Une équipe de tournage arrivera la semaine prochaine dans une cité sale, semi-abandonnée, aux murs couverts de graffitis et située à l'extrémité nord-est de Paris. Parmi les acteurs, il y aura l'un des plus célèbres visages du cinéma mondial : John Travolta. Le nom de l'emplacement du film est devenu presque aussi célèbre, ou tristement célèbre. Les Bosquets est l'une des deux cités à la limite de Montfermeil et de Clichy-sous-Bois, qui furent le point de départ d'émeutes qui se sont étendues aux banlieues pauvres et multiethniques de presque toutes les grandes villes de France en Octobre 2005.
Travolta arrivera jeudi aux Bosquets pour filmer quelques scènes de « From Paris With Love », un thriller d’espionnage, une production française en langue anglaise. La plus grande partie du film, qui n’a rien à voir avec les problèmes des « banlieues » ou les cités, sera filmée en plein Paris ou ailleurs.
La décision de tourner dans les Bosquets fait partie d'une campagne du célèbre producteur français, Luc Besson, pour relancer l'économie et pour utiliser les talents des banlieues. Son choix a été accueilli par les résidents avec un mélange d'excitation et de désespoir. De l'excitation, parce que 100 personnes de la cité des Bosquets (où 40 pour cent sont sans emploi) ont été engagées comme figurants ou comme gardes de sécurité à 100€ par jour. Du désespoir, car une fois l'équipe de tournage partie, beaucoup de monde a peur que la cité se replonge dans son état habituel et immuable de privation et de promesses non tenues.
Mamoudou, 24 ans, un jeune homme d'origine malienne, était debout avec quatre autres jeunes hommes sans emploi, au pied d'une cage d’ascenseur magnifiquement décorée de graffitis. A quelques mètres de là, il y a le bâtiment semi-abandonné qui a été sélectionné pour le film de Travolta. « OK, maintenant on est une attraction touristique », a-t-il dit. « Maintenant, les gens veulent faire des films ici. Super. Je n'ai rien contre ça. Mais est-ce qu’il va me donner un boulot, un vrai boulot, un boulot permanent ? Non. Après, on sera tous dans la même merde qu’avant ».
Après les émeutes, des politiciens français ont renouvelé leurs promesses, souvent répétées, d’une aide économique massive en faveur des banlieues pauvres et multiethniques de la plupart des villes françaises. Le Président Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir il y a 20 mois, en promettant un « Plan Marshall » pour les banlieues, qui fournirait des emplois, rénoverait les maisons et améliorerait les moyens de transport, souvent horribles. Le plan « Espoir Banlieues » a été lancé en février par Fadela Amara, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville. Mme Amara, féministe de gauche d'origine algérienne, est elle-même un symbole important des efforts du Président pour effacer la discrimination raciale et les obstacles politiques. Le problème est que son plan a jusqu'ici produit très peu d’effet - et presque rien pour des endroits comme la cité des Bosquets et sa jumelle, la cité de la Forestière. Le gouvernement dit qu'il a l'intention de « concentrer » les aides sur les régions les plus pauvres. En conséquence, l'argent a été enlevé aux villes prospères telles que Lourdes et Chantilly, où il n'aurait jamais dû être dépensé en premier lieu. Bizarrement, de l’argent a également été retiré de certaines banlieues pauvres de Paris, dont Clichy-sous-Bois.
Ladj Ly, 28 ans, est un producteur de film d'origine malienne des Bosquets. Son documentaire laconique et puissant sur les origines des émeutes, qui se sont déclenchées lorsque deux adolescents sont morts alors qu’ils étaient poursuivis par la police, a connu un grand succès à la télévision française et sur Internet. Trois ans plus tard, qu’est ce qui a changé ? « J’en ai assez de répondre à cette question et j’en ai assez d'avoir à donner la même réponse », dit M. Ly. « Non, rien n'a changé pour la majorité des gens ici, sauf en pire. OK, les bus circulent jusqu'à plus tard dans la nuit, mais vous avez toujours à faire trois correspondances pour vous rendre à Paris. Les emplois sont toujours aussi rares».
