par Gilad Atzmon, 20/9/2011. Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Ceux qui suivent la presse hébraïque et comprennent l'État juif peuvent être quelque peu intrigués de découvrir que, alors que la presse en hébreu n’accorde que peu d'attention, lui donnant une place insignifiante, à la campagne actuelle des dirigeants actuels palestiniens en faveur de la reconnaissance de leur État, les médias israéliens de langue anglaise sont saturés d’informations sur la perspective d'une résolution pro-palestinienne à l'ONU la semaine prochaine.
Si vous voulez comprendre ce décalage évident entre la presse juive en hébreu et en anglais prises, il reflète clairement une scission dans la psyché collective juive.
Je suppose que certains peuvent être surpris d'apprendre qu’ Israël et les Israéliens veulent réellement que l'initiative palestinienne aille de l'avant et soit couronnée de succès. Ils veulent un État palestinien, car c'est la seule solution qui permettrait de sauver “l'État des seuls Juifs” d'un effondrement démographique.
De récents sondages en Israël prouvent que la majorité des Israéliens sont très excités au sujet de la «solution à deux États». Non seulement les Israéliens ne se sentent pas menacée par l'idée d'un État palestinien, mais ils l’aiment réellement, car cela permettrait d’installer leur réalité dans le cadre du droit international. Il faut aussi se rappeler que le parti Kadima, qui a remporté les deux dernières élections en Israël, a été et est encore attaché au «désengagement», une séparation claire entre les «Juifs» et les Palestiniens par le biais d’un retrait unilatéral israélien. En d'autres termes, un État palestinien atteint exactement le même objectif : il exonère les Israéliens de toute responsabilité quant aux territoires qu’ils ont autrefois occupés et détruits. Il est évident que certains éléments en Israël s'opposent à l'initiative palestinienne à l'ONU: Je suppose que le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman n'est pas trop heureux à ce sujet. Les colons de Cisjordanie peuvent également être très en colère, mais pour quelque raison, même eux sont relativement calmes ces jours-ci.
Et pourtant, le lobby juif dans le monde entier s'oppose totalement à l'initiative palestinienne à l'ONU: il s’en tient clairement à l’ image très simpliste d'un État juif expansionniste du «fleuve [le Jourdain, NdT] à la mer». Et à ce qu’ il semble, il ne va pas renoncer à son rêve de sitôt.
Ce que nous voyons ici en pratique, c’est une crise d'identité claire ou même un clivage schizophrénique entre les aspirations des sionistes israéliens et de ceux de diaspora. Alors que les Israéliens sont en train de revenir à la vieille attitude du ghetto juif, préférant se serrer, rester ensemble et s'entourer de vastes et impénétrables murailles de béton, le discours de la diaspora juive sioniste récit est axé sur la confrontation, belliqueux, va-t-en guerre militant et expansionniste. Ils veulent le tout, avec ou sans les Palestiniens.
Une fois encore, nous remarquons qu’Israël et le sionisme ont évolué en deux discours séparés et opposés. Alors qu'Israël cherche à maintenir son identité racialement orientée par une politique de ségrégation, le discours sioniste en diaspora continue d’insister sur une résolution de la question juive par les moyens d'un conflit sans fin.
Mais jetons un regard sur l'Amérique; essayons de comprendre comment l’ “unique superpuissance” mondiale traite ce dispositif judéocentrique schizophrène.
Le président Obama et son administration sont évidemment très confus. D'une part, ils sont soumis à certaines pressions incessantes infligées par le lobby juif. Le Lobby ne laisse pas une grande marge de manœuvre à l'administration US. Mais d'autre part, aussi bien l'administration US que le gouvernement israélien se rendent compte que, en ce qui concerne Israël et sa “sécurité”, l'initiative palestinienne à l'ONU n'est pas une si mauvaise idée. De fait, Israël ne peut pas rêver mieux.
Il est clair maintenant que le président Obama ne va pas être sauvé par l'un des soi-disant "meilleurs amis de l'Amérique». Pour l'AIPAC [American Israel Public Affairs Committee] et le Lobby, Obama est un instrument. À ce jour le lobby a l’habitude de considérer les politiciens US comme des marionnettes serviles. Israël, d'autre part, ne va pas sauver l'Amérique non plus. Il est trop suspicieux vis-à-vis de l'administration US actuelle. Israël en a même carrément assez de l'actuelle administration US. Il serait heureux de voir Obama battu.
En conséquence, l'administration US se dirige tout droit vers une humiliation inévitable à l'ONU. Elle aura à opposer son veto à une décision votée par de nombreux alliés des USA. Ceci est clairement un désastre pour Obama. Et pourtant, un seul homme peut sauver l'Amérique de son destin funeste. Cet homme n'est autre que le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Seuls Abbas et l'Autorité palestinienne peuvent sauver la mise aux USA.
Mais le sens de tout cela est aussi très embarrassant. Cela signifie que le président palestinien Mahmoud Abbas (qui est une figure relativement faible dans la politique palestinienne tout comme dans la diplomatie internationale) est la seule personne qui peut sauver notre “unique superpuissance” mondiale d'un fiasco diplomatique.
Je n’arrive pas à décider si c'est drôle ou triste, mais laissez-moi vous dire que c’ est certainement volatile.
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