Quand ce n’est pas une coupure d'électricité qui laisse des quartiers entiers dans l'obscurité, c'est l'eau qui n'arrive pas en haut des étages ou la bouteille de gaz butane qui se termine. Si tu as un générateur électrique, une de ses petites pièces mécaniques ne tardera pas à se casser de façon irréparable parce qu’avant-même que ne commence le blocus de trois semaines, Israël avait interdit l'entrée dans la bande de toute pièce de rechange pour voitures, machines et appareils électroménagers.
Et si, de quelque manière que ce soit, tu obtiens l'argent pour acheter un des générateurs passés en contrebande à travers le tunnel (leur prix a doublé ou triplé au cours du le dernier mois), c’est au prix de ne pas pouvoir payer le radiateur (pas électrique, bien sûr), les cours d'anglais, les vêtements pour les enfants et les visites chez le médecin.
Gaza c’est cela, en novembre 2008. Gaza, ce sont les magasins vides de l'Agence de Nations Unies pour les réfugiés et ce sont aussi les agriculteurs qui ont semé et arrosé leurs tomates, leurs goyaves et leurs fraises qu’ils ne peuvent pas commercialiser hors de la bande parce qu'Israël l'interdit. Gaza, c’est aussi le calme avec lequel les gens acceptent l'obscurité soudaine et les plaisanteries sur le peu de nourriture qui reste à gaspiller dans le réfrigérateur.
Gaza, c’est la capacité de raconter des blagues dans toute situation, et l'insulte brûlante de ne pas avoir d'eau courante durant trois ou quatre jours. Et malgré cela, les enfants vont propres et correctement habillés à l’école.
Gaza, c’est la longue rue Nasser, qui est fermée à la circulation depuis plus d’un an. L'asphalte est usé, criblé de nids de poules et couvert de monticules de sable. Lorsqu'Israël avait interdit l'entrée de matériel de construction et des matières premières dans la bande, les travaux de rénovation ont été interrompus dans cette artère publique, principal accès aux trois hôpitaux, qui sont toujours sous la menace d'une défaillance du matériel médical si une pièce cesse de fonctionner.
Mais Gaza, ce sont aussi les parents qui n’ont pas peur de laisser leurs enfants seuls à la maison, ou leur permettre d'aller jouer sur un terrain de jeu loin de la maison ou d’aller seuls visiter leur grand-mère dans le camp de réfugiés de Jabaliya (dans les rues parallèles à la rue Nasser).
Gaza, ce sont les rapports sur des attaques de policiers contre des sympathisants du Fatah à l'université. Gaza, c'est aussi la fermeture d'un restaurant, encore par la police, parce que ses propriétaires n'ont pas informé suffisamment à l’avance qu’un symposium y serait organisé par un centre de recherche associé aux autorités de Ramallah, auquel participaient des orateurs du Hamas.
Gaza, c’est l’enseignant qui oblige les filles à se couvrir la tête au collège, bien que des hauts responsables soutiennent que ce n'est pas la politique du ministère de l'éducation. Gaza, c’est l’exagération et les rumeurs, c’est aussi l’information venant des prisonniers du Fatah sur les caméras installées dans les commissariats pour assurer que les interrogatoires se réalisent dans les limites légales. C'est aussi la surprise quand la police du Hamas restitue les objets volés, avant-même que la plainte pour vol ait été déposée.
Gaza, c’est le sentiment des sympathisants du Fatah que le pouvoir leur a été volé et leur peur face au système de sécurité, et la confiance en soi du Hamas. Ce sont les comparaisons faites avec les méthodes d'intimidation à l'époque de Yasser Arafat et l'échange d'information sur la suppression des activités du Hamas en Cisjordanie
Gaza, c’est la colère de tout le monde, y compris des membres du Fatah, devant ce qui apparaît comme un abandon de la bande par Ramallah et son indifférence délibérée au sort de ses habitants.
Gaza, ce sont des gens qui rêvent de partir et des gens qui sont partis étudier ou travailler il y a des années et à qui elle manque. Gaza, c’est la personne qui ne peut pas revenir auprès de sa famille parce que, même si elle trouvait une faille par laquelle elle pourrait traverser la frontière fermée par Israël, elle serait prisonnière à l’intérieur et devrait complètement renoncer à sa liberté de mouvement et de choix.
Ici tout est très intense.
« Nous mesurons nos vies en minutes, pas en jours ni en semaines », dit un sympathisant du Fatah. Sa vie est bouleversée depuis juin 2007 et chaque jour, elle est perturbée par la rupture politique. Il se référait à des sympathisants du Fatah comme lui, convaincu que les gens du Hamas en Cisjordanie « mesurent aussi leur vie en minutes ».
Mais sa description vaut également pour tous les autres. Les changements sont tellement soudains, tellement violents, tellement vertigineux et tellement fréquents que personne ne peut les contrôler, qu'il s'agisse de politique de haut niveau ou de l'heure à laquelle il faut faire la lessive.
Gaza , ce sont des gens qui tentent constamment de se cramponner à une vie normale, même si Israël les accable de conditions d’enfermement anormales, les isole du reste du monde et provoque une détérioration telle qu’ils sont réduits à un état humiliant de dépendance de la charité internationale.
