Traduit par Pedro da Nóbrega, Tlaxcala
Rallonger la journée de travail, sans contrepartie de rémunération, voilà la contribution qu’offrent au monde le Portugal et l’Espagne en cette fin d’année 2011. Une alternative néolibérale à la crise du néolibéralisme. Plutôt que de la qualifier d’excroissance conservatrice, il serait peut-être plus juste d’accorder à Passos Coelho et Mariano Rajoy [chefs des gouvernements portugais et espagnol, ndt] le bénéfice de la cohérence. Ces dirigeants ibériques se limitent à radicaliser les recettes à l’origine de la crise mondiale, consistant, entre autres fondamentaux, en trois décennies de pression sur les revenus du travail dans les principales économies des pays riches, associées à une multitude de cadeaux fiscaux ayant permis aux plus riches de faire bombance.
Pour clarifier les choses : ce n’est pas la crise qui a généré l’austérité et la pauvreté qui ravagent la planète, mais ce sont justement l’austérité et les inégalités néolibérales qui ont conduit à cette situation explosive, aggravée aujourd’hui par des hommes de droite zélés, qui rajoutent une dose de poison. L’ordre des priorités pèse à l’évidence sur l’agenda à venir : la crise n’est pas seulement financière ; exercer un contrôle sur des pouvoirs financiers dérégulés n’est qu’une partie du chemin à parcourir pour maîtriser la redistribution des revenus économiques, férocement concentrés ces dernières décennies en soufflant simultanément le chaud et le froid – austérité d’un côté, crédit à gogo et endettement suicidaire de l’autre, menant gouvernements et familles à la faillite.
Vu sous cet angle, la position des portes-plumes du conservatisme local qui qualifie de “téméraire” le choix d’augmenter en 2012 le salaire minimum de 14% (9% en valeur réelle), insinuant, en reprenant le refrain de Rajoy et Passos Coelho, que “l’excès de dépenses” (fiscales et salariales) serait à l’origine de la crise et justifierait donc à l’heure de vérité une politique d’austérité, apparaît éminemment contestable. En injectant 47 milliards de Reais supplémentaires pour soutenir la demande interne, le gouvernement brésilien renforce en réalité l’immunité du pays face aux causes de la crise mondiale, qui repose en grande partie sur la compression du pouvoir d’achat des salariés, aujourd’hui ramené aux plus bas niveaux historiques dans de nombreux pays.
L’augmentation du salaire minimum permet, au contraire, de situer le pouvoir d’achat de 48 millions de Brésiliens à son plus haut niveau des 30 dernières années, générant une relance de la production et des recettes fiscales vertueuses, qui font précisément défaut aux pays riches. Parmi les divers effets bénéfiques, la “dépense” de 19,8 milliards de Reais correspondant à l’augmentation du minimum vieillesse pour 20 millions de retraités va générer 22,9 milliards de Reais de recettes fiscales supplémentaires qui iront ainsi alimenter les finances publiques selon les chiffres fournis par le Dieese (Département Intersyndical de Statistiques et d’Études Socioéconomiques).
Vu sous cet angle, la position des portes-plumes du conservatisme local qui qualifie de “téméraire” le choix d’augmenter en 2012 le salaire minimum de 14% (9% en valeur réelle), insinuant, en reprenant le refrain de Rajoy et Passos Coelho, que “l’excès de dépenses” (fiscales et salariales) serait à l’origine de la crise et justifierait donc à l’heure de vérité une politique d’austérité, apparaît éminemment contestable. En injectant 47 milliards de Reais supplémentaires pour soutenir la demande interne, le gouvernement brésilien renforce en réalité l’immunité du pays face aux causes de la crise mondiale, qui repose en grande partie sur la compression du pouvoir d’achat des salariés, aujourd’hui ramené aux plus bas niveaux historiques dans de nombreux pays.
L’augmentation du salaire minimum permet, au contraire, de situer le pouvoir d’achat de 48 millions de Brésiliens à son plus haut niveau des 30 dernières années, générant une relance de la production et des recettes fiscales vertueuses, qui font précisément défaut aux pays riches. Parmi les divers effets bénéfiques, la “dépense” de 19,8 milliards de Reais correspondant à l’augmentation du minimum vieillesse pour 20 millions de retraités va générer 22,9 milliards de Reais de recettes fiscales supplémentaires qui iront ainsi alimenter les finances publiques selon les chiffres fournis par le Dieese (Département Intersyndical de Statistiques et d’Études Socioéconomiques).
