jeudi 1 octobre 2009

Référendum irlandais : pourquoi nous votons Non au Traité de Lisbonne

Discours de Des Dalton, vice-Président du parti irlandais Republican Sinn Fein, le 8 septembre 2009 à Vienne en Autriche. La réunion publique, intitulée « Le second référendum sur Lisbonne en Irlande », a vu la participation d'environ 200 personnes.
Traduit par Isabelle Rousselot et édité par Fausto Giudice,
Tlaxcala
Original :
Vote No to Lisbon Treaty
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Ayant déjà rejeté le traité de Lisbonne l'année dernière, les Irlandais sont forcés de voter une seconde fois. Plutôt que d'accepter le vote du peuple au référendum de 2008, le gouvernement irlandais a choisi d'ignorer ce vote. Sur ordre des commissaires au pouvoir à Bruxelles, ils imposent un second référendum – comme ils l'ont fait pour le traité de Nice en 2003 – en fait, ils se sont rangés du côté de l'élite politique européenne en opposition avec leur propre peuple. Le traité de Lisbonne n'a pas été renégocié et par conséquent, il n'a aucunement été modifié.

Leur campagne est basée sur la peur et la désinformation avec pour but de pousser les gens dans des États-Unis d'Europe militarisés. Les médias dominants sont des représentants volontaires de cette fabrique du consentement – pour paraphraser l'universitaire et militant US Noam Chomsky – avec juste un simulacre d'équilibre pour laisser de la place à ceux qui appellent à voter Non.

Six points essentiels sont au cœur de l'argumentation pour le rejet de Lisbonne :

1. Anthony Coughlan, à la tête des militants irlandais pour le Non, résume clairement, et en termes concrets, ce que signifie le traité de Lisbonne : « Les dispositions de Lisbonne qui supprimeraient la vieille Communauté Européenne que nous (l'Irlande) avons rejointe en 1973, instaurent légalement une nouvelle Union Européenne dont la forme constitutionnelle est celle d'une fédération supranationale et fait de nous tous de véritables citoyens de cette nouvelle entité étatique ».

Avec le Traité de Lisbonne, les gens deviendront des citoyens d'une Union Européenne fédérale. En cas de conflit, les droits et les devoirs des Irlandais en tant que citoyens seront subordonnés à leurs droits et devoirs envers le nouveau super-État de l'Union Européenne avec tout ce que cela implique.

2.Il est demandé au peuple irlandais de s'engager pour un État de l'Union Européenne dans lequel les lois seront d'abord passées sur la base de la taille de la population de chaque État membre. Par exemple, le nombre de voix pour l'Allemagne passera de 8 % à 17 % du vote total de l'UE tandis que les 26 autres États chuteront de 2 % à 0,8 %. Ce qui signifie que l'Allemagne aura 20 fois plus de votes que les 26 autres états tandis que la Grande-Bretagne, la France et l'Italie en auront 15 fois plus.

3. Le droit des 26 États membres de « proposer », son candidat à un poste de membre de la Commission de l'UE – le seul organe qui dispose du monopole de proposition pour toutes les lois de l'UE – serait remplacé par le droit de ne plus faire que des « suggestions ». La décision finale serait prise par le Président de la Commission européenne qui sera nommé par les États les plus grands. Ce qui signifie remplacer un processus de nomination ascendant par un processus descendant.

4. Le Traité de Lisbonne supprimerait le veto national que l'Irlande possède actuellement dans 30 nouveaux domaines politiques, passant la main au pouvoir européen pour faire des lois contraignantes pour le peuple irlandais dans des domaines tels que les services publics, le maintien de l'ordre, la criminalité, la justice, la santé publique, les transports, etc. Le Traité de Lisbonne est une charte pour l'économie libérale qui a causé l'effondrement économique que nous connaissons aujourd'hui. Ce qui aura des conséquences graves dans deux aspects importants. Premièrement, dans les changements de la politique économique et monétaire. Le Traité de Lisbonne ainsi que les dispositions des traités existants réduiront de façon substantielle, le contrôle démocratique que les citoyens pourraient avoir sur les mesures prises pour réduire les déficits budgétaires et les besoins d'emprunt. Actuellement, en Irlande, le gouvernement est en train de sacrifier les services publics et le niveau de vie des actifs pour sauver les banques. Cependant, la pression publique et la mobilisation du peuple peuvent changer le gouvernement et les mesures économiques qu'il a prises.

Par exemple, utiliser des investissements majeurs dans des projets publics pour stopper l'expansion du chômage et créer de nouveaux emplois. Une Commission européenne néo-libérale pourrait utiliser les pouvoirs qui lui ont été donnés par Lisbonne pour forcer les États à se conformer aux conditions budgétaires. Elle punirait les gouvernements qui souhaiteraient investir dans l'éducation, les services de santé et les transports publics. Et Monsieur et Madame Tout-le-Monde paieraient pour une crise capitaliste avec des coupes dans les services et les niveaux de vie, tout en cautionnant – comme la Commission européenne l'a déjà fait – les sauvetages pour plusieurs milliards d'Euros des banques et des spéculateurs.

