samedi 18 octobre 2008

L’heure a sonné pour la Banque du Sud

par Emir Sader

Le moment est venu d’approfondir le processus d’intégration. Ce doit être la réponse latino-américaine à la crise, pour renforcer les systèmes financiers des pays de l’Unasul (União das Nações Sul-americanas, Unasul en portugais, Unasur en espagnol, traité de libre échange et commerce, dont le projet est né en 2004 à Cuzco, au Pérou, lors d’un sommet régional, appelé d’abord C.A.S.A. – Communauté Sud-Américaine des Nations - puis baptisé de son nouveau nom lors du sommet sur l’énergie au Venezuela en 2008, avant la signature officielle du traité constitutif en mai 2008 à Brasilia par dix pays membres, Argentine, Brésil, Bolivie, Chili, Colombie, Equateur, Paraguay, Pérou, Uruguay, Venezuela, NdT ).

L’Unasul devrait d’urgence convoquer un sommet exceptionnel pour débattre sur la façon dont les pays du continent peuvent réagir face à la crise internationale. Il n’y a pas d’autre issue que celle de l’approfondissement des processus d’intégration, afin de diminuer la vulnérabilité et les risques de la région du fait de cette crise, née dans le centre du capitalisme et qui vise à faire payer par les pauvres de chaque pays et les pays de la périphérie du système le coût des remèdes de cheval que ces gouvernements centraux entendent administrer.

Un certain nombre de postulats qui font consensus exigent que notre continent renforce ses mécanismes de défense face à la crise internationale. Celle-ci constitue très clairement le résultat de la fièvre spéculative des pays du centre du système, des USA en particulier. La dérégulation financière est à l’origine de cette gigantesque bulle spéculative. En déréglementant – suivant les préceptes du FMI, de l’OMC et de la Banque Mondiale – l’hégémonie rapide du capital financier sous sa forme spéculative a été favorisée, en même temps que la libre circulation des capitaux a été encouragée.

Les conséquences sont visibles. Les pays qui sont parties prenantes des processus d’intégration régionale en Amérique Latine se trouvent moins exposés à la crise, parce qu’ils ont pu développer le commerce et les échanges entre eux et ont su diversifier leurs relations internationales. Il importe maintenant d’effectuer de nouveaux pas en avant, afin de ne pas être les victimes passives de la crise internationale.

Le moment est venu d’avancer et d’approfondir le processus d’intégration. Il est temps d’avancer dans la construction de la Banque du Sud, vers l’objectif de la création d’une monnaie unique régionale, d’une Banque Centrale unique, de mécanismes de contrôle de la circulation du capital financier, de protection des marchés intérieurs, d’aller vers des politiques économiques communes, de développer des projets d’intégration industrielle et technologique, d’élaborer un plan de développement régional.

Telle doit être la réponse latino-américaine à la crise, en renforçant les mécanismes d’intégration, la diversification des relations internationales, par le développement de la consommation des marchés intérieurs, en accentuant la coordination des systèmes bancaires et financiers des pays de l’Unasul.

Les pays centres du capitalisme, responsables de l’exportation des politiques de libre-échange et de libre circulation des capitaux, veulent avant tout nous impliquer dans leurs remèdes, qui consistent simplement à injecter du capital en grande quantité afin de sauver un système en faillite, sans introduire de modifications fondamentales dans les politiques qui sont à l’origine de la gigantesque crise actuelle.

Il nous faut formuler notre propre réponse qui, au plan international, doit promouvoir des formes de régulation de la circulation du capital financier – la taxation de ces mouvements de capitaux, ainsi que le propose ATTAC, comme un impôt citoyen destiné à financer des politiques sociales -, de contrôle du système financier par les États, de pénalisation des responsables des processus spéculatifs ayant conduit à la crise actuelle.

Rien ne saurait se substituer à nos propres alternatives qui, en cohérence avec ce qu’a représenté le processus d’intégration régionale, doivent faire de celui-ci notre forme de défense et d’action autonome face à un système financier international en faillite. Aller de l’avant dans la construction d’un monde multipolaire, politiquement comme économiquement, signifie s’engager dans la construction de la Banque du Sud, disposant de ses propres réserves, de sa monnaie unique et d’une Banque Centrale.

Il n’est plus supportable de voir nos réserves toujours à la merci des banques du Nord, il est grand temps que ce soient elles qui financent directement notre développement, sous notre contrôle. C’est pourquoi il nous faut en même temps renforcer toutes les formes d’intégration du développement régional.

Sinon nous risquons d’être, encore une fois, les victimes des solutions des propres responsables de la crise, qui s’entêtent à vouloir socialiser les pertes d’un système basé sur la privatisation des bénéfices. Il est patent que nous ne saurions accorder aucune confiance aux suppôts d’un système financier international fondé sur ce qu’ils nomment la “libre circulation des capitaux”.

L’heure a sonné pour la Banque du Sud, il est temps d’approfondir et de consolider tous les mécanismes d’intégration régionale, afin d’empêcher qu’ils exportent leur crise, et de faire prévaloir le développement régional sur les ruines du néo-libéralisme et de l’hégémonie impériale usaméricaine.

États

Membres de la CAN²

Bolivie

Colombie

Equateur

Pérou

Membres du MERCOSUL¹

Argentine

Brésil

Paraguay

Uruguay

Venezuela

Autres pays

Chili¹²

Guyana³

Surinam³

Membres Observateurs

Рanama

Mexique

¹ considérés comme membres associés de la CAN.
² considérés comme membres associés du MERCOSUL.
³ ne sont pas encore inclus dans la communauté.

- C.A.N. : Communauté Andine des Nations
- Mercosul Ou Mercosur : Marché Commun du Sud de l’Amérique


Source : A hora do Banco do Sul

Article original publié le 14/10/2008

Sur l'auteur

Traduit par Pedro Da Nóbrega, révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala

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