par Wacław Radziwinowicz, Gazeta wyborcza, 30/6/2012
Original: Nie chcą współpracować z Putinem
Deutsch: Der russische Menschenrechtsrat will nicht mit Putin zusammenarbeiten
Original: Nie chcą współpracować z Putinem
Deutsch: Der russische Menschenrechtsrat will nicht mit Putin zusammenarbeiten
Un groupe d’éminents défenseurs des droits humains dont Dimitri Medvedev avait fait ses conseillers, refuse de collaborer avec Vladimir Poutine. Ils n’entendent pas servir de feuille de vigne à un gouvernement qui lèse grossièrementla société.
Parmi ses 40 membres, le « Conseil pour le développement de la citoyenneté de et des droits humains » qui s’était constitué sous la précédente présidence comptait encore d’illustres dissidents et des opposants libéraux, dont Lyudmila Alexeyeva, 85 ans, une figure de prouedu mouvement anticommuniste à l’époque soviétique ainsi qu’Igor Jurgens, directeur de l’Institut présidentiel pour la société civile, qui avait élaboré de hardis projets de réforme à l’intention du Président Medvedev. À l’heure actuelle cette équipe de stars est en semi-déroute et pourrait se dissoudre très prochainement.
Lyudmila Alexeyeva Igor Jurgens
Scandales indignes et déstalinisation
Le choix effectué par Medvedev pour ses conseillers autorisait à espérer en Russie, sous le mandat du jeune Président, d’importants changements qui rompraient avec le passé stalinien et octroieraient de larges droits à la société civile.
Le Conseil s’est penché sur des problèmes gênants pour le gouvernement. Il avait mis en place un groupe d’avocats qui a entrepris une analyse en profondeur de la condamnation à 13 ans de prison du propriétaire du conglomérat pétrolier Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski , naguère la première fortune russe et adversaire de Poutine. Ce groupe est parvenu à la conclusion que la condamnation prononcée contre l’oligarque l’avait été en violation du droit et de la loi et a établi une liste de prisonniers qu’on proposait a à Medvedev de gracier.
Le Conseil a également décortiqué l’un des plus honteux scandales de ces dernières années, la mort tragique de Sergueï Magnitski à la prison moscovite « la Paix du Marin » (Matrozka Tichina). Il se dit que l’avocat de la fondation Hermitage Capital a été torturé et poussé au suicide par une mafia constituée d’avocats, de miliciens, de juges, d’inspecteurs des finances et de leurs protecteurs politiques, des proches de Poutine, qui avaient volé à sa firme 230 millions de dollars US. Les défenseurs des droits humains ont recommandé à Medvedev de faire procéder à une enquête approfondie et d’obtenir une sanction exemplaire contre les coupables de cette mort, qui restent intouchables et se vautrent dans le luxe (chose que l’on ne pourrait se permettre avec une retraite de fonctionnaire).
Ces propos avaient déjà dérangé le précédent Président. Il a reproché à ses conseillers de trop se préoccuper de Magnitsk et Chodorkovski « comme s’il n’y avait qu’eux en Russie». Mais il acceptait volontiers leurs rapports, même s’il suivait rarement leurs conseils.
Conformément à la certitude qu’il s’agissait là de leur tâche la plus normale et la plus importante, les conseillers établirent un programme ambitieux de déstalinisation de la vie sociale russe.
Il proposèrent d’introduire dans tous les manuels d’histoire des paragraphes exposant l’étendue et les mécanismes des crimes bolcheviques. Ils annoncèrent que progressivement, lorsque la société serait tout entière au courant des massacres et déportations pratiqués sous le communisme, les rues et places cesseraient de porter les noms des criminels du régime et que la momie de Lénine serait enlevée du mausolée de la Place rouge et enterrée dans un simple cimetière.
Ils établirent aussi un plan général de rénovation des cimetières de victimes des goulags et de création de musées consacrés aux personnes assassinées par les sbires et bourreaux de Staline.
Medvedev se familiarisa avec ces propositions au cours de rencontres avec le Conseil et se mit peu à peu à les accepter.
Aujourd’hui, ce travail n’a plus de sens !
