L’attaque nocturne coordonnée contre sept cibles d’importance à Mumbai rappelle les attentats de 1993 qui avaient dévasté la bourse de Bombay. Cette nouvelle attaque porte la marque du même cerveau criminel – préparation minutieuse, exécution impitoyable et absence de revendications ou d’exigences.
Ce silence étrange qui a accompagné les explosions est la signature même d’Ibrahim Dawood, aujourd’hui propriétaire multimillionnaire d’une société de construction à Karachi au Pakistan. Son nom n’est pas aussi familier pour le monde que celui d’Osama ben Laden. Cependant, en Asie du sud-est, Dawood est un homme craint et, par une sorte de renversement des valeurs, admiré pour sa transformation tardive de parrain du crime en redresseur de torts autoproclamé.
Son accession aux plus haut sommets de la hiérarchie de la pègre indienne a démarré avec sa position de fils dévoué d’un agent de police de la populeuse capitale économique connue à l’époque sous le nom de Bombay.
Remontant à l’enfance, sa familiarité avec les procédures policières et les rouages internes de l’appareil judiciaire avaient donné à cet adolescent ambitieux une capacité remarquable ruser avec les autorités avec des projets criminels toujours plus sophistiqués. Dans le milieu des gangs sans instruction de Bombay, Ibrahim put émerger comme le leader cohérent d’une mafia multi religieuse, pas seulement en raison de son aptitude à pratiquer l’extorsion de fonds et à rétribuer son personne, mais aussi en éliminant impitoyablement ses rivaux.
Dawood, toujours professionnel de la résolution de problèmes, gagna l’amitié d’aspirants officiers du service de renseignement indien connu sous le nom de Research and Analysis Wing (RAW). Il attira rapidement l’attention des agents secrets Etatsuniens qui à l’époque appuyaient mes moudjahidin Musulmans dans leur lutte contre l’occupation soviétique en Afghanistan. Dawood contribua personnellement à de nombreuses opérations secrètes US destinées à financer les rebelles Afghans via des casinos gérés par les Américains à Katmandou au Népal.
Désireux de complaire à tout le monde, Dawood jouait à l’occasion sur deux tableaux, fournissant des documents de voyage et d’autres services à des pirates de l’air islamistes. En réaction, les maîtres espions de Washington tentèrent de « confisquer » hors voie officielle ses investissements dans les casinos népalais. La colère qui s’empara de Dawood est légendaire chez les habitants de Bombay. Honorable homme d’affaires, il s’en tenait strictement à la conviction qu’un accord était un accord et qu’aucune raison ne pouvait justifier sa remise en cause.
Comme Bombay devenait unes des premières places asiatiques – les tarifs de l’immobilier et des hôtels sont parmi les plus élevés de la région – Dawood aurait pu mener une vie confortable de caïd reconverti. Au lieu de quoi, il fut saisi d’une crise de conscience, une indignation morale inédite chez lui, quand des nationalistes Hindous de droite détruisirent une mosquée du nord de l’Inde en 1992, tuant 2000 fidèles Musulmans, des femmes et des enfants pour la plupart.
Un jour du mois de mai suivant, ses hommes de main placèrent des bombes à Bombay, tuant plus de 300 personnes. Ses convictions personnelles avaient – de manière inhabituelle- pris le pas sur sa froide éthique professionnelle. Secoué par le choc, son bras droit Hindou tenta d’assassiner Dawood. Une guerre sanglante déchira ensuite la bande mais, comme toujours, Dawood en sortit vainqueur malgré son exil à Dubaï et à Karachi.
Pendant les dix années qui ont suivi, la violence au Cachemire ayant atteint ses sommets, Dawood envoya par bateau ses jeunes recrues lourdement armées pour débarquer discrètement sur des plages indiennes. La même méthode a été utilisée dans les attaques de Mumbai avec plus de bateaux, sept embarcations d’après les rapports initiaux de la marine indienne.
Pourquoi cette attaque maintenant, au début des fêtes de Thanksgiving aux Etats-Unis ? Le leader d’opposition Indien et ancien vice premier ministre L.K. Advani a longtemps essayé d’obtenir l’extradition de Dawood du Pakistan, démarche qui avait rencontré l’opposition de gouvernement militaire d’Islamabad à l’époque. Suite à la restauration d’un gouvernement civil, le nouveau premier ministre Pakistanais (Gillani) a consenti à faire droit à la requête d’extradition de New Delhi.
Washington comme Londres sont tombés d’accord sur la démarche judiciaire de l’Inde et ont retiré l’ancienne « protection officielle » accordée à Dawood pour ses services passé rendus aux agences de renseignement occidentales. Pourtant, les diplomates Etatsuniens ne pourront jamais permettre le retour de Dawood. Il en sait tout simplement trop sur les secrets les plus sombres des USA an Asie du sud et dans le Golfe dont la révélation pourrait torpiller les relations entre l’Inde et les Etats-Unis. Dawood a été transféré fin juin en lieu sûr à Quetta près des zones tribales du Waziristan et, depuis, il a disparu, probablement de retour au Moyen Orient.
Comme dans le cas d’Oussama ben Laden, le protégé américain de la guerre en Afghanistan, le retour de flamme de la politique secrète des Etats-Unis s’est manifesté soudainement avec des effets spectaculaires à Mumbai. L’attaque contre l’hôtel Taj Mahal s’avérera probablement comme le premier coup fatal porté à l’administration Obama à venir. Les assaillants, qui parlaient le Pendjabi et non le dialecte du Deccan, se sont donnés beaucoup de mal pour incendier cet hôtel prestigieux qui est la propriété du groupe Tata. Ce géant industriel est le plus important soutien parmi les milieux d’affaires de l’accord de coopération nucléaire entre les USA et l’Inde et tata envisage actuellement de devenir un fournisseur d’énergie nucléaire. Les Clinton, en leur qualité d’émissaires d’Enron, furent les premiers à proposer un accord nucléaire avec New Delhi ; ainsi Obama hérite de la catastrophe de Mumbai avant même d’avoir pris ses fonctions.
Dawood figure en quatrième position sur la liste Forbes des dix hors la loi les plus recherchées. Après la nouvelle vague d’attaques qui vient de tuer plus de cent personnes et dévasté des hôtels cinq étoiles, Dawood peut désormais briguer la première place dans les mois et années à venir. En contraste avec le fanatisme souvent inefficace de ben Laden, Dawood est un professionnel à tous points de vue et donc un adversaire bien plus redoutable. Pourtant certains parmi les services de renseignements militaires pakistanais déclarent que Dawood est mort, tué en juillet. Cette version des faits a tout d’une variation sur l’histoire de ben Laden. Si elle est vraie, alors ses sous fifres assument la mission d’un hors la loi transfiguré en légende.
L'affiche du film indien Black Friday, inspiré des attentats de 1993 à Bombay.
Source : Dawood - Did Criminal Mastermind Stage Mumbai Nightmare?
Article original publié le 28/11/2008
Sur l’auteur
Trduit par Mounadil al Djazaïri
Versione italiana Dawood Ibrahim: una mente criminale dietro l'incubo di Mumbai?
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