Original : Who Is a Jew? Reflections around Ahmadinejad's alleged 'Jewish past'
La question de savoir qui est juif (et qui ne l’est pas) est débattue en Israël depuis le jour même de la création de cet État. Dans l’Etat juif, les autorités gouvernementales, les rabbins et les médias piochent sans la moindre honte dans les lignées génétiques de tout un chacun. Pour les Israéliens et les juifs orthodoxes, la judaïté est manifestement un concept relatif au sang. Toutefois, la judaïté et les préoccupations liées au sang sont en train de devenir le sujet d’un débat croissant… au Royaume-Uni. Ces jours derniers, les quotidiens The Daily Telegraph et The Guardian s’efforçaient de trancher : le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad est-il simplement un « juif haineux de lui-même » ou bien n’est-il qu’un simple antisémite ordinaire ? Comme les rabbins israéliens, ces journaux fouillent dans les ascendants génétiques de M. Mahmoud. Ainsi, samedi dernier, le Daily Telegraph révélait qu’Ahmadinejad aurait eu un « passé juif ».
D’après l’article, une photographie du président iranien exhibant son passeport durant des élections, en mars 2008, suggère « de manière très claire » que sa famille avait des racines juives. The Telegraph a même trouvé des « experts » qui ont suggéré l’idée que « le lourd passif de M. Ahmadinejad en matière d’attaques haineuses contre les juifs pourrait être une surcompensation visant à dissimuler son passé ». Inutile de préciser qu’Ahmadinejad n’a jamais proféré la moindre attaque « haineuse » contre des juifs, comme le suggère ce quotidien. Il est, à n’en pas douter, un détracteur déterminé de l’Etat juif et de sa raison d’être [en français dans le texte, NdT]. Il est également très critique à propos de la mobilisation manipulatoire de l’holocauste au détriment du peuple palestinien.
La "preuve révélée" par le Telegraph
L’on est fondé à se demander comment il se fait qu’un média occidental s’engage ainsi, sélectivement, dans des questions relatives à l’origine raciale ou ethnique (appelez-la comme vous voudrez) du président iranien. A la fin des fins, la fouille dans le passé ethnique et dans la lignée familiale des gens n’est pas le genre de pratique banale à laquelle l’on s’attendrait de la part de la presse occidentale... ; c’est là quelque chose que l’on aurait tendance à laisser aux racistes, aux nazis et aux rabbins… Mais pour une raison que j’ignore, personne, dans le milieu de la soi-disant presse libre, ne s’est donné la peine de se pencher sur les liens étroits entre l’escroc multimilliardaire Bernie Madoff et sa tribu. La presse (dite) libre s’est dispensée, aussi, de creuser l’ethnicité de Wolfowitz, en dépit du fait que la guerre sioniste qu’il nous a imposée a coûté un million et demi de morts (pour l’instant, tout au moins). Si vous vous demandez comment il se fait qu’un média occidental « libre » fasse appel à la « pathologie » au sujet d’un président iranien, la réponse est simple, pour ne pas dire triviale :
L’ainsi dénommé « occident libéral » en est encore à tenter de trouver des réponses au Président Ahmadinejad dans le royaume de la raison. Il est dépourvu de la capacité argumentative qui lui permettrait de répondre à Ahmadinejad. En lieu et place, il insiste à inventer de toutes pièces des arguties racialement connotées qui ne tiennent absolument pas la route. « En faisant des déclarations anti-israéliennes », nous dit doctement le Daily Telegraph, « il [Mahmoud Ahmadinejad] est en train de chercher à repousser tout soupçon à propos de ses origines juives ». La réalité saute aux yeux : Ahmadinejad a d’ores et déjà réussi à rediriger un faisceau lumineux de raisonnement et de scepticisme précisément sur le recoin le plus obscur de notre hypocrisie, afin de le mettre en évidence aux yeux de tous. D’une certaine manière, Ahmadinejad réussit à nous rappeler, à nous tous, la signification du verbe ‘penser’.