Nicole Eisenman, The Triumph of Poverty, 2009, Oil on canvas, 65 x 82 inches
Les politiques suivies depuis les années 90 par les gouvernements des pays développés, applaudies servilement par le dispositif médiatique de la droite brésilienne, ont consisté justement à alimenter une spirale inversée. Depuis l’an 2000, la classe moyenne usaméricaine titulaire d’un diplôme universitaire, n’a pas connu de revalorisation salariale. Plus de 46 millions d'USaméricains vivent aujourd’hui dans la pauvreté, atteignant ainsi le taux le plus élevé des 17 dernières années : 15,1%.
En termes absolus, le nombre actuel de pauvres aux USA est le plus élevé depuis que le Census Bureau [Bureau du recensement, ndt] a commencé à travailler sur les statistiques US il y a 52 ans. Illustrant de façon éloquente la casse sociale impulsée par le néolibéralisme, le nombre d'USaméricains dépourvus d’assurance-maladie se monte à environ 50 millions de personnes, et tout cela avant la crise qui a accentué le démantèlement du “way of life”, en amenant le total des chômeurs à 46 millions.
Cette recette ne constitue pas pour autant un privilège US. Un quart de l’ensemble des foyers d’Angleterre et du Pays de Galles, environ 20 millions de personnes, vivent à l’heure actuelle en situation de pauvreté, représentant le lourd héritage de gouvernements successifs, de Thatcher, en passant par Blair, jusqu’à l’actuelle “gravure de mode” comme le surnomme Luiz Gonzaga Belluzzo [sociologue et économiste brésilien réputé, ndt]. Cameron n’éprouve aucun scrupule à traiter à la chaux vive un réseau de services sociaux qui a jadis figuré parmi les plus développés d’Europe. Diverses enquêtes montrent qu’en plein hiver, un nombre croissant de familles anglaises subissent la pire situation de dénuement depuis la 2ème Guerre Mondiale. Un récent rapport de l’OCDE – pas vraiment un bastion progressiste – avec ce titre éloquent " Nous sommes divisés parce que les inégalités augmentent ”, précise que “le revenu moyen des 10% des plus riches représente neuf fois le revenu moyen des 10% des plus pauvres” dans les pays membres de cette organisation (riches, en majeure partie).
L’écart augmente de un à dix pour la Grande-Bretagne, l’Italie et la Corée du Sud pour atteindre de 1 à 14 en Israël, aux USA et en Turquie, révèle le rapport. Les données relatives aux USA indiquent que “le revenu par famille, après impôts, a plus que doublé entre 1979 et 2007 pour les 1% plus riches. Mais ce même revenu a diminué de 7% à 5% pendant la même période s’agissant des 20 % plus pauvres.
“Quand nous évoquons les plus riches d’entre les riches, cela signifie qu’une marge existe pour augmenter les impôts”, a déclaré Angel Gurria, le Secrétaire Général de l’organisation, dans une allusion voilée aux scandaleuses et successives exonérations de toutes sortes accordées aux plus fortunés depuis le gouvernement Reagan, dans les années 80.
La crise néolibérale s’est nourrie de ce postulat de démantèlement simultané des revenus et des emplois provoqué par une délocalisation des emplois et des entreprises vers les « ateliers asiatiques ». L’asphyxie de ce modèle capitaliste n’est pas intervenue plus tôt simplement grâce à la bouée de secours d’un endettement massif des gouvernements et des familles, qui a atteint des sommets de virtuosité insoutenable dans la bulle immobilière USaméricaine, dont l’explosion a déclenché la crise mondiale de 2008.
Quand les subprimes ont crié --'le roi est nu'— tout le savant édifice d’une suprématie financière reposant sur un crédit sans épargne (parce que sans emplois, sans revenus et sans recettes fiscales correspondantes) s’est effondré.
Les tentatives actuelles de “solder le passif” de cet effondrement en ne traitant que ses hoquets financiers – c’est-à-dire, en préservant les banques et en comprimant encore plus les salariés et les pauvres – ne constituent que des façons de perpétuer l’essence même de la crise plutôt que de s’attaquer à ses racines profondes. L’enjeu est autrement plus fondamental. Exercer un contrôle sur des pouvoirs financiers dérégulés n’est qu’une partie du chemin à parcourir pour maîtriser la redistribution des revenus économiques, férocement concentrés ces dernières décennies en soufflant simultanément le chaud et le froid – austérité d’un côté, crédit à gogo de l’autre.