Le groupe de conseillers a commencé à se déliter depuis quelque temps déjà. Les premières à le quitter furent Irina Yasina, l’économiste et publiciste bien connue, et la journaliste de télévision Svetlana Sorokina, en décembre 2011. Elles protestaient contre la falsification des résultats aux élections législatives et la version officielle selon laquelle le parti de Poutine, « Russie unie », les aurait remportées. Entre décembre 2011 et le 30 juin 2012, 17 personnes ont quitté le Conseil, dont Jurgens et Alexeiva, et d’autres encore y songent. « Si seulement deux personnes de plus remettent leur démission, le quorum nécessaire n’est plus atteint et l’équipe sera automatiquement dissoute », a déclaré le Président du Conseil, Mikhaïl Fedotov, dans une interview au journal Gazeta Wyborcza.
Mikhaïl Fedotov
« Chacun de nous est responsable d’un domaine concret», dit le politologue Dimitri Orechkine. « Moi, je suis chargé de m’occuper du perfectionnement et de la démocratisation du droit de vote. Mais aujourd’hui ce travail n’a plus de sens. Après les législatives de décembre, le Conseil a recommandé au Président la démission de Vladimir Chourov, le chef de la Commission centrale électorale. Or entretemps il avait été confirmé par le nouveau Président. Mon analyse des résultats aux présidentielles de mars conclut à un score de 53% au plus en faveur de Poutine, alors que Chourov avait annoncé 63%. Et Poutine n’a sans doute pas même obtenu 50% des voix et n’a donc pas été élu au premier tour.
Désormais aucun de ceux qui contestent la légalité des élections ne peut rester membre du Conseil.
Medvedev rencontrait souvent le Conseil. « Il nous écoutait, même s’il ne voulait pas toujours entendre ce que nous disions. Maintenant il nous a fallu attendre un certain temps avant d’être reçu par un bureaucrate de 15ème ordre pour avoir le droit de publier un communiqué demandant que la voix des défenseurs des droits humains au Kremlin puisse à nouveau se faire entendre de l’administration présidentielle », ironise Jurgens.
Dimitri Orechkine
L’ère des potiches et des marionnettes
La nouvelle administration du Kremlin a montré très clairement qu’elle n’a que faire des droits humains et de dissidents importuns qui remettent sans cesse Chodorkovski sur le tapis ou cherchent la petite bête à propos de Chourov et des services qu’il a rendus au gouvernement. On pense donc que le Conseil sera épuré de ses membres rebelles et que ses instances recruteront sur appel des organisations sociales et politiques des candidats qui seront ensuite élus au scrutin public sur Internet puis enfin confirmés par le Président Poutine.
« Au lieu d’experts compétents mais indociles, on mettra de potiches», estime Fédotov, « les dossiers de candidature au Conseil pour le développement de la citoyenneté et des droits humains me le montrent. » On y trouve des ultranationalistes et des représentants d’associations inconnues originaires des provinces profondes. On a également eu la candidature d’une personne qui admet devoir à son séjour en prison son expérience et ses compétences dans le domaine des droits humains.
Avec Poutine des nouvelles têtes sont arrivées dans l’administration du Kremlin, déclare Orechkine.
Auparavant, c’était Vladislav Sourkov qui était compétent en matière de politique intérieure, y compris pour le Conseil pour le développement de la citoyenneté et des droits humains, et il passe pour un roué hors pair. Il est compréhensible - et il le comprenait bien - qu’il est très utile d’avoir dans les allées du pouvoir un groupe de libéraux bien connus et de défenseurs des droits humains - cela fait bien aux yeux de l’intelligentsia favorable à l’opposition et de l’opinion publique internationale. Il a été remplacé par Viatcheslav Volodine, un apparatchik du parti « Russie unie », un adepte de la manière forte en politique. Il ne cherche pas de combinaisons subtiles, il se satisfait pleinement d’un Conseil pour le développement de la citoyenneté de et des droits humains qui ne fait jamais de rappels à l’ordre et qui sait ce qu’il a à dire quand il faut vraiment lui demander son avis.
Vladislav Sourkov, l'"éminence grise" de Medvedev
On statuera sur le sort du conseil le lundi 2 juillet. On pourrait trouver un compromis acceptable permettant aux membres du conseil d’exercer une influence sur les conseillers du président dans le choix des personnes avec lesquelles celui-ci collaborerait.
Mais ce compromis risque ne pas durer. Le Kremlin projette d’instaurer des nouvelles lois limitant les libertés civiles. Dans cette situation les défenseurs des droits humains ne veulent pas servir de feuilles de vigne mais suivre les traces d’Alexeyeva, Jurgens et Orechkine.
Réunion du
conseil du 2 juillet 2012 (photo officielle)
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