Il est tout à fait impossible de nier le fait que l’approche qu’Ahmadinejad a de l’holocauste et d’Israël est cohérente, logique et valide. Par son discours, il semble viser trois questions principales :
1 – Près de soixante millions de personnes ont été tuées du fait de la Seconde guerre mondiale, en grande majorité des civils innocents. Comment se fait-il, demande Ahmadinejad, que nous insistions ainsi à nous concentrer sur la particularité des souffrances d’un groupe « très » particulier de personnes, à savoir les juifs ?
2 – Le Président iranien affirme à juste titre que ce chapitre de l’Histoire doit être examiné du point de vue de l’historien. Cela signifie aussi que tout événement passé doit être soumis à examen, à élaboration et à révision. « Si nous nous autorisons à remettre en question Dieu et les Prophètes, alors nous devons aussi nous autoriser à mettre en question l’holocauste » ;
3 – Sans égard pour la véridicité de l’holocauste, le fait que la souffrance des juifs, en Europe, n’avait strictement rien à voir avec le peuple palestinien est une vérité banale. Par conséquent, il n’y a aucune raison pour que le peuple palestinien ait à payer pour des crimes perpétrés par d’autres. Si certains dirigeants occidentaux se sentent coupables de crimes commis par leurs propres ancêtres à l’encontre des juifs (ce qu’ils semblent affirmer), ils feraient mieux d’allouer des terres aux juifs à l’intérieur de leurs territoires respectifs, plutôt que d’attendre des Palestiniens qu’ils continuent à porter le meurtrier fardeau sioniste.
Tout autant il est évidemment clair que les points ci-dessus, soulevés par Ahmadinejad, sont totalement valides, il est douloureusement transparent que l’Occident est dépourvu des moyens d’affronter ces questions. En lieu et place, nous semblons enclins à recourir à la suprématie et à un discours pseudo-scientifique faisant appel au sang, à la pathologie et à une psychanalyse de comptoir.
Aussi embarrassant que cela paraisse, en deux coups de cuiller à pot, Ahmadinejad réussit à mettre à nu le mode de discussion occidental actuel, qui se caractérise par la tromperie. De fait, il met le doigt sur l’holocauste, qu’il identifie comme étant le coeur de notre position hypocrite, une tendance qui a fini par faire voler en éclats notre jugement moral. L’holocauste n’avait pour seule raison d’être que de détourner l’attention des crimes colossaux perpétrés par les Alliés. Hiroshima, Nagasaki et Dresde ne sont que quelques-uns des exemples de génocide institutionnalisé perpétré par l’empire anglophone. L’holocauste a réussi à mûrir au point de devenir une nouvelle religion. Pourtant, il est dépourvu de théologie. Il n’autorise aucune forme de critique ou d’aggiornamento. C’est, de fait, une religion antioccidentale inspirée par la haine et par la vengeance. Cette religion est obscurantiste, elle est aveugle et elle est totalement dépourvue de tout sens de la miséricorde et de la compassion. C’est un credo qui déclare la guerre à toute forme de doute. C’est un système de croyance frustre et brutal, qui s’oppose aux notions de liberté et de bonté. Et (comme si cela ne suffisait pas) ceux qui adhèrent à cette religion sont complices d’une agression en cours contre la grâce et la paix.
En l’état actuel des choses, les médias britanniques doivent encore décider si Ahmadinejad est un « juif rebelle » ou simplement un « Meshugena Goy* ». Ainsi, le Guardian a été particulièrement prompt à publier sa propre approche du sujet, qui réfute la version dont nous a gratifié le Telegraph. Toutefois, une chose est claire : ni le Guardian ni le Telegraph, ni un quelconque autre media soi-disant « libre » ne le sont suffisamment (libres) pour répondre aux questions qu’Ahmadinejad soulève : 1 – Pourquoi seulement les juifs ? 2 – Pourquoi dites-vous NON à tout examen du passé ? 3 – Pourquoi les Palestiniens doivent-ils payer les pots cassés ?
Au lieu de s’attacher à traiter ces questions élémentaires et néanmoins cruciales, les journaux à grande diffusion britanniques succombent à une fouille de lignées ethniques non exempt de racisme.
Au lieu de s’abandonner à l’interrogation sioniste banale : « Qui est juif ? », je suggère que nous fassions quelque peu avancer le débat en posant cette question très simple : « Que signifie la judaïté ? »
* Meshugena Goy : Gentil fou (du yiddish meshuggener, fou) [NdE]
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