par la CAOI - COORDINADORA ANDINA DE ORGANIZACIONES INDÍGENAS, 13 Novembre 2008
Le gouvernement d’Uribe ordonne d’arrêter la marche vers Bogotá par le sang et le feu, afin de neutraliser la solidarité avec la Minga indigène et populaire
Plus de dix mille indigènes, appuyés par des paysans, afrodescendants, syndicalistes, organismes des droits humains, étudiants, Colombiens aux pieds nus, en poncho, chapeau retroussé, sac au dos et "tres puntas (1), ont forcé les périmètres de sécurité et ont porté la parole dans les rues principales d'Ibagué.
Ni les ESMAD (2), ni les carabiniers qui ont utilisé la noblesse des chevaux contre les marcheurs, ni l'intervention des émissaires d'Uribe, du Maire d'Ibagué, Jesús María Botero, et des délégués du Ministère Public qui ont essayé de persuader les manifestants de ne pas entrer dans la capitale du Tolima, n’ont pu freiner la force de la raison et de la parole; ils sont arrivés au parc Manuel Murillo Toro, en face du palais départemental, où ils ont effectué l'assemblée publique et ce n’est qu’à partir de 17h30 qu’ils sont allés à l'autre extrémité de la ville, pour se reposer au centre des foires - FEXPO.
« Il y a eu un ordre présidentiel pour continuer à délégitimer l'esprit de la Minga, mais nous arriverons à Bogotá à pas d'Indien avec la force du peuple », des milliers de marcheurs qui se sont ralliés à la parole de l'autre Colombie, sont partis très tôt en caravane vers la commune de Gualanday, de là ils marcheront environ 12 kilomètres jusqu'à la localité d’El Chicoral, où ils feront l’assemblée publique pour délivrer la parole et déterrer la mémoire de la lutte, avec un nouveau Pacte pour la Réforme Agraire Intégrale venant des peuples et des secteurs sociaux du pays le plus spolié du monde.
RÉPRIMER POUR ISOLER
Aujourd'hui, à Ibagué, la Minga a acheminé la parole et la dignité que les seigneurs de la guerre ne supportent pas, c'est pourquoi ils ont provoqué les gens avec insistance et comme ils ne sont pas parvenus à leur but, ils ont agressé la communauté pour lui barrer l’accès au centre de la ville.
À l'entrée d’Ibagué, une pancarte gigantesque de la Police Nationale attendait la Minga, qui disait : « À Ibagué, toutes les personnes ont la garantie d'exprimer et de défendre leurs idées. Parce qu’ Ibaguévient en premier», signé la Police Nationale.
« Ce message m'a surpris car normalement cette attitude n’est pas celle de la force publique, toutefois, nous pensons que c’était un geste d'amabilité envers la Minga des Peuples, après toute les agressions dont nous avons été victimes, nous autres, paysans, indigènes, Afrocolombiens, femmes, étudiants, enfants, jeunes, syndicalistes, entre autres », a assuré un marcheur de la Minga.
Certains pensaient qu'ils allaient respecter la parole qu’apportaient les indigènes main dans la main avec les groupes sociaux et populaires qui se sont ralliés depuis le Cauca jusqu'à Ibagué. Mais ils se sont trompés, une fois de plus ils ont été confrontés au cynisme des seigneurs de la guerre, puisque ceux-ci se sont opposés à ce qu'ils entrent dans la ville, et face au refus de la Minga, ils ont attaqué une nouvelle fois la communauté pour empêcher sa rencontre avec les syndicats et les autres organisations qui les attendaient.
Ils ont empêché la progression de la marche pendant longtemps, mais finalement la Minga a poursuivi son chemin. Parvenant à la réunion entre peuples et organisations sociales à Ibagué, ils ont permis une augmentation de la prise de conscience et de la sagesse, à partir de chaque ville, afin de veiller à cet enfant qui a besoin de grandir avec l'apport et l’engagement de toutes et de tous : la Minga des Peuples.
