lundi 19 octobre 2009

Wole Soyinka et le doux lait de la bien-pensance

par Einar SCHLERETH, 19/10/2009

J’ai fait connaissance avec Wole Soyinka dans les années 80 grâce aux éditions suisses Ammann, qui ont publié en 1986  « Aké ou les années d’enfance»] et en 1987 « Cet homme est mort » - entre autres. En outre j’ai lu quelques-unes de ses pièces de théâtre  et de ses prises de position, notamment en faveur de Ken Saro Wiwa, que cela n’empêcha pas d’être assassiné par le dictateur Sani Abacha. J’en avais retiré de Wole Soyinka l’image d’un homme d’une culture incroyable, d’un écrivain au style splendide et d’un combattant courageux contre le fléau du Nigéria : les dictatures militaires.


  C’est surtout Aké qui m’a fait une profonde impression : les portraits de ses parents, tous deux en lutte pour l’indépendance du Nigéria, surtout sa mère, une femme fière  et indépendante, et le contexte tout différent dans lequel W.S. a grandi, proche du mien à la même époque, en ce qui concerne les conditions extérieures, mais dans mon cas sous le signe du fascisme.
     
   Et voici que je viens de lire la suite de ces souvenirs d’enfance « Il te faut partir à l’aube » [éd. all.Ammann Verlag, Zurich 2008, éd. fr. Actes Sud 2007]. Soyinka est resté le conteur splendide que je connais. Mais j’y ai aussi découvert un tout autre W.S. Un homme qui a tété en raison de son éducation chrétienne le  « doux lait de la bien-pensance ». Non qu’il soit devenu un bigot. Au contraire, il a réussi à se dégager au moins de la religion et à devenir un libre penseur, adepte de la philosophie des Lumières et de la grande tradition humaniste. Je veux parler du lait des médias occidentaux « main stream » (dominants).  Le drame de l’Afrique - ses intellectuels formés en Occident, depuis les écrivains jusqu’aux cadres militaires, qui sont donc - presque - tous des anticommunistes de choc, qui ne peuvent que mettre dans le même sac Hitler, Staline, Saddam, Franco et Pol Pot et ne voient de salut que dans les démocraties occidentales et leurs grandes figures. Ces intellectuels, qui ne réfléchissent pas aux traditions démocratiques propres à l’Afrique, ne s’appuient pas sur leur propre peuple, mais au contraire ne songent qu’à éviter le chaos, c’est à dire la révolution.



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