En ce qui concerne les droits des travailleurs, la Cour de Justice européenne, dans un certain nombre de jugements importants, a mis les besoins et les priorités de marché au-dessus de ceux des salaires et des conditions de travail justes pour les personnes actives.

Les affaires Laval et Ruffert ont constitué deux jugements significatifs où la Cour de Justice européenne a statué que des entreprises employant des travailleurs d'un État membre dans un autre étaient autorisées à payer à ces travailleurs, des salaires largement plus bas que ceux négociés et conclus dans l'État d'accueil. Elle a basé ce jugement sur la primauté donnée par la législation de l’UE à la liberté de mouvement des biens, du travail et du capital.

Malgré l'affirmation que la « charte des droits fondamentaux » a été promue comme protection des droits des travailleurs. Cependant l'article 52 de la Charte – le libellé de cet article est fondé sur la jurisprudence de la Cour de Justice européenne – montre clairement que ces droits –droit de grève inclus – devront être exercés dans les conditions et les limites » du Traité de l'Union européenne et des traités de la Communauté. En résumé, il n'y aura pas de nouveaux droits pour les travailleurs avec Lisbonne et les droits promis seront soumis et inférieurs aux droits des employeurs et des entrepreneurs d'exploiter leurs employés pour des salaires plus bas et des conditions d'emploi inférieures.

5. Malgré ce que l'on nous dit, le ciel ne va pas tomber sur la tête de l'Irlande si nous rejetons Lisbonne une seconde fois. S'il y a un deuxième vote pour le Non, la République tchèque et la Pologne ne ratifieront pas le traité. Il se pourrait même que l'Allemagne elle-même ne l'ait pas ratifié au moment du référendum.

6. Même sans Lisbonne, la militarisation de l'Union européenne est une priorité, l'Agence européenne de défense est en réalité un moyen pour l'industrie d'armement européenne d'influencer la politique et les budgets européens. Des représentants de deux des plus grands fabricants d'armes d'Europe, BAE et Thales, figuraient avec des anciens politiciens, dans un groupe de travail qui a rédigé les clauses de sécurité et de défense de la Constitution européenne.

Le Traité de Lisbonne accroît l'importance politique de l'Agence européenne de défense. L'article 28 a mandaté l'agence pour prendre « toute mesure utile » qu'elle considérait nécessaire pour « renforcer la base industrielle et technologique » de la défense européenne. L'agence a également pour mission d'aider les gouvernements de l'UE à soutenir l'industrie de l'armement, en contrôlant leur observance des engagements de dépenses croissantes en équipement militaire, imposés par Lisbonne. Dans le traité, ces dépenses se rapportent à des « engagements de capacité ».

Comme rapporté dans le Sunday Business Post le 16 août, L'Institut d'Etudes de Sécurité de l'Union européenne (IESUE), le groupe de réflexion de politique étrangère de l'Union Européenne indique que l'Union européenne a besoin de « construire une double capacité civile et militaire solide »pour la prochaine décennie. Le Haut Représentant de l'UE –le Ministre des Affaires étrangères de facto de l'après-Lisbonne – Javier Solana, y a ajouté son poids : « Nous devons avoir le personnel et les capacités, autant civiles que militaires, pour soutenir ces ambitions politiques », écrit Solana.

Nous sommes en droit de demander dans quel but cette force militaire accrue va être utilisée. Est-ce pour combattre les « guerres de ressources du 21ème siècle » que le Président de la Commission européenne de l'époque, Jacques Delors, avait pronostiquées dans les années 1990. Pour être utilisée par le nord développé et riche contre le sud en développement et pauvre et posséder leurs ressources naturelles.

Notre campagne fait partie intégrante de la lutte contre l'impérialisme. Tout comme nous nous opposons à l'impérialisme britannique en Irlande, nous devons aussi nous opposer au nouvel impérialisme de l'UE. Le but du Traité de Lisbonne comme de la Constitution européenne est de construire un super-État anti-démocratique, militarisé et ultra-capitaliste. L'économiste irlandais, feu Raymond Crotty a décrit le projet européen comme « un impérialisme par d’autres moyens ».

La démocratie fonctionne mieux en termes de responsabilité et d'engagement du peuple, dans le processus démocratique à un niveau national – le Republican Sinn Fein préconise même une décentralisation plus poussée au niveau régional et local. Amener le pouvoir de décision à ce niveau rend la démocratie vivante et appropriée au peuple.

Non seulement nous croyons en la démocratie au sein des nations mais aussi entre elles. En tant que républicains irlandais, nous sommes aussi des internationalistes dédiés à la construction d’une communauté de nations libres. En nous opposant au Traité de Lisbonne, nous ne soutenons pas seulement la démocratie nationale mais aussi l'idéal d'une démocratie internationale et la véritable solidarité entre les nations dans la défense des droits humains.

Le Republican Sinn Fein a pour normes les principes démocratiques de la Proclamation de 1916 et nous considérons l'idée d'une Union européenne militarisée et non démocratique comme une subversion de ces principes. Levez-vous pour les droits des travailleurs, opposez-vous à la militarisation et à l'impérialisme, votez Non à Lisbonne II !

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