Petite leçon d'histoire pour les ignorants et ceux qui croient tout savoir
par Daniele Scalea
La Géorgie : de Jason à Gamsakhourdia
La Géorgie a fait partie de la Russie jusqu'en 1991 où, renaissant des cendres de l'Union Soviétique, elle est devenue une nation indépendante. A l'origine, dans cette zone du Caucase occidental, différents pays coexistaient, dont le plus important était le Royaume de Colchide donnant sur la mer Noire et bien connu des Grecs anciens : en effet, selon la mythologie, c'est ici que Jason et les Argonautes trouvèrent la Toison d'or avec l'aide de Médée, princesse du pays.
D'autre part, la partie la plus montagneuse à l'est et au sud de la Géorgie appartenait au Royaume de Kartli (connu des Grecs et des Romains sous le nom de “Iberia”).
Ces deux royaumes ont été les premiers à adopter le christianisme comme religion officielle, dès le début du 4ème siècle. Après avoir été conquise par Rome en 66 avant JC et dirigée d'abord par les Romains puis par les Byzantins pendant presque un demi-millénaire, la Géorgie d'aujourd'hui était alors un champ de bataille durant les guerres entre les Byzantins et les Perses : cette situation a eu un rôle dans la désintégration politique du pays qui, au 7ème siècle, devint une proie facile pour l'expansion arabe. Au 11ème siècle, le pays réussit à se débarrasser du pouvoir arabe et, pour la première fois, il se retrouva uni en un seul royaume, la Géorgie, et commença à s'étendre dans tout le Caucase en repoussant les Turcs seldjoukides.
Déjà au 13ème siècle, la Géorgie capitula trop rapidement devant la progression implacable des Mongols et elle commença à se morceler en plusieurs petits États, dont certains furent plus tard annexés à l'Empire Ottoman tandis que d'autres furent rattachés à l'Empire Perse.
Ce n'est qu'à partir de 1762 que le pays retrouva son indépendance : la partie orientale fut réunifiée sous Héraclius (Irakli) II dans le Royaume de Kartlie-Kakhétie.
En 1793, ce royaume conclut un Traité d'amitié avec l'empire russe, et devient alors un protectorat de la Russie, le Tsar étant reconnu comme le dirigeant légitime de la Géorgie Orientale (laquelle conserva cependant son autonomie dans sa politique intérieure).En 1783 ce royaume signa avec l’Empire russe le Traité de Gueorguievsk, par lequel ils e mettait sous la protection du tsar, qui était reconnu comme souverain légitime de la Géorgie orientale (à laquelle était néanmoins garantie une autonomie interne).
Le 22 décembre 1800, à la demande du roi de Géorgie, George XII, le Tsar Paul 1er de Russie signe l'annexion volontaire du Royaume de Kartlie-Kakhétie à la Russie.
Durant l'été 1805, malgré l'aristocratie locale, hostile à l'annexion, l'armée russe remporte une victoire décisive en repoussant une attaque des Perses (la bataille de la rivière Askerani). Cinq ans plus tard, les troupes du Tsar Alexandre 1er englobent également le royaume d'Iméréthie, à l'ouest de la Géorgie.
Durant les décennies suivantes, les Russes mènent de nombreuses guerres contre les Turcs et les Perses et étendent considérablement les frontières de la Géorgie avec la conquête de l'Adjarie, des villes de Lomse et de Poti, et de l'Abkhazie.
Après la Révolution russe de 1917 et l'arrivée au pouvoir à Petrograd des sociaux-démocrates bolcheviks, de nombreuses régions de l'Empire dirigées par les menchéviks, déclarent leur indépendance : la Finlande, les États baltes, la Biélorussie, l'Ukraine et les pays transcaucasiens qui de ce fait, sans oublier les nombreuses et provisoires formations politiques créées par les “blancs”, les contre-révolutionnaires tsaristes.
Peu de ces déclarations d'indépendance étaient motivées par un véritable esprit national présent au niveau populaire, esprit national qui était d’ailleurs généralement absent de la culture des classes dirigeantes locales : de fait, après la Révolution de février, le corps de l'ancien Empire russe n’avait pas été touché.
Ce qui l’a fait exploser et éclater en morceaux fut la violente prise de pouvoir par les bolcheviks qui occupèrent la capitale, Petrograd, en novembre 1917 et qui, début 1918, firent dissoudre de force l'Assemblée constituante qui venait d'être élue, puisque leurs représentants s’y trouvaient en nette minorité.
C'est alors que ces forces politiques, ayant perdu le pouvoir en Russie, prirent leur revanche contre les bolcheviks en proclamant l'indépendance des régions périphériques qu'elles avaient sous leur contrôle.
De ces gouvernements séparatistes éphémères, celui de la Géorgie fut considéré comme le plus stable et le plus efficace du point de vue administratif, même si la “République Démocratique de Géorgie” n'était en fait qu'un protectorat de la Grande-Bretagne (qui avait pris des mesures militaires contre les bolcheviks, comme l’avaient fait aussi les autres puissances de l'Entente). Durant sa courte existence, le gouvernement menchévik géorgien se démarqua également par son agressivité : il entra d'abord en guerre contre l’Arménie pour la conquête de certains territoires ethniquement mixtes, puis il attaqua l'armée blanche de Moïsseïev et de Denikine afin d'étendre les frontières de la Géorgie vers Sotchi (qui est aujourd'hui une station balnéaire russe sur les bords de la Mer Noire). Ce qui ne fit que les affaiblir pour la confrontation finale avec les bolcheviks qui, entre-temps, avaient mis fin à la guerre civile et s'étaient attelés à regagner les régions séparatistes : en février 1921, l'Armée Rouge entra en Géorgie et prit, en quelques jours, le contrôle des Mencheviks et de la république pro-britannique, incorporant le pays dans l'URSS naissante (d'abord dans la République transcaucasienne soviétique puis, en 1936, dans la République Socialiste Soviétique de Géorgie, une des trois RSS).
