par German-Foreign-Policy.com, 19/7/2012. Traduit par
Michèle Mialane, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
La Fondation Konrad-Adenauer (CDU) pousse
à la coopération entre l’Allemagne et l’UE d’une part et les dictatures
de la Péninsule arabique d’autre part. Selon la Fondation, son
« programme régional pour les États du Golfe » a lancé en commun avec
d’autres organisations européennes et de la péninsule Arabique un projet
visant à approfondir la collaboration entre l’UE et le CCG (Conseil de
Coopération du Golfe).
Parallèlement la Fondation Adenauer poursuit sa prise d’influence dans les dictatures du Golfe, bien
qu’elle ait été récemment expulsée des Émirats arabes unis, où elle
avait son siège régional. Elle déclare elle-même que ses efforts de
coopération ne se limitent pas à l’économie mais s’étendent également à
la politique sécuritaire, un domaine où l’importance du CCG
s’accroît rapidement. Elle veut également aborder expressément, dans les
États du Golfe, les aspects « sécurité » « intéressant la région ».
Plusieurs membres du CCG, en particulier le Qatar, l’Arabie saoudite et
les Émirats arabes unis, non contents de s’être rangés aux côtés de
l’Occident dans l’affrontement avec l’Iran, deviennent, par le soutien
militaire qu’ils apportent aux rebelles libyens et syriens, des alliés
de plus en plus précieux de l’Allemagne, de l’UE et des USA pour
renverser les régimes qui déplaisent à ceux-ci.
Le programme régional « États du Golfe »
La Fondation Konrad-Adenauer est présente depuis juin 2009 dans les
dictatures de la Péninsule arabique par le biais du « programme
régional pour les États du Golfe ». Originellement elle avait son siège à
Abou Dhabi, où elle travaillait avec plusieurs organisations
gouvernementales ou non gouvernementales, dont le laboratoire
d’idées « Emirates Center for Strategic Studies and Research» (ECSSR) et
la Chambre de Commerce et d’industrie germano-émiratie. À partir de sa
filiale d’Abou Dhabi, la Fondation soutenait des projets dans
pratiquement tous les États du CCG (1) ainsi qu’au Yémen. Entre temps
elle a dû fermer son bureau aux Émirats sous la pression du Ministre des
Affaires étrangères local. On n’a pas donné de raison officielle; et de
fait d’autres filiales de fondations allemandes proches de la CDU ont
déjà été expulsées de plusieurs pays pour s’être immiscées dans leurs
affaires intérieures. Le dernier cas de ce type est l’Égypte (voir
german-foreign-policy, (2). Depuis la fermeture de son bureau aux
Émirats le « programme régional pour les États du Golfe » est géré
à partir d’Amman, la capitale jordanienne, la Fondation recherchant
toujours, selon ses dires, un autre siège permanent dans le golfe
Arabo-persique.
Entourés de foyers de crise
Comme l’explique la Fondation Konrad-Adenauer, son travail dans les dictatures de la Péninsule
arabique se fonde sur « l’importance croissante » des États du CCG, en
pleine croissance économique. Il ne s’agirait pas seulement de leur
« rôle de fournisseurs de matières premières énergétiques » mais aussi
de leur importance économique; désormais ils seraient notamment « une
interface essentielle du commerce mondial» (3). Depuis plusieurs
années les relations économiques entre l’Allemagne et certaines
dictatures arabes sont en plein essor ; on pense que cette croissance
va se poursuivre. En coulisse se profile leur richesse en matières
premières et donc les ressources financières que les clans au pouvoir
cherchent depuis quelque temps à utiliser en prévision de l’époque où le
sous-sol sera épuisé. (4) C’est la raison pour laquelle la Fondation
Adenauer - selon ses propres dires - se consacre à des questions liées à
l’ « ordre économique » - « à l’échelle nationale, régionale et
mondiale ». En outre elle souhaite aborder des « thèmes sécuritaires
(...) intéressant la région » et compléter l’ensemble en créant un
« réseau d’experts ». Entourés de foyers de crise, les États du Golfe
représenteraient « une bonne base pour la prévention des conflits » (5).