LETTRE DE L’ORGANISATION NATIONALE INDIGÈNE DE COLOMBIE - ONIC
En octobre, nous peuples indigènes de Colombie, les paysans, les communautés afrocolombiennes et les secteurs sociaux, nous sommes mobilisés au niveau régional dans les villes et sur les routes du pays avec notre Minga nationale de résistance indigène et populaire pour exiger de l'État et du gouvernement national la protection de nos vies et nos droits fondamentaux, de l’égard pour la tragédie humanitaire qui saigne et condamne à la misère des millions de citoyens colombiens ; ainsi que pour dénoncer devant la communauté nationale et internationale les étiquettes infâmes et criminelles accolées par le gouvernement national qui qualifient nos luttes sociales de terroristes, et les chefs, autorités et organisations représentatives qui les conduisent de délinquants.
Nous nous mobilisons pour exiger que le gouvernement national honore les engagements d'État souscrits avec les peuples indigènes, pour défendre nos droits territoriaux ancestraux et les ressources naturelles qu’en fidèles gardiens de la nature nous avons protégé pendant des millénaires ; pour exiger l’abrogation des lois inconstitutionnelles sans consultation qui nous spolient des droits acquis et pour solliciter que l'État colombien signe sans réserve la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Indigènes
Nous nous mobilisons pour démasquer les mensonges et les combines qui accompagnent les statistiques trompeuses et les discours populistes du gouvernement national, quand il s'agit de justifier ses omissions dans l'accomplissement de ses fonctions constitutionnelles et son manque de volonté politique pour garantir l’application de nos droits légaux et humains.
En réponse à notre Minga nationale de résistance indigène et populaire, qui a toujours eu un caractère pacifique et se déroule dans le cadre des droits légaux à la protestation sociale, à la liberté d'expression et d'association, le président Uribe, le seigneur de la guerre et de la violence, a ordonné à la force publique de nous traiter comme des terroristes et des objectifs militaires. Le résultat est que la police et l'armée nationale démontrent une fois de plus leur brutalité et leur excès contre la population civile désarmée, ils nous massacrent trois frères et laissent une centaine de nos compagnons estropiés par balles réelles et par des engins explosifs non conventionnels.
Par dignité et en l’honneur de nos morts, nous exigeons un débat ouvert avec le président Uribe, pour que, face à la communauté nationale et internationale, il puisse répondre de ses politiques de génocide et explique les mesures du gouvernement pour conjurer les menaces sur la vie, l'intégrité, le maintien et la survie de vastes secteurs de la population colombienne. Il convient d'indiquer que, nous, peuples indigènes, réclamons depuis plus de quatre ans un dialogue direct avec le président, sans que cela soit possible. Le président n'aime pas les auditoires qu'il ne peut pas coopter où son ego en campagne présidentielle permanente peut être contesté. Il n'aime pas les vérités publiques et encore moins celles que nous proclamons et auxquelles nous travaillons pour la construction d'un État social pluriethnique, multiculturel, rassembleur, tolérant et surtout respectueux des libertés citoyennes, garant des droits humains et respectueux du droit international humanitaire.
Après de multiples obstacles, décès, violence et terrorisme d'État, la Minga nationale de résistance indigène et populaire a enfin obtenu de pouvoir rencontrer le président Uribe le 2 novembre dernier dans la réserve de La María de Piendamó.
De cette entrevue avec le gouvernement national qui n’a pas réussi à aborder, ni à satisfaire les points du débat, il ressort clairement pour nous que le président n'est pas intéressé à protéger et à garantir les droits collectifs, humains et de travail des citoyens colombiens. Que le président s'obstine à définir comme objectif militaire en qualifiant de terroristes et d’alliés de la guérilla, ceux qui, comme nous, défendent les droits humains des Colombiens et qui rejettent pour son caractère inconstitutionnel le Traité de Libre Échange avec les USA. Que la politique de « sécurité démocratique » exige génocide, alliances avec les paramilitaires, crimes d'État, faux positifs et le règne de la violence pour faire peur à tous ceux qui comme nous s’opposent au bradage aux entreprises transnationales des ressources naturelles de tous les Colombiens.