Quand le dirigeant des bolcheviks et le Président de la Russie, Vladimir Ilitch Oulianov (plus connus sous le nom de Lénine) meurt après une longue maladie, c'est un Géorgien qui lui succède : Joseph Vissarionovitch Djougachvili, né à Tbillissi (alors Tiflis), qui restera dans l'histoire sous le nom de Staline, l'homme qui tint les rênes du pouvoir de la Russie pendant plus de 30 ans.
Un demi-siècle plus tard, l'incroyable et courte histoire de l'Union Soviétique prit fin.
La Géorgie déclara son indépendance le 9 avril 1991 et son premier Président (élu en 1990 quand le pays faisait encore partie de l'URSS) fut Zviad Gamsakhourdia, un ancien et célèbre dissident pendant l'époque communiste.
L'indépendance proclamée avec le slogan “la Géorgie aux Géorgiens” ne pouvait que préoccuper les nombreuses minorités ethniques vivant autour de l'entité administrative de Tbilissi, que Gamsakhourdia et ses sympathisants nationalistes considéraient à tort, comme un bloc national monolithique. En particulier, les régions d'Adjarie et d'Abkhazie (qui furent annexées à la Géorgie par les Russes qui les avaient soustraites aux Turcs) ainsi que l'Ossétie du Sud (dont les habitants sont semblables à ceux de la province russe de l'Ossétie du Nord) réclamèrent le même droit à l'indépendance que Tbilissi (et sa mise en oeuvre immédiate). Déjà en 1989, l'Ossétie du Sud, une province autonome de la République Socialiste Soviétique de Géorgie, fut la scène de violents combats opposant les Ossètes, loyaux à Moscou, et les Géorgiens, nationalistes.
Le Conseil Régional d'Ossétie décida de déclarer la sécession avec la République Socialiste Soviétique de Géorgie mais celle-ci riposta en levant le statut d'autonomie de l'Ossétie, ravivant ainsi les combats.
Ces récents conflits fratricides en Géorgie n'étaient pas qu'interethniques mais aussi politiques : le 6 janvier 1992, le gouvernement dirigé par Gamsakhourdia fut renversé par un coup d'État sanglant et qui ne fut pas du tout rapide, puisqu’il durait déjà depuis presque deux semaines.
Gamsakhourdia trouva refuge en Tchétchénie (après un court séjour en Arménie) sous le gouvernement rebelle du Général Djokhar Moussaïevitch Doudaïev. Les meneurs du coup d'État nommèrent un nouveau président, en la personne de l’ancien Ministre des Affaires étrangères Soviétique au temps de Gorbatchev, Édouard Chevardnadze. Les combats entre les sympathisants du nouveau Président et les partisans du précédent durèrent pendant deux ans. Puis en septembre 1993, une guerre soudaine éclata entre l'armée géorgienne et les Abkhazes qui refusent, encore aujourd'hui, de se soumettre à l'autorité de Tbilissi, étant donné qu'ils représentent la majorité dans la partie nord-ouest du pays. Les combats furent terribles et les Abkhazes réussirent à repousser les troupes de Tbilissi et à chasser des milliers de Géorgiens qui vivaient en Abkhazie. Gamsakhourdia sauta sur l'occasion et, dès la fin septembre 1993, il retourna dans son pays entraînant ses partisans armés à tenter une révolte. L’insurrection semblait en bonne voie mais Chevardnadze, en autorisant la Géorgie à rejoindre la Communauté des États Indépendants, reçut le soutien des pays voisins, et surtout de la Russie qui lui fournit des hommes et des armes : dès le mois de novembre, les rebelles étaient vaincus et le mois suivant, leur dirigeant, Gamsakhourdia, mourut dans des circonstances qui n'ont jamais vraiment été élucidées.
Pendant ce temps, la longue période de troubles et de combats fratricides avait coûté très cher à la toute nouvelle République de Géorgie : comme l'Abkhazie, l'Ossétie du Sud avait réussit à obtenir son indépendance. Aussi bizarre que cela puisse paraître, de nombreux séparatistes tchétchènes ont combattu pour la liberté des Abkhazes tandis que l'aide des Russes avait été cruciale pour les Ossètes du Sud.
La “Révolution des Roses” : Saakachvili, Président de Géorgie
Au cours de la décennie qui suivit, le Président Chevardnadze reçut deux fois la reconnaissance de son peuple, en gagnant les élections de 1995 et de 2000. Les élections qui eurent lieu le 2 novembre 2003, et qui furent prétendument truquées selon les médias et les organisations pro-US, furent le détonateur d'un nouveau remaniement politique violent, dénommé “Révolution des Roses”. Chevardnadze a souvent répété que ceux qui voulaient et ont mené ce coup d'État, étaient les USA ; et, inutile de dire que l’ex-Président géorgien ne peut pas être suspecté d'anti-américanisme. Il suffit par exemple de rappeler que, lorsqu'il était Ministre des Affaires étrangères de Russie, au cours d’une réunion avec les USA, il demanda au Président usaméricain de l'époque, George H. W. Bush, quelle politique étrangère il suggérait à l’URSS, car il souhaitait abandonner toute ambition de défense des enjeux nationaux. Cependant, en tant que Président de la Géorgie, Chevardnadze s'avéra être trop indépendant et, surtout, trop enclin à garder de bonnes relations avec Moscou.
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