patrimoine public immobilier afin de réduire le fardeau de la dette publique, qui atteint déjà les 2 000 milliards d’€. Les acheteurs potentiels seraient les BRIC, la Turquie et les pays du Golfe, riche en pétrodollars [1].
Le monde change. La vieille Europe, bien emballée, devient une marchandise alléchante pour les nouveaux riches du monde, tandis que les anciens nouveaux riches voient leurs anciennes possessions en danger de changer de mains, qu’ils le veuillent ou non. Lors de la réunion d’hier des ministres de la Zone euro on a ignoré les conseils de Geithner, secrétaire au Trésor U. S., qui appelait à un élargissement du Fonds de sauvetage européen et mettait en garde contre l’effet domino d’une faillite grecque. La Voix de son maître est triste et solitaire comme celle de Dirk Bogarde dans Mort à Venise, tandis que la Chine parle d'un ton ferme, vibrant et énergique.
Wen Jiabao a déclaré à l'ouverture du Forum économique mondial dans la ville côtière de Dalian : «La Chine continuera à développer ses investissements en Europe» (rappelez-vous les bons espagnols, le port grec du Pirée, le hub hongrois). Mais le Premier ministre chinois a mis une condition: «Ces pays devraient d’abord mettre de l’ordre dans leur maison». Puis, sur un ton amical musclé, il a demandé : «En conformité avec les règles de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce), le statut d'économie de marché à part entière de la Chine sera reconnu en 2016. Si les pays de l'UE peuvent démontrer leur sincérité quelques années avant, ce serait le reflet de notre amitié ».
Après la réunion des ministres de la Zone euro hier, nous savons que la Grèce restera dans le même emballage au moins jusqu’en octobre. Il semble que l'Italie sera la prochaine bonne occasion sur le marché, et les BRIC se réuniront la semaine prochaine à Washington pour "parler de ce qu'ils peuvent faire pour aider l'UE à sortir de cette situation".
Les maîtres du monde changent ; mais pas encore le système qui le régit.
Les maîtres du monde changent ; mais pas encore le système qui le régit.
Notes
1. Tremonti vara il piano “Britannia 2”, Il Sole 24 ore, 13-9-2011, p. 14
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