Il est aussi clair qu'au-dessus du bien-être, de l’avenir et des droits des citoyens colombiens, il y a les intérêts des entreprises transnationales et des chefs d'entreprise alliés du gouvernement national. Que le Statut de développement rural est la stratégie législative du gouvernement pour légitimer la spoliation territoriale commise par le feu et le sang par les paramilitaires et imposer les monocultures et les agrocarburants au détriment de la sécurité alimentaire des Colombiens. Que le gouvernement continuera à impulser le Plan Colombie, pour nous obliger au déplacement forcé de nos territoires.
Mais il est surtout clair que la comptabilité de la sécurité démocratique est conçue pour ajouter les meurtres perpétrés par la force publique contre des citoyens civils colombiens désarmés et non protégés; de même que les soldats et les policiers de la patrie peuvent aussi se transformer en assassins et criminels, pour satisfaire la haine viscérale que leur Commandant en Chef des forces armées réserve aux secteurs sociaux, populaires et démocratiques de la nation, dont nous faisons partie, nous qui nous opposons à sa violence militaire, politique et économique.
Face aux déclarations mensongères du gouvernement national lors de la rencontre de La María, qui défendait à outrance la violence et le génocide pour protéger les intérêts étrangers et légiférer en leur faveur; ainsi que face à son refus de s’engager à protéger et garantir les droits humains, légaux et collectifs des citoyens colombiens et sa volonté de continuer à massacrer et appauvrir le peuple colombien, la Minga nationale de résistance indigène et populaire a décidé de sortir des territoires indigènes et de se mobiliser à Bogotá, capitale de la république, pour se transformer tout au long de son parcours en Minga Nationale des violentés, des criminalisés, des exclus, des invisibles et victimes de l'État, du gouvernement national, des entreprises transnationales, du modèle paramilitaire de développement et de tous ceux qui prétendent se remplir les poches au prix de la faim, de la misère, du manque de bien-être et de l’avenir de la majorité des Colombiens.
Du 10 au 25 novembre, la Minga nationale de résistance indigène et populaire marchera de Cali à Bogota, en portant la parole, en rassemblant et en transmettant sa clameur de vie, de liberté et de souveraineté parmi les Colombiens pour se transformer en forum social itinérant et en la journée d'unité communautaire, sociale et populaire la plus grande de notre histoire.
La Minga est devenue maintenant le pays, nous sommes les étudiants atteints dans notre dignité, les travailleurs méprisés et menacés, les syndicalistes, journalistes et enseignants assassinés pour avoir pensé et voulu construire la Colombie accueillante, les défenseurs de l'eau et des ressources naturelles comme biens publics, les victimes de la violence de l'État et des groupes illégaux, les défenseurs des droits humains qui exigeons de vrais procès, la justice et la réparation pour les crimes de guerre. Nous sommes aussi les chômeurs et tous ceux dont les droits légaux et humains ont été bafoués.
Nous sommes maintenant la Minga Nationale et nous réclamons avec dignité la souveraineté du peuple colombien, de ceux qui ont été assassinés par les soldats de la patrie pour satisfaire avec des faux positifs les demandes de morts qu'exige la politique de sécurité démocratique. Nous sommes la Minga et nous nous opposons aux politiques génocidaires et xénophobes de l'actuel gouvernement national et à ce qu’elles soient poursuivies par un mandat présidentiel de plus. Nous sommes la Minga des paysans du lait cru et des volailles de la basse-cour.. La Minga des Afrocolombiens qui ne veulent pas voir des cultures de palme remplacer les sources de notre sécurité alimentaire. Nous sommes la nation des chrétiens et catholiques qui croyons en la paix avec la justice sociale comme condition pour la réconciliation nationale et pour dépasser les causes structurelles du conflit.
Nous sommes également la Minga avec laquelle nous rejetons et nous nous opposons aux néocolonialismes et aux esclavages économiques et militaires modernes, ces vieilles pratiques qui aujourd'hui amènent 18 de nos peuples indigènes au bord de l’extinction.
