jeudi 4 décembre 2008

DAEWOO fait main basse sur Madagascar : la course aux terres agricoles, nouvelle pratique de néocolonialisme

par Vololona R., 3 décembre 2008
Depuis le 19 novembre dernier, l’attention de la presse et de l’opinion publique internationales se focalise sur Madagascar à la suite de l’annonce par un ministre sud-coréen de la signature d’un contrat de ‘location’ de 1,300 millions d’hectares de terrains arables pour 99 ans par une société sud-coréenne, Daewoo Logistics en vue de la culture de maïs et de palmiers. Les détails du contrat révélé par la presse internationale, suite aux déclarations faites par le directeur financier de Daewoo Logistics, Shin Dong-hyun, lundi 17 novembre à la presse sud-coréenne sont préoccupants et sans précédent :
- La surface louée représente l’équivalent de la moitié de la Belgique. Ou encore de la moitié des surfaces cultivables à Madagascar.
- Daewoo plantera du maïs sur 1 million d’hectares dans la zone Ouest et du palmier à huile à l’Est sur 300 000 hectares. Les semences de palmiers seront importées d'Indonésie et du Costa Rica, celle de maïs des Etats-Unis (Le Monde du 20 novembre 2008). La récolte brute sera envoyée en Corée du Sud.
- Les termes du contrat ressembleraient seraient plutôt à ceux d’un projet d’extraction puisque l’accord ne prévoit pas de versement d’argent à l’Etat malgache, les investissements dans les infrastructures nécessaires à la mise en place du projet tiendraient lieu de ‘prix de location’.
- Daewoo Logistics utiliserait essentiellement de la main d’oeuvre sud-africaine selon le Financial Times cité par l’AFP.
Les principaux ministres malgaches concernés ainsi que les représentants de Daewoo à Madagascar « démentent » en insistant sur le fait que le projet en est seulement au stade de prospection de terrains et de négociations. La presse maintient l’existence du projet car la société sud-coréenne aurait effectivement effectué plusieurs missions à Madagascar au cours de l’année 2008.
L’opinion publique malgache, informée par la presse internationale, est particulièrement en alerte car plusieurs grands projets déjà en cours à Madagascar démontrent la réalité de contrats dont les termes conjuguent une exploitation drastique des richesses du pays par les investisseurs étrangers avec des bénéfices insignifiants pour la nation et les populations malgaches. En effet, l’une des particularités des nouveaux contrats établis par rapport aux échanges inégaux qui ont toujours existé entre les investisseurs étrangers et les autorités malgaches successives réside dans la venue et l’utilisation de travailleurs et ouvriers d’origine étrangère en quantité plus que conséquente. Le bénéfice potentiel en termes de créations d’emplois locaux, n’est donc plus avéré. L’autre problème crucial dans la lutte pour la survie des paysans pauvres et des familles malgaches démunies réside actuellement dans le changement du système de propriété foncière, dont nous pourrons parler dans un prochain article.
La recherche de terres cultivables par les grands groupes internationaux dans les pays pauvres du Sud est une tendance rencontrée dans le monde actuellement. Les articles relatifs au projet Daewoo à Madagascar ont souvent cité le cas similaire de l’Angola et rappelé l’alerte déclenchée par le système des nations unies publié dans un rapport du FAO qui avait mis en garde les pays en quête de terres à cultiver à l'étranger contre un système assimilé à du " néocolonialisme ".
Mais le cas malgache serait « le contrat, le plus important de ce type jamais conclu » (Financial Times du 19 novembre) et les conséquences négatives sur les paysans et sur la nation entière d’un tel projet sont inestimables. Comme l’ont noté justement certains observateurs, « même si ce contrat n’a pas été encore signé, en tout cas il est en marche, et ni la surface de 1,3 millions d’hectares, ni la durée de 99 ans et ni la gratuité n’ont été contesté par les autorités malgaches ».
Aussi, le soutien international spontanément provoqué par la divulgation de ce contrat devrait se poursuivre par une mobilisation internationale pour soutenir les paysans malgaches et les organisations locales qui luttent pour la défense de leur patrimoine, en coordination avec les dénonciations de cette tendance mondiale de nouvelle colonisation des terres évoquée par les Nations Unies. Seule cette action pourra empêcher la signature du contrat, si elle n’a pas encore eu lieu, ou fera reculer ceux qui ont osé le signer derrière le dos des citoyens malgaches et au détriment des générations futures.
L'auteure de cet article est une militante associative malgache

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