Vouloir préserver ce modèle par un étranglement du crédit, comme certains prétendent le faire, équivaut à un carnage économique et social. À en juger par les initiatives prises par les dirigeants portugais et espagnols, la droite n’hésitera pas à se servir de la tronçonneuse en 2012. À suivre.
En termes absolus, le nombre actuel de pauvres aux USA est le plus élevé depuis que le Census Bureau [Bureau du recensement, ndt] a commencé à travailler sur les statistiques US il y a 52 ans. Illustrant de façon éloquente la casse sociale impulsée par le néolibéralisme, le nombre d'USaméricains dépourvus d’assurance-maladie se monte à environ 50 millions de personnes, et tout cela avant la crise qui a accentué le démantèlement du “way of life”, en amenant le total des chômeurs à 46 millions.
Cette recette ne constitue pas pour autant un privilège US. Un quart de l’ensemble des foyers d’Angleterre et du Pays de Galles, environ 20 millions de personnes, vivent à l’heure actuelle en situation de pauvreté, représentant le lourd héritage de gouvernements successifs, de Thatcher, en passant par Blair, jusqu’à l’actuelle “gravure de mode” comme le surnomme Luiz Gonzaga Belluzzo [sociologue et économiste brésilien réputé, ndt]. Cameron n’éprouve aucun scrupule à traiter à la chaux vive un réseau de services sociaux qui a jadis figuré parmi les plus développés d’Europe. Diverses enquêtes montrent qu’en plein hiver, un nombre croissant de familles anglaises subissent la pire situation de dénuement depuis la 2ème Guerre Mondiale. Un récent rapport de l’OCDE – pas vraiment un bastion progressiste – avec ce titre éloquent " Nous sommes divisés parce que les inégalités augmentent ”, précise que “le revenu moyen des 10% des plus riches représente neuf fois le revenu moyen des 10% des plus pauvres” dans les pays membres de cette organisation (riches, en majeure partie).
L’écart augmente de un à dix pour la Grande-Bretagne, l’Italie et la Corée du Sud pour atteindre de 1 à 14 en Israël, aux USA et en Turquie, révèle le rapport. Les données relatives aux USA indiquent que “le revenu par famille, après impôts, a plus que doublé entre 1979 et 2007 pour les 1% plus riches. Mais ce même revenu a diminué de 7% à 5% pendant la même période s’agissant des 20 % plus pauvres.
“Quand nous évoquons les plus riches d’entre les riches, cela signifie qu’une marge existe pour augmenter les impôts”, a déclaré Angel Gurria, le Secrétaire Général de l’organisation, dans une allusion voilée aux scandaleuses et successives exonérations de toutes sortes accordées aux plus fortunés depuis le gouvernement Reagan, dans les années 80.
La crise néolibérale s’est nourrie de ce postulat de démantèlement simultané des revenus et des emplois provoqué par une délocalisation des emplois et des entreprises vers les « ateliers asiatiques ». L’asphyxie de ce modèle capitaliste n’est pas intervenue plus tôt simplement grâce à la bouée de secours d’un endettement massif des gouvernements et des familles, qui a atteint des sommets de virtuosité insoutenable dans la bulle immobilière USaméricaine, dont l’explosion a déclenché la crise mondiale de 2008.
Quand les subprimes ont crié --'le roi est nu'— tout le savant édifice d’une suprématie financière reposant sur un crédit sans épargne (parce que sans emplois, sans revenus et sans recettes fiscales correspondantes) s’est effondré.
Les tentatives actuelles de “solder le passif” de cet effondrement en ne traitant que ses hoquets financiers – c’est-à-dire, en préservant les banques et en comprimant encore plus les salariés et les pauvres – ne constituent que des façons de perpétuer l’essence même de la crise plutôt que de s’attaquer à ses racines profondes. L’enjeu est autrement plus fondamental. Exercer un contrôle sur des pouvoirs financiers dérégulés n’est qu’une partie du chemin à parcourir pour maîtriser la redistribution des revenus économiques, férocement concentrés ces dernières décennies en soufflant simultanément le chaud et le froid – austérité d’un côté, crédit à gogo de l’autre.
Vouloir préserver ce modèle par un étranglement du crédit, comme certains prétendent le faire, équivaut à un carnage économique et social. À en juger par les initiatives prises par les dirigeants portugais et espagnols, la droite n’hésitera pas à se servir de la tronçonneuse en 2012. À suivre.
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