Source : This is Gaza
Article original publié le 27/11/2008
Sur l’auteure
Traduit par Esteban G. et révisé par Fausto Giudice,Tlaxcala
Et si, de quelque manière que ce soit, tu obtiens l'argent pour acheter un des générateurs passés en contrebande à travers le tunnel (leur prix a doublé ou triplé au cours du le dernier mois), c’est au prix de ne pas pouvoir payer le radiateur (pas électrique, bien sûr), les cours d'anglais, les vêtements pour les enfants et les visites chez le médecin.
Gaza c’est cela, en novembre 2008. Gaza, ce sont les magasins vides de l'Agence de Nations Unies pour les réfugiés et ce sont aussi les agriculteurs qui ont semé et arrosé leurs tomates, leurs goyaves et leurs fraises qu’ils ne peuvent pas commercialiser hors de la bande parce qu'Israël l'interdit. Gaza, c’est aussi le calme avec lequel les gens acceptent l'obscurité soudaine et les plaisanteries sur le peu de nourriture qui reste à gaspiller dans le réfrigérateur.
Gaza, c’est la capacité de raconter des blagues dans toute situation, et l'insulte brûlante de ne pas avoir d'eau courante durant trois ou quatre jours. Et malgré cela, les enfants vont propres et correctement habillés à l’école.
Gaza, c’est la longue rue Nasser, qui est fermée à la circulation depuis plus d’un an. L'asphalte est usé, criblé de nids de poules et couvert de monticules de sable. Lorsqu'Israël avait interdit l'entrée de matériel de construction et des matières premières dans la bande, les travaux de rénovation ont été interrompus dans cette artère publique, principal accès aux trois hôpitaux, qui sont toujours sous la menace d'une défaillance du matériel médical si une pièce cesse de fonctionner.
Mais Gaza, ce sont aussi les parents qui n’ont pas peur de laisser leurs enfants seuls à la maison, ou leur permettre d'aller jouer sur un terrain de jeu loin de la maison ou d’aller seuls visiter leur grand-mère dans le camp de réfugiés de Jabaliya (dans les rues parallèles à la rue Nasser).
Gaza, ce sont les rapports sur des attaques de policiers contre des sympathisants du Fatah à l'université. Gaza, c'est aussi la fermeture d'un restaurant, encore par la police, parce que ses propriétaires n'ont pas informé suffisamment à l’avance qu’un symposium y serait organisé par un centre de recherche associé aux autorités de Ramallah, auquel participaient des orateurs du Hamas.
Gaza, c’est l’enseignant qui oblige les filles à se couvrir la tête au collège, bien que des hauts responsables soutiennent que ce n'est pas la politique du ministère de l'éducation. Gaza, c’est l’exagération et les rumeurs, c’est aussi l’information venant des prisonniers du Fatah sur les caméras installées dans les commissariats pour assurer que les interrogatoires se réalisent dans les limites légales. C'est aussi la surprise quand la police du Hamas restitue les objets volés, avant-même que la plainte pour vol ait été déposée.
Gaza, c’est le sentiment des sympathisants du Fatah que le pouvoir leur a été volé et leur peur face au système de sécurité, et la confiance en soi du Hamas. Ce sont les comparaisons faites avec les méthodes d'intimidation à l'époque de Yasser Arafat et l'échange d'information sur la suppression des activités du Hamas en Cisjordanie
Gaza, c’est la colère de tout le monde, y compris des membres du Fatah, devant ce qui apparaît comme un abandon de la bande par Ramallah et son indifférence délibérée au sort de ses habitants.
Gaza, ce sont des gens qui rêvent de partir et des gens qui sont partis étudier ou travailler il y a des années et à qui elle manque. Gaza, c’est la personne qui ne peut pas revenir auprès de sa famille parce que, même si elle trouvait une faille par laquelle elle pourrait traverser la frontière fermée par Israël, elle serait prisonnière à l’intérieur et devrait complètement renoncer à sa liberté de mouvement et de choix.
Ici tout est très intense.
« Nous mesurons nos vies en minutes, pas en jours ni en semaines », dit un sympathisant du Fatah. Sa vie est bouleversée depuis juin 2007 et chaque jour, elle est perturbée par la rupture politique. Il se référait à des sympathisants du Fatah comme lui, convaincu que les gens du Hamas en Cisjordanie « mesurent aussi leur vie en minutes ».
Mais sa description vaut également pour tous les autres. Les changements sont tellement soudains, tellement violents, tellement vertigineux et tellement fréquents que personne ne peut les contrôler, qu'il s'agisse de politique de haut niveau ou de l'heure à laquelle il faut faire la lessive.
Gaza , ce sont des gens qui tentent constamment de se cramponner à une vie normale, même si Israël les accable de conditions d’enfermement anormales, les isole du reste du monde et provoque une détérioration telle qu’ils sont réduits à un état humiliant de dépendance de la charité internationale.
Source : This is Gaza
Article original publié le 27/11/2008
Sur l’auteure
Traduit par Esteban G. et révisé par Fausto Giudice,Tlaxcala
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