« Mais, oui, je suppose qu’il y a quelque chose de nouveau et que c'est une sorte de nettoyage ethnique. Quelques-uns des pires immeubles sont enfin en cours de rénovation ou de démolition après des années d'attente. Mais qui en bénéficiera ? Pas les gens qui ont souffert ici tout ce temps. Ils sont en train d’être déplacés vers d'autres ghettos plus loin. Ils essaient de changer l'image de la zone en changeant la population. Les nouveaux appartements rénovés vont, dans des rares cas, aux résidents des Bosquets. Dans la plupart des cas, ils vont aux nouveaux arrivants, qui sont -- surprise, surprise -- gentils et blancs ».
M. Ly a emmené The Independent faire un tour dans les deux célèbres cités, qui furent autrefois des modèles du modernisme des années 60. Maintenant, elles sont les résidences incroyablement négligées, exiguës et pourries des personnes d'une vingtaine d’ethnies différentes, mais majoritairement des Nord-Africains, des Maliens, des Turcs et des Pakistanais. Certains appartements dans les Bosquets ont été démolis. L’immeuble utilisé pour le film de Travolta à 38 millions d’Euro doit être rasé d'ici la fin de l'année. D'autres tours ont été miraculeusement transformées de bâtiments sales, gris, et couverts de graffitisqu’elles étaient en structures agréables, fraichement peintes en blanc et crème ou primevère.
M. Ly était réticent à nous laisser approcher les jeunes traînant dans la cité. « Trop compliqué », dit-il. Il nous a tout de même présentés à Mamoudou et à ses amis. Les avis étaient partagés sur le nouveau statut des Bosquets comme un lieu de film. Hymed, 24 ans, dont la famille vient de l'île Maurice, a déclaré : « Je suis pour ce film. Si ça fait parler les gens de cet endroit et si ça apporte un peu d'argent, alors, je suis pour ».
Mamoudou s’est plaint que les bénéfices, quels qu’ils soient, seraient de courte durée - et pervers. « Les gens vont penser que la vie ici est géniale, puisqu’on voit des stars de cinéma marcher dans la rue », dit-il. « Dites-leur ce qui se passe réellement. Ils rénovent quelques appartements, c’était pas trop tôt, mais ensuite ils augmentent tellement les loyers que la population locale est obligée de partir ».
Shayz , KER, dj Yoshi et shone, rapeurs de Clichy-Montfermeil. Photo Alouw
Dernière minute
Tournage repoussé
Le réalisateur Pierre Morel devait entamer lundi le tournage de son nouveau film estampillé Besson, From Paris with love, avec John Travolta. Les premières scènes devaient se tourner dans le quartier des Bosquets à Montfermeil avec les jeunes du quartier assurant la sécurité sur le tournage. Seulement ceux-ci ne sont pas d’accord avec les conditions proposées par le réalisateur. En effet, celui-ci propose à une dizaine d’entre eux d’assurer le service d’ordre pour 120 euros par jour. Sachant que le budget du métrage est de 38 millions d’Euro les jeunes du quartier veulent que Luc Besson investisse dans le long terme et fasse quelque chose de conséquent pour le quartier. Ils veulent entamer des négociations avec lui et menacent d’empêcher le tournage s’ils ne reçoivent pas gain de cause. Ainsi un de ces jeunes déclaraient ce matin (9/10) sur RTL que s’il ne tourne avec eux, il ne tournera pas. En attendant la date de début de tournage est repoussée et la production se refuse à tout commentaire.
Source : Can Travolta bring hope to the forgotten ghettoes?, The Independent, 9 Octobre 2008
Traduit par IA, révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala
Épilogue : dans la nuit du dimanche 12 au lundi 13 Octobre 2008, dix voitures appartenant à la production du film on brûlé à Montfermeil. John Travolta ne viendra pas. Luc Besson cherche une autre balnieue pour tourner
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