dimanche 26 octobre 2008

Les Chagossiens perdent le droit au retour dans leur archipel

par Duncan Campbell & Mathew Weaver

Les juges de la Chambre des lords britannique ont statué par 3 contre 2 que les Chagossiens, expulsés dans les années 1970, ne pouvaient pas revenir sur leur terre.

Les anciens habitants des Chagos, expulsés par le gouvernement britannique dans les années 1970, ont aujourd'hui perdu leur longue bataille pour le droit au retour dans cet archipel de l'Océan Indien.

Les Chagossiens avaient précédemment gagné leur droit au retour sur toutes les îles de l'archipel hormis Diego Garcia, l'île principale transformée en base militaire usaméricaine.

Le jugement d'aujourd'hui, à une majorité de 3 contre 2, a renversé la victoire des Chagossiens et constitue l'étape finale d'une bataille juridique qui a commencé il y a 10 ans.

Lord Hoffmann a décrété que le gouvernement avait le droit de légiférer pour un territoire si c'était dans les intérêts de sécurité du Royaume Uni.

Le Département d’État US avait argué que les îles pouvaient être utiles aux terroristes.



Lord Hoffmann a déclaré : «Certains de ces scénarios peuvent être considérés comme des spéculations fantaisistes mais dans l'incertitude actuelle, le gouvernement a le droit de prendre en considération les préoccupations de ses alliés.»

Il a rejeté l'argument développé par les avocats des Chagossiens selon lequel le gouvernement n'avait pas le pouvoir de retirer aux habitants le droit de demeurer dans ce qui est maintenant connu officiellement comme le Territoire Britannique de l'Océan Indien (BIOT). «La loi donne ce droit et la loi peut le reprendre», a t-il ajouté.

Lord Rodger et Lord Carswell ont approuvé. Lord Bingham et Lord Mance ont protesté.



Le Chagossien Olivier Bancoult, qui a mené la campagne pour le retour des Îlois dans l'Archipel des Chagos, d'où ils ont été chassés pour faire place nette à une base aéronavale US


Olivier Bancoult, le Chagossien expulsé qui s'est engagé dans la procédure judiciaire, dès le début, en 1998, a déclaré après le jugement : «Nous sommes profondément déçus mais bien sûr, nous poursuivons la lutte. Nous sommes en train de consulter nos avocats pour décider de ce que nous pouvons faire.»

Bancoult a vivement conseillé aux ministres de lire les déclarations des juges qui ont voté contre la décision. «Ils devraient mettre fin à la transformation honteuse des Chagossiens en victimes et adopter une politique légale facilitant le retour dans notre pays.»

Les Britanniques avaient pris les îles Chagos à la France durant les guerres napoléoniennes. En 1971, le gouvernement britannique utilisa une ordonnance d’immigration pour déporter tous les habitants afin de faire de Diego Garcia une base militaire us américaine.

Aussi bien la cour restreinte (divisional court : réduite à deux juges, NdR) de la Haute Cour que la Cour d'Appel avaient précédemment statué que les Chagossiens pourraient revenir sur les autres îles de l'archipel. Le Foreign Office (Ministère des Affaires étrangères) avait fait appel de ces jugements devant la Chambre des Lords.

Le ministre des Affaires étrangères, David Miliband, a accueilli le jugement d'aujourd'hui comme une justification de la décision du gouvernement de faire appel.

«Nous ne cherchons pas d'excuse à la conduite d'une génération précédente. Notre appel devant la Chambre des Lords ne concernnait pas ce qui s'est passé dans les années 1960 et 1970. Il concernait les décisions prises dans le contexte international de 2004.

«Il nous fallait prendre en compte des problèmes de défense et de sécurité de l'archipel et le fait qu'une étude indépendante se soit fortement prononcée contre la faisabilité d'une réimplantation durable sur les îles du BIOT.»

Dans son opinion dissidente, Lord Bingham a déclaré nul et illégal, un décret pris en 2004 qui déclare, sans l'autorité du parlement, que personne n'a le droit de s’établir dans les îles Chagos pour y résider.

