par Vicenç NAVARRO. Traduit par Gérard Jugant, édité par Fausto Giudice
Le 17 octobre on a célébré la Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté (voir aussi http://www.oct17.org/fr), qui a été l’occasion d’un nombre élevé de conférences sur la pauvreté. Pendant quelques jours ce fut un sujet visible dans les moyens de communication les plus importants du monde, bien qu’en Espagne cette visibilité ait été limitée. Dans les pays développés on a mis une fois de plus l’accent sur la nécessité d’ “aider” les pays pauvres, notamment par l’envoi d’aliments et de fonds. On a aussi mis l’’accent, dans divers forums internationaux, sur la nécessité de transférer connaissances et nouvelles technologies des pays riches aux pauvres pour augmenter la productivité de leurs secteurs agricoles, les plus importants dans leurs économies.
Cet intérêt médiatique pour le thème de la pauvreté se répète année après année à la même date. Et pendant ce temps, huit millions d’enfants meurent chaque année de malnutrition (un toutes les deux secondes), l’équivalent des morts que causeraient 43 bombes atomiques comme celle lancée sur Hiroshima, des bombes qui explosent chaque année sans produire aucun bruit. En réalité ce nombre de morts fait partie de la réalité qui nous entoure de telle manière qu’ils n’apparaissent même pas ni à la première ni même à la dernière page des journaux les plus importants du monde.
Ares, Cuba
Ce qui rend cette situation moralement intolérable est que du point de vue scientifique nous savons comment résoudre tant le problème de la pauvreté que de ses conséquences, dont la faim est la plus dramatique. Et le paradoxe de la situation est que la pauvreté n’est pas due au manque de ressources. En réalité, la planète a suffisamment de terre fertile pour alimenter deux fois la population existant aujourd’hui (FAO 2008). Dans les pays économiquement développés, les États vont même jusqu’à subventionner les agriculteurs pour qu’ils ne produisent pas plus d’aliments. Mais ce qui est encore plus intolérable est qu’on appelle ces pays pauvres, alors qu’ils ne le sont pas. Les pays ainsi appelés ont des populations de manière prédominante pauvres, mais eux-mêmes en soi ne le sont pas.
Pourquoi donc la pauvreté se produit-elle et se reproduit-elle? Si nous analysons le pays le plus pauvre du monde (la liste de candidats à une telle distinction est longue), nous verrons que les racines de la pauvreté sont faciles à voir, si on veut les voir. Le quotidien The New York Times, un journal d’orientation libérale, qui publie de temps à autre quelques informations qui ne cadrent pas avec cette sensibilité, a publié un rapport sur la pauvreté au Bangladesh, un des pays que l’on peut identifier comme les plus pauvres (24-1-05).
Ce rapport était écrit par un groupe d’économistes qui avait visité ce pays. Parmi leurs nombreuses observations ressortaient les suivantes: “Les racines du problème de la pauvreté au Bangladesh sont dans l’énorme concentration de la terre (le principal moyen de production dans une économie agricole) dans ce pays. Seulement 16% de la population rurale contrôle les deux tiers de toute la terre cultivable, tandis que 60% de la population possède seulement un acre (4 000 m2, NdT). D’autre part, le rapport ajoutait que “l’introduction des nouvelles technologies-comme des nouveaux fertilisants-accentuait encore plus la polarisation dans la propriété de la terre, car seuls les grands propriétaires peuvent avoir accès au crédit et à d’autres facteurs nécessaires pour pouvoir exploiter et utiliser les nouvelles technologies”.
Ce rapport était écrit par un groupe d’économistes qui avait visité ce pays. Parmi leurs nombreuses observations ressortaient les suivantes: “Les racines du problème de la pauvreté au Bangladesh sont dans l’énorme concentration de la terre (le principal moyen de production dans une économie agricole) dans ce pays. Seulement 16% de la population rurale contrôle les deux tiers de toute la terre cultivable, tandis que 60% de la population possède seulement un acre (4 000 m2, NdT). D’autre part, le rapport ajoutait que “l’introduction des nouvelles technologies-comme des nouveaux fertilisants-accentuait encore plus la polarisation dans la propriété de la terre, car seuls les grands propriétaires peuvent avoir accès au crédit et à d’autres facteurs nécessaires pour pouvoir exploiter et utiliser les nouvelles technologies”.
Quant à l’ “aide” qui provient de l’extérieur, le rapport signalait “que les responsables chargés de l’aide aux nécessiteux au Bangladesh reconnaissent eux-mêmes (dans des conversations privées) que seule une fraction minuscule des millions de tonnes d’aliments qui arrive dans le pays, comme partie de l’aide extérieure, finissent dans les mains des familles affamées qui en ont besoin. Les aliments de l’extérieur sont canalisés par le gouvernement, qui les vend aux militaires, à la police, aux classes moyennes des villes...”. Le rapport concluait que “l’énorme potentiel productif de terres énormément fertiles est tel que le Bangladesh pourrait alimenter une population bien supérieure à l’actuelle”.
Mais les produits alimentaires qui sont produits ne sont pas consommés, dans leur majeure partie, au Bangladesh, car la majorité de la population n’a pas un pouvoir d’achat suffisant. Au lieu de cela, ils sont exportés, surtout dans les pays de niveau de revenu plus élevé, ce qui contribue à reproduire ainsi une économie basée, non sur la consommation et la demande internes, mais sur la consommation externe et les exportations. Il semblerait que le plus logique serait de créer une telle demande interne, en redistribuant les ressources (dont la terre) pour permettre le développement du pouvoir d’achat de la grande majorité de la population.
Seulement voilà, la structure de pouvoir, monopolisée par les grands agriculteurs, s’oppose à de tels changements dans la redistribution. Comme le soulignait bien le rapport cité “le parlement de ce qui est prétendument un système politique démocratique (le Bangladesh figure dans la classification établie par le Département d’Etat des USA, comme une démocratie) est contrôlé par les grands agriculteurs. 75% des membres du Parlement possèdent de grandes superficies de terres, et il ya là peu de possibilités de changement”. Le système économique et politique soutenu en partie par l’armée et en partie par des systèmes d’information et de persuasion (avec des connexions à des groupes médiatiques étrangers), a de maigres possibilités de changement. La Constitution du pays, écrite par cette structure de pouvoir, inscrit par écrit l’impossibilité d'engendrer un tel changement. D’où la présentation de la défense de cette structure de pouvoir comme une défense de la démocratie.
Ce sont là les causes de la pauvreté, de la faim et de la malnutrition dans le monde. Et quand la population “pauvre” se mobilise pour changer cette situation, on l’accuse de violer l’ordre démocratique. Le cas du Honduras est le plus récent mais je doute qu’il soit le dernier. Ce sont là les causes de la pauvreté dans le monde, qui rarement apparaissent dans les médias de persuasion.
Source : Público-Las causas de la pobreza mundial
Article original publié le 29/10/2009
Sur l’auteur
Gérard Jugant et Fausto Giudice sont membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.
URL de cet article sur Tlaxcala : http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=9152&lg=fr
Article original publié le 29/10/2009
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