Aujourd’hui nous sommes une nation qui se dirige vers la Place Bolívar à Bogotá, pour exiger du gouvernement national qu’il réponde du génocide, des crimes de lèse-humanité et des disparitions forcées débouchant sur des meurtres d'État. Qu’il réponde de la misère, de la malnutrition de nos enfants et du manque d’avenir pour nos nouvelles générations. Nous sommes une nation qui dit non au TLC [Traité de Libre Échange], qui exige la mise à plat de l'actuel modèle de développement et qui demande que soit abrogée toute la législation de spoliation basée sur l’absence de consultation et contraire aux droits des peuples.
En tant que nation, nous combattons pour nos droits à la terre et aux territoires pour leurs légitimes propriétaires, nous exigeons du gouvernement national d'accomplir les engagements ratifiés avec le peuple colombien. Aujourd’hui, nous sommes une nation qui demande à la Communauté Internationale et à ses organismes de protection des droits humains de nous accompagner et de vérifier la crise humanitaire et de leurs droits que les Colombiens sont en train de subir.
Nous sommes aujourd’hui une nation en résistance sociale et pacifique qui demande à la Cour Pénale Internationale d'intervenir dans notre pays pour punir les responsables de notre tragédie.
QUE LE SILENCE SOIT CONVERTI EN UN SEUL CRI DE RÉSISTANCE, POUR LA TERRE MÈRE !
LE GRAND CONSEIL DU GOUVERNEMENT INDIGÈNE - ONIC
Bogotá, 11 novembre 2008
(1) « tres puntas » : Nagual ou Nahual à « trois pointes » homme ou femme perpétuant une croyance préhispanique. En relation avec l’univers, utilisant des plantes hallucinogènes pour dépasser les limites de la perception afin d’atteindre d’autres niveaux de conscience. Après plusieurs générations, beaucoup ont appris à « voir », c'est-à-dire à percevoir le monde, non comme une interprétation, mais comme un flux constant d’énergie. [Assimilés à tort à des sorciers], le Nahualisme a été une pratique socialement acceptée comme le sont à notre époque, la religion ou la science. Avec le temps, leurs postulats ont gagné dans l’abstraction et la synthèse, se convertissant en une espèce de proposition philosophique dont les pratiquants portaient le nom de toltecas [ne pas confondre avec les guerriers toltecas]. Le Nahual des « trois pointes » a la faculté de transmettre ses connaissances de manières diverses, ce qui permet une diversification de lignées. Son esprit lumineux exerce un effet de dispersion sur le groupe en cassant la structure de pensée linéaire dans la transmission, et crée dans certains esprits un désir d’action et de changement et une découverte à la prédisposition de s’impliquer. Le nahualli à trois pointes est un sage, il sait s’exprimer, il a dans son intérieur une réserve (d’énergie), il a du cœur, vigilant, attentif, solidaire, il ne fait de mal à personne (Manuscrit Florentin). Source : http://www.wikilearning.com/monografia/la_regla_del_nahual_de_tres_puntas-los_naguales_de_tres_puntas/19418-9
(2) ESMAD : Escadrons Mobiles Anti-émeute, de la police nationale colombienne.
Images de la Marche à Cali, Palmira, Armenia et Ibagué
Source : CARTA DE LA ORGANIZACIÓN NACIONAL INDÍGENA DE COLOMBIA - ONIC
Traduit par Esteban G. et révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala
Alliance zapatiste de libération sociale, fondée à Paris le 12 mars 1995 Liberté, justice, démocratie, partout et pour tous! التحالف الزباتي من أجل التحرر الاجتماعي تأسس بباريس في 12 مـــارس 1995. حرية، عدالة، ديمقراطية في كل مكان وللجميــــــع yekfibasta[at]gmail.com :للاتصال
jeudi 20 novembre 2008
Assez de répression contre les peuples indigènes de Colombie !
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