Par
Fabrice Andréani
,
Mila Ivanovic
et
Thomas Posado, mouvements, 15/4/2014
Après
le triomphe apparent du chavisme aux élections municipales du 9
décembre, la guerre politique intermittente qui a ponctué ces 15
années de « Révolution bolivarienne » – elle-même
consécutive à une décennie de guerre sociale – occupe à nouveau
le devant de la scène : des dizaines de milliers de
manifestants et émeutiers réclament depuis bientôt deux mois la
« sortie » du président Nicolás Maduro. La marche de
Caracas du 12 février, au carrefour des mobilisations étudiantes
« contre l'insécurité » initiées à San Cristóbal et
des appels à « incendier la rue » lancés par la frange
la plus réactionnaire de l'opposition le 23 janvier (date symbolique
de la naissance de la démocratie en 1958)ii,
a inauguré un cycle d'assassinats et de représailles débouchant
sur l'arrestation d'un des leaders et de deux maires de la coalition
d’opposition (MUDiii),
en sus de l'occupation militaire de deux régions frontalières de la
Colombie. Qu'y a-t-il derrière les stéréotypes croisés d'une
opposition « fasciste » aux prises avec un pouvoir d'État
« castro-communiste » ? Qui sont les manifestants ?
Que fait le gouvernement ? Sur fond de crise économique et de
violences politiques et sociales qui semblent combler des
chroniqueurs pressés d'enterrer une énième « révolution
ratée », et alors que se profile une médiation internationale
(avec l'UNASUR et le Vatican), voici un panorama de la situation en
trois temps, en contre-points des principaux poncifs circulant de
part et d'autre.
« Un
coup d'État se trame » vs. « le chavisme
assassine des manifestants pacifiques »
L’opposition
vénézuélienne est hétérogène et divisée sur la stratégie à
suivre, en présence d'un mouvement dispersé et centrifuge. D’un
côté, le dirigeant du parti Voluntad Popular Leopoldo López, la
députée de Caracas María Corina Machado et le maire du Grand
Caracas Antonio Ledezma sont devenues les figures politiques les plus
médiatisées des protestations, en invoquant d'emblée « la
sortie » de Maduro. De l'autre, le candidat unique de la MUD
aux présidentielles d’octobre 2012 et avril 2013, Henrique
Capriles Radonsky, a répété que croire que Nicolás Maduro pouvait
quitter la présidence sous la seule pression des manifestants était
« une grande erreur » et que tout changement institutionnel
devait passer par la voie électorale. Or la Constitution imposerait
d’attendre 2016 pour un potentiel référendum révocatoire, dans
l’hypothèse où l’opposition réunirait les signatures d’un
cinquième des électeurs inscrits.
La
tentation de l'affrontement demeurant latente, les velléités
insurrectionnelles de cette opposition ne doivent pas être minorées
mais appréciées à leur juste valeur. La violence des actions de
rue – les guarimbas,
des barricades dans des quartiers essentiellement résidentiels et
aisés, tenus par des maires d’opposition –, menées à la fois
en marge et en lieu et place des manifestations, fait clairement écho
aux postures guerrières des « faucons », aux États-Unis
ou en Colombie (autour de l’ex-président Álvaro Uribe). S'il s'en
désolidarise, Capriles, affaibli par la défaite de la MUD aux
municipales, a également refusé l'invitation à la Conférence pour
la Paix, convoquée
par
Maduro pour enrayer la spirale de la violence, et réclame la
libération inconditionnelle de ses homologues, mais aussi d'Iván
Simonovis, ex-commissaire impliqué dans le coup d'État (avorté)
contre Chávez d'avril 2002iv. Lire la suite
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