Rebelles islamistes
Et de fait, lors que la Fondation Konrad-Adenauer a débuté sa
coopération « sécuritaire » avec les États du CCG, les livraisons
d’armes de l’Allemagne aux dictatures du Golfe ont atteint un premier pic:
près de 800 millions d’euros pour l’année 2009. (6) Le fond de
l’affaire, c’était qu’il fallait armer le CCG contre l’Iran; ce que la
République fédérale n’a toujours pas cessé de faire. En outre diverses
dictatures arabes, qui, selon la Fondation Adenauer, pourraient servir
de « base pour la prévention des conflits » (5), ont commencé en 2011 à
intervenir dans plusieurs États du monde arabe. Il s’agit presque
toujours de soutenir des organisations islamistes, souvent salafistes,
par exemple en Tunisie, en Égypte, en Syrie, au Liban. En Libye les
activités de certains États du Golfe, au premier chef le Qatar, ont pris
une tournuremilitaire (voir german-foreign-policy .com (7); le résultat
en est qu’aujourd’hui les milices islamistes sont très influentes en
Libye (8). Plusieurs États du Golfe poursuivent maintenant leur
politique d’intervention en Syrie. Des observateurs avertissent que ce
seraient à nouveau les islamistes qui bénéficieraient de leur soutien.
Selon une analyse actuelle du gouvernement fédéral, basée entre autres
sur les rapportsdes services secrets, la Syrie a été, entre fin décembre
2011 et début juillet 2012, la cible de 90 attentats terroristes « qui
pourraient porter la marque d’organisations proches d’Al Qaida ou de
groupes djihadistes. » (9)
Prise d’influence via la Ligue arabe
Parallèlement les dictatures du Golfe, avec lesquelles travaillent les Occidentaux en général et la
Nabil al Arab
|
Fondation Konrad-Adenauer en particulier ont missous leur
coupe la Ligue arabe. « Dans la crise libyenne le Qatar a pris la haute
main il y a un an. Dans le conflit syrien, ce sont les Émirats et
l’Arabie saoudite qui mènent la danse », estimait un expert dès le début
mars. « Les autres poids lourds » - l’Égypte, la Syrie, l’Irak - « sont
aujourd’hui réduits au silence». (10) Désormais les dictatures du Golfe
« ont placé le monde arabe sous leur houlette ». L’actuel Secrétaire de
la Ligue arabe, Nabil Al Arabi, serait parvenu à ce poste en mai
2011 sur la base d’un deal avec le Qatar ; « d’emblée » il aurait « en
échange établi avec le Qatar et l’Arabie saoudite une étroite »
coopération. Les dictatures du Golfe seraient désormais en mesure
d’imposer leurs desiderata de politique étrangère par le biais de
l’organisation faîtière, d’autant plus que la Ligue arabe fonctionne
depuis quelques années selon le principe majoritaire. Elles pourraient
ainsi élargir nettement leur influence partout où la Ligue arabe est
active - en Syrie par exemple : « Dans la Syrie de demain l’Arabie
saoudite et le Qatar joueront un rôle important », si l’on en croit un
opposant syrien.
Liaisons dangereuses
Pour renforcer les liens de l’UE et de l’Allemagne avec les
dictatures du Golfe, qui ont nettement élargi leur influence dans le
monde arabe, la Fondation Konrad-Adenauer a récemment lancé un nouveau
projet, conjointement avec d’autres organisations. Prévu
initialement sur deux ans, il sera financé par la Commission européenne
et vise à élargir les relations à plusieurs domaines politiques. Le
Directeur du « programme régional pour les États du Golfe » de la
Fondation Adenauer est « convaincu » que ce projet aura une incidence
« positive » sur la coopération entre l’UE et le CCG. « En particulier »
« l’implication de divers groupes d’intérêts » tels que « diplomates et
représentants des gouvernements » mais aussi « acteurs de la société
civile et représentants du monde économique, scientifique et médiatique
(...) favorisera les relations bilatérales ». (11) On développe donc
activement les contacts avec les États les plus réactionnaires du monde
arabe, qui pour l’instant y donnent le la, juste au moment où, dans
toute la région, les forces islamistes ont le vent en poupe - avec le
soutiendes dictatures du Golfe.
Notes
[1]
Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) regroupe le Bahreïn, le
Koweït, le Sultanat d’Oman, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats
arabes unis. Il a été créé en 1981 à l'initiative de l'Arabie saoudite
et sous la pression des USA, pour tenter de contrer les effets de la
révolution islamique de 1979 en Iran.
[3] Qui sommes-nous : voir www.kas.de/rpg/de/about
[5] ] Qui sommes-nous: voir www.kas.de/rpg/de/about
[6] Voir aussi Partenaires militaires dans le Golfe (II) et Luttes pour l’hégémonie dans le Golfe (II)
[7] Voir Invités chez des amis et Les forces de demain
[8] Voir aussi Plus important que les droits humains etÉchappés au contrôle
[9 « L’Allemagne aussi fait sa propagande», Frankfurter Allgemeine Zeitung 17.07.2012
[10] Rainer Hermann: Dans les États du Golfe: nager avec le courant www.faz.net 08.03.2012
[11] Projet de l’UE lancé à Rome: www.kas.de, 21.06.2012
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire