par Fabien Perrier, L'Humanité, 6/5/2012
Athènes, envoyé spécial. Les résultats, en Grèce,
donnent le parti Nouvelle Démocratie en tête, mais avec le score le plus
faible de son histoire. Le Pasok – social-démocrate – s’effondre. Les
néonazis font leur entrée au Parlement. La gauche, qui a toujours
combattu l’austérité et les politiques des mémorandums, progresse
fortement, et plus particulièrement Syriza, la coalition de gauche dont
la principale composante, Synaspismos, est membre du PGE. C’est un
signal fort que les électeurs ont envoyé aux partis. Seront-ils
entendus ?
Vendredi soir, lors du dernier meeting de campagne du Pasok, le parti
arrivé en tête des élections en octobre 2009, le leader, Evangelos
Venizelos, voulait y croire. Croire que son parti n’allait pas
s’effondrer, que les urnes ne sanctionneraient pas la politique menée
présentée comme « la seule » possible, croire, aussi, que l'élection de
François Hollande aurait des répercussions sur le Pasok – le PS et le
Pasok sont membres de l’Internationale socialiste. Il n’en fut rien.
Au soir du scrutin, il est évident que le parti social-démocrate grec
s’est effondré. Alors qu’il se partageait, depuis la chute des
colonels, en 1974, le pouvoir avec Nouvelle Démocratie (ND, droite),
qu’ils recueillaient à eux deux jusqu’à 80% des voix, ils peinent à
atteindre 40%.
Dès vendredi soir, pourtant, quelques signaux donnaient la tendance.
« Oui, il y a malheureusement plus de journalistes que de militants sur
la place Syntagma », reconnaissait une candidate distribuant ses tracts.
A la question : « allez-vous voter pour le Pasok ? », une jeune femme
répondait : « non, surtout pas ! Je suis là pour aider le député car il
est le père de mon ami ».
C’est effectivement la fin d’un système politique que les Grecs ont
demandé : celui de la fin des petits arrangements entre amis dont les
élections et les campagnes précédentes représentaient, en quelque sorte,
le concentré.
C’est surtout la fin de l’austérité appliquée depuis plus 2 ans et
demi qu’ils ont revendiquée. Depuis que la Grèce a pris connaissance de
la réalité de comptes publics en octobre 2009, qu’elle a subi les
attaques des marchés, et plus encore depuis qu’elle a fait appel à la
troïka (BCE, Commission, FMI) en mai 2010, les coupes budgétaires,
baisses des pensions, des salaires, des minimas sociaux, hausse des
impôts et des taxes, privatisation se multiplient. Tous les partis qui
se sont exprimés pour cette politique essuie une sérieuse déculottée :
ND et le Pasok en tête, ainsi que le Laos (extrême-droite). Ces trois
partis ont participé au gouvernement d’union nationale mis en place en
novembre 2011. ND obtient ainsi – à l’heure où nous écrivons ces lignes –
20,31% (33,47% en 2009), le Pasok 14,11% (43,92% en 2009), et le Laos
2,89% (5,63% en 2009). Le Laos ne devrait donc pas faire son entrée au
Parlement car il ne franchit pas la barre des 3% nécessaire.
Les néo-nazis de Chryssi Avghi obtiennent, eux, des sièges au
parlement. Ils auraient recueilli 6,81% des voix. « Tous ceux qui ont
voté Chryssi Avghi ne sont pas des fascistes. Ce sont des gens qui
voulaient exprimer leur rage ; c’est un vote anti-système. Beaucoup vont
réaliser que Chryssi Avghi est un parti néofasciste » explique à
l’Humanité Panagiotis Sotiris, professeur à l’université d’Egée. Autre
vote qui frise avec le refus du antisystème et repose sur un moteur
nationaliste : celui pour les Grecs indépendants. Ce parti, scission de
ND, recueille 10,31% des suffrages selon les premières données du
Ministère de l’Intérieur.
Dans ces conditions, la vraie victoire est celle de la gauche dans
son ensemble. Le KKE, qui recueille 8,4% des voix, progresse de près
d’un point par rapport à 2009 (7,54%). La Gauche démocratique, scission
de Synaspimos en 2010, recueille 6% des voix. Quant à Syriza, la
coalition de gauche dont la principale composante est Synaspismos, il
triple son score de 2009 passant de 4,6% à 15,8%. Une formation
anticapistaliste, Andarsia, n’entrera pas mais progresse. Une vague
rouge roule sur la Vouli. Elle n’est toutefois pas suffisante pour que
la gauche puisse gouverner.
Pour Panagiotis Sotiris, ces élections sont « un désastre pour le
Pasok. Cette augmentation de la gauche est importante. Le message est
qu’il n’est pas pas possible de continuer sur cette voie. »
Ce message, il semble qu’il peine à arriver aux oreilles des
dirigeants des partis de gouvernement. Ainsi, le leader de la droite
gouvernementale Antonis Samaras, arrivé en tête des élections
législatives en Grèce, a proposé la formation « d’un gouvernement de
salut national » pour permettre le maintien de la Grèce dans l’euro.
Evangelos Venizelos, le chef du Pasok qui a enregistré une défaite
historique, a appelé à la formation d’un « gouvernement d’union
nationale pro-européen » pour sortir le pays de l’impasse. Ce ministre
des Finances de l’équipe sortante qui a négocié avec UE et FMI un
deuxième plan de sauvetage du pays, a certes reconnu qu’une telle tâche
serait « difficile », au vu du séisme électoral en Grèce. Mais « le
changement radical de la scène politique ne signifie pas la fin de la
crise, la crise est en pleine évolution », a-t-il souligné. Il a oublié
d’ajouter qu’une crise politique profonde pourrait être la conséquence
de ces résultats… eux-mêmes pervertis par un système électoral qui
favorise le parti arrivé en tête, quelque soit sa réelle implantation
politique. Car tout gouvernement qui maintiendrait la politique
d’austérité renierait profondément les signaux envoyés par les
électeurs. En Grèce, derrière la joie liée aux résultats, l’inquiétude
reste de mise.
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