jeudi 2 août 2012

Espagne : Rajoy, Premier ministre du Pays des Horreurs





par Aarón Reyes Domínguez.  Traduit par  Michèle Mialane, édité par Fausto Giudice, Tlaxcala
Traductions disponibles : Deutsch
  










"Nous les putes le répétons :
 les politiciens ne sont pas nos fils"
Monsieur le Président : vous êtes un fils de pute et vos ministres aussi. Je vous le dis tout net, et d’emblée, car je sais bien que vous ne lirez jamais ce texte, puisque vous ne lisez jamais de livres, seulement des journaux sportifs, c’est vous-même qui l’avez dit. Et par-dessus le marché, en bon Espagnol, vous êtes fier de votre ignorance. Ne vous faites pas d’illusions; c’est justement pour cela que tant de gens ont voté pour vous. Que les autres excusent ma sortie, mais nous sommes les enfants de l’éducation que nous ont donnée nos parents, c’est un fait, et si vous et vos ministres êtes ce que vous êtes, c’est que vos mamans n’ont pas très bien fait leur travail. En dépit des écoles privées que vous avez fréquentées, de votre appartenance à l’oligarchie à l’époque de la dictature, etc.
Voyez-vous, ce qui me gêne, Monsieur le Président, ce n’est pas que vous soyez foutrement mal élevé, mais que vous soyez ignorant et surtout menteur. Vous vous êtes présenté aux élections en promettant de ne pas faire certaines choses - et maintenant vous les faites. Il y a quelque temps, vous avez dit que la possibilité d’une amnistie fiscale serait injuste et absurde. Et vous n’avez pas attendu trois mois pour recourir à cette mesure injuste et absurde, comme le dénonce le député de l’IU (parti de gauche Izquierda Unida) Alberto Garzón. Bien sûr vous l’ignorez, comme tous ceux qui ne font pas partie de vos béni-oui-oui. C’est votre façon de comprendre la démocratie : ignorer les représentants du peuple qui ne sont pas de votre bord. Vous avez dit que vous ne toucheriez pas à la santé et à l’éducation, et c’est justement dans ces domaines que vous avez fait des coupes claires. Les banques, elles, vous n’y avez pas touché, bien que des grands experts en économie aient averti : ou bien nous faisons payer vos amis de la finance, ou bien nous coulerons.
Comme vous êtes un ignorant qui lit des journaux sportifs au lieu de lire des ouvrages d’histoire, d’économie ou de politique, je vais vous expliquer quelques petites choses.
 
Dans les années 20 du siècle dernier, des gens ont eu l’idée géniale d’une croissance économique qui excédait leurs possibilités, exactement comme vous voudriez tant nous le faire avaler maintenant. Ces idées ont eu un tel succès que Churchill, pour remédier à la situation d’après-guerre, a eu l’idée de réévaluer la livre sterling. Le résultat en fut une baisse des salaires et un allongement du temps de travail. Non seulement la croissance ne fut pas au rendez-vous, mais on exclut ainsi tout recours à un modèle qui fonde une croissance durable sur l’augmentation de la consommation générale, laquelle permet à son tour une croissance du secteur des services et engendre une économie véritablement concurrentielle (j’entends par là un pays qui se développe harmonieusement et ne se contente pas de gagner des championnats du monde de football).
 
 Quand la crise de 1929 éclata, entraînant la récession des années 30, on décida aux USA- un pays peu suspect de communisme ou de socialisme, je vous laisse le choix des termes d’appliquer une politique - le New Deal - qui comportait notamment une augmentation des salaires et une réduction du temps de travail. Le nombre d’emplois s’en trouva accru, afin de compenser la réduction du temps de travail, et durant leurs loisirs plus abondants les gens dépensèrent pour des biens de consommation; et l’effet d’entraînement sur l’économie permit au pays de faire un pas en avant décisif et de sortir vainqueur d’une guerre impliquant trois continents.
 
Au cas où vous l’ignoreriez, Monsieur le Président, les mesures que vous prenez ont eu exactement l’effet inverse. Je parle au passé, car - vous ne le savez peut-être pas - ces fameuses « coupes » ont déjà été pratiquées. L’Argentine, le Chili, la Pologne, la Russie et toute une séquelle d’autres pays figurent sur la liste effrayante des échecs de la politique néolibérale de Milton Friedman et du consensus de Washington, qui tente de nous faire croire depuis les années 70 qu’une « thérapie de choc » » peut tirer un pays de la crise. Les mesures préconisées par Friedman et son école de Chicago de n’ont pas marché une seule fois. Au contraire, ce type de politique a provoqué des suicides, démantelé l’État-Providence (dont vous prétendez qu’il appartient au passé, alors que nous le voyons croître et embellir dans des pays voisins) et anéanti l’avenir de plusieurs générations.

Mariano Rajoy, le Premier ministre espagnol, vu par Gungor , Australie
 
Vous mentez, Monsieur le Président, et c’est très dangereux. Votre prédécesseur était un incapable, mais vous êtes un pyromane qui prétend combattre un vaste incendie. Votre prédécesseur se croyait au pays des merveilles, vous nous menez maintenant au pays des horreurs. Une politique fiscale qui ne vise pas à créer plus de bien-être, toute mesure économique qui ne prend pas en compte au premier chef les besoins des entreprises qui reversent à l’Espagne 60% de leurs bénéfices sous forme de salaires et de taxes (et ce n’est pas le cas de Repsol, qui ne paie que 20%, et que vous défendez en ce moment parce que c’est une entreprise espagnole; mais il y a des entreprises étrangères qui versent au final à notre pays une plus grande part de leurs bénéfices) - tout ce qui ne vise pas à construire un avenir basé sur la recherche et l’innovation et non sur des conditions de travail non protégées ne mène qu’à sacrifier l’avenir de notre pays.
 