Le pouvoir de légiférer sans avoir recours au parlement était «une survivance anachronique», a-t-il déclaré. On ne peut pas se libérer du devoir de protection simplement en chassant et expulsant le citoyen de sa patrie.»

Lord Mance a indiqué que les facteurs qui justifient ce décret étaient fondés sur «un risque infime et improbable» de réimplantation à grande échelle de l'archipel des îles de Chagos.

Richard Gifford, avocat des Chagossiens, a déclaré : «Pour le malheur des habitants des Chagos, les aléas de la politique internationale les empêchent depuis quarante ans de rentrer chez eux.»

"Le combat pour retrouver leur paradis perdu ne peut aboutir pour des raisons juridiques mais il reste des possibilités politiques, et le parlement, l'opinion publique, la communauté internationale peuvent encore les soutenir", a-t-il ajouté.

Les Law Lords ont été informés durant l'audience de juillet que l'île de Diego Garcia était considérée par les USA, depuis les attentats terroristes du 11 septembre, comme «une base défensive de la plus haute importance... un pilier pour les alliés du Royaume-Uni.»

Le Foreign Office avait argumenté que permettre aux Chagossiens de revenir serait une opération «précaire et onéreuse» et les USA ont déclaré que ceci présenterait également un risque inacceptable pour leur base militaire.

Bien qu'il y ait eu des «aspects incontestablement peu ragoûtants» dans ce qui est arrivé aux Îlois dans les années 1970, ce n’était plus cela qu’on jugeait, a indiqué aux Lords le bâtonnier Jonathan Crow, Conseiller de la Reine, au nom du ministre des Affaires étrangères. «Les Chagossiens ne possèdent aucun territoire,» a déclaré Crow. «Ils n'ont aucun droit de propriété sur les îles. Ce qu’ils revendiquent, c’est un droit à l’intrusion en masse.»

Il y a dix ans, les Chagossiens ont commencé une action judiciaire pour leur droit au retour et, en 2000, la chambre restreinte de la Haute Cour de justice de Londres reconnaissait l'illégalité de leur expulsion. Le Ministre des Affaires étrangères de l'époque, Robin Cook, leur consentit le droit de revenir dans leur archipel à l'exception de l'île de Diego Garcia. Mais après les attentats du 11 septembre 2001, les USA ont déclaré que Diego Garcia était devenu une base militaire importante pour les guerres en Afghanistan et en Irak.

En 2004, le gouvernement britannique émit des décrets-lois qui annulèrent la décision de la cour, mais deux ans plus tard, la Haute Cour rendit un jugement favorable aux Chagossiens. En mai de l'année dernière, le gouvernement perdait à nouveau en appel. En novembre, les Lords accordèrent au gouvernement la permission de faire appel mais lui ordonnèrent de payer tous les frais juridiques quelle que serait la sentence.

Une étude récente a montré que le petit nombre de Chagossiens susceptibles de vouloir rentrer de façon permanente dans leur archipel, serait capable de subvenir à leurs besoins.

Cette étude, soutenue par la campagne humanitaire «Let them return» (Laissez-les revenir) et écrite par Jonh Howell, un ancien directeur de l'Overseas Development Institute (ODI : Institut de développement de l’Outre-Mer), suggérait qu'il n'y avait «aucune raison physique, économique ni environnementale» d'empêcher la réinstallation des habitants sur les îles Peros Banhos et Salomon.

Howell indiquait qu'environ 150 familles – un peu moins de 1000 personnes et environ un quart de ceux autorisés à revenir – souhaiteraient revenir. L'éco-tourisme et l'exportation de poissons pourraient fournir des emplois et des revenus. Le coût total de la réinstallation de ces familles, pour le Royaume Uni, serait d'environ 25 millions de livres sterling, précisait le rapport.


Source : Chagos islanders lose battle to return

Article original publié le 22/10/2008

Traduit par Isabelle Rousselot et révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala

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