Vous et votre clique clamez sans cesse qu’il faut renforcer et favoriser l’esprit d’entreprise. En lieu et place de ce projet, vous en échafaudez un qui se fonde sur l’idéal spéculatif des directeurs de la CEOE (Confederación Española de Organisaciones Empresariales, la Confédération des entreprises espagnoles, organisation patronale), qui comporte une liste sans fin d’entreprises ruinées par la spéculation, sans conséquences juridiques pour les coupables, tandis que l’État paie pour les chômeurs qui en font les frais. Vous ôtez aux entreprises toute possibilité de responsabilité sociale et vous contentez de créer une nouvelle caste de requins, gavés par votre réforme néoféodale du droit du travail. Vous ne voulez pas voir que des pays développés - les USA, l’Allemagne, la France etc. - investissent entre 2,6% et 3,4% de leur produit intérieur brut (PIB) dans le triptyque Recherche-Développement-Innovation. Vous, vous réduisez les investissements dans ces domaines de 1,3 à 0,9%. Pour me faire comprendre, Monsieur le Président, puisque vous ne vous intéressez qu’au sport, c’est la différence qui existe entre la mise au point d’une auto et sa fabrication. Celui qui met une voiture au point gagne sur chaque voiture vendue. Celui qui la fabrique ne gagne que sur celles que vend son usine. Où met-on au point des voitures ? En Allemagne, par exemple. Où les fabrique-t-on ? En Espagne, en Pologne, en Roumanie. Il est facile de comprendre quel exemple nous suivons. Après la coup rase que vous avez fait subir à la recherche et au développement, nous sommes condamnés à devenir un peuple de serveurs, porteurs de bagages et bien sûr d’ouvriers peu ou pas qualifiés, qui travaillent en échange de salaires de misère pour des entreprises étrangères, alors que nous payons avec une devise adaptée à des pays au niveau de vie plus élevé. Si nous restons dans la zone euro, c’est pour avoir le niveau de vie de ces pays et pas pour que vous travailliez à nous faire vivre comme au Botswana tout en payant des prix pratiqués à Paris. Vous travaillez à nous pousser à un suicide économique. Peut-être ne connaissez-vous pas Paul Krugman: c’est un Prix Nobel d’économie. Selon lui, ou vous mentez, ou vous refusez d’admettre que nous ne sommes pas en récession, mais déjà en dépression caractérisée, et que vos mesures ne font que nous y enfoncer davantage.
 
Vous avez accepté de faire de notre pays un terrain d’expérimentation pour le FMI, dont les prescriptions ont déjà ruiné plusieurs pays. Demandez aux Grecs ou aux Italiens: chez eux cette politique échoue dans les grandes largeurs. Vous cachez aux gens qu’une troisième guerre mondiale est en cours, où les armes ne sont plus des bombes mais des expériences socio-économiques, où les agences de notation internationales jouent le rôle de blindés qui utilisent les citoyens contre leur propre intérêt, et où comme dans toute guerre des gens souffrent et meurent. Vous nous contez qu’il est bon d’entasser 40 élèves dans une même classe, de réduire le nombre d’enseignants et les soins médicaux. Il m’arrive de penser que vous êtes un imbécile, que vous ne pouvez agir ainsi par simple méchanceté. Croyez- moi, c’est vraiment ce que je pense. Les méchants sont sûrement d’autres personnes, car vous n’êtes pas assez intelligent pour comprendre tout cela. Si toutefois ce n’était pas le cas, sachez que tout cela peut entraîner des révoltes sociales et de l’agitation de rue. Et en conséquence vous allez adopter une mesures assimilant la résistance à la volonté du gouvernement, exprimée par l’appareil répressif - c’est à dire la police - à du terrorisme passible de sanctions pénales. Si je vous le dis, vous m’accuserez sûrement de terrorisme, puisque je pousse les gens à vous jeter ces vérités à la figure.
 
Monsieur le Président, vous ne voulez pas le dire tout haut, parce que Madame la Führer Merkel vous menace depuis le Quatrième Reich qu’elle a désormais établi. Je n’exagère pas, je vous le dis, ce sont les termes du Financial Times- un journal d’extrême-gauche comme tout le monde sait. Nous vivons une Troisième guerre mondiale, je le répète, et ce n’est pas une idée à moi, elle est partagée par des gens qui ont fait des études et soutenu des thèses de doctorat, enseigné dans diverses universités, voyagé à travers le monde et beaucoup lu, qui parlent différentes langues et ont déjà connu plusieurs crises et phases de redressement. Et d’ailleurs certains aiment même le sport.
 
Ces gens voient eux aussi que vous avez ouvert chez nous une première phase de décisions financières qui ont étranglé notre économie et que vous poursuivez votre programme pour nous plonger dans le choc, la peur et l’angoisse. Je ne vous souhaite qu’une chose: qu’un jour, la société entre en rébellion, que nous descendions tous dans la rue pour nous emparer du pouvoir politique, réclamer une Assemblée constituante et organiser un référendum sur notre nouvelle Constitution, dissoudre les partis politiques existants et les obliger à une refondation afin qu’ils fassent de la politique et non de l’idéologie économique. Je souhaite l’instauration d’élections réellement démocratiques et notre sortie de la devise allemande (également appelée euro) ainsi qu l’établissement d’accords bilatéraux avec les pays importants et la reprise de l’investissement dans la formation et la recherche. Tout cela aura lieu, il suffira d’une mèche et la société entière s’embrasera. Quand cela se produira et que nous prendrons d’assaut votre castel de la Moncloa, vous serez, je l’espère, déjà sur la route de l’exil à Berlin. Ou il vous en cuira. Fortement.

 

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