par
Stathis Kouvelakis Στάθης Κουβελάκης, SYRIZA Paris, 17/12/2012
Il
y a donc une odeur particulière à l’Athènes de ce début du deuxième
hiver de l’ère des Mémorandums: l’odeur du bois qui brûle dans les
cheminées et les poêles qui ont un peu partout remplacé le chauffage au
fioul désormais inabordable. Résultat: le soir, la ville est
enveloppée d’une sorte de nappe de brouillard, qui va de pair avec
l’odeur âcre de la combustion – pas désagréable du reste et, pour moi,
toujours associée à la période des fêtes de fin d’année, quand ma mère
faisait marcher la belle cheminée du salon, pour « faire ambiance de
Noël » comme elle disait.
A ce train, on peut toutefois supposer que les murs vont bientôt
être couverts de suie et qu’Athènes ressemblera à Paris ou Londres des
années 1930 – sous cet aspect seulement. Autre résultat (tout aussi
désastreux pour l’environnement): les forêts (ou ce qui en reste) sont
déboisées de façon sauvage, comme sous l’Occupation – mais aussi les
champs d’oliviers, ce qui ne s’était jamais vu, même sous l’Occupation.
Les journaux (6 Jours - 13/122012) s’alarment du "petit smog" d’Athènes
Effet étrange de ce « nouveau » mode de chauffage dans le paysage urbain: on trouve un peu partout, sur des bords de trottoir, des terrains inoccupés, des échoppes ou des stands qui vendent du bois de chauffage un peu partout, qui furent parfois d’anciens points de vente de plantes d’intérieur. Les rues, la plupart du temps vides et mal éclairées, prennent une vague allure semi-rurale.
Marchand de bois à Athènes
Mais à cette odeur de feu de bois peut parfois se mêler une autre,
autrement plus sinistre : le 9 décembre, près de Kavala, dans le nord du
pays, trois enfants de cinq, sept et quatorze ans sont morts dans
l’incendie causé par un poêle à bois laissé sans surveillance. En
attendant les morts causés par le froid d’un hiver qui s’annonce
rigoureux (contrairement à ce que pensent la plupart des étrangers,
habitués à ne voir que les îles et zones côtières), la plus grande
partie du territoire grec, qui abrite près de la moitié de la
population, connaît des hivers de type continental (en cela aussi
Angelopoulos a su capter la vérité profonde du paysage grec, intérieur
et extérieur).Le seul commerce qui semble prospérer à Athènes, à part celui du bois de chauffage, est celui de l’or. Ce sont les seules enseignes récentes, pimpantes et agressives, dans des rues où près de la moitié des commerces ont mis la clé sous la porte. Les pauvres, plus exactement: les paupérisés, sont invités à ce débarrasser de bijoux de famille et autre signes d’une aisance révolue. Mais ce commerce est également à l’affût d’autres emplacements: ainsi la chaîne Carrefour en installé dans certains de ses supermarchés, juste à côté des caisses, rétablissant ainsi partiellement la fonction de l’or comme moyen de paiement. Jacques Sapir a par ailleurs calculé qu’au moins un tiers de l’économie grecque est hors échange monétaire (troc, économie de subsistance, etc).
Ai revu D. au comité central de Syriza pour la première fois depuis deux ans. Elle travaille dans un cabinet de notaire depuis longtemps et vit seule son avec fils, qui a dix-neuf ans maintenant. Son employeur a vu son chiffre d’affaires diminuer des trois quarts. Il a refusé de diminuer son salaire, mais l’a fait passer à mi-temps. Elle essaie donc de survivre avec 500 euros par mois. Pendant le vote pour l’exécutif de Syriza, elle a passé une bonne demi-heure à me raconter comment elle a rétabli chez elle le courant avec l’aide des militants de DEI (principale entreprise d'électricité) de son quartier. Elle a enchaîné les stratagèmes pour se déplacer en métro sans ticket, souvent en récupérant les tickets toujours valides des voyageurs qui sortent des stations (tout billet est valable 90 minutes pour un trajet dans la même direction). Comme son fils, qui a essayé de passer en juin le concours des Beaux-Arts (sans prépa, inabordable).
Yannis Tsarouhis, Le Café Néon (Nuit), 1965-1966, Pinacothèque Nationale, Athènes
Quotidiennement, les journaux publient de nouvelles listes des biens publics proposés à la privatisation. Il a été question de vider les îles de moins de 150 habitants, une bonne douzaine, en transférant leur population, officiellement pour faire des économies. En réalité, le Mémorandum prévoit la vente de toutes les îles inhabitées. Il prévoit également la mise sous séquestre de la totalité des biens publics, sans aucune restriction, en cas de non-recouvrement de la dette. Le mot d’ordre de la Bild Zeitung « privatiser l’Acropole » est en passe de se réaliser.
Bild-Zeitung, 27/10/2010 :
"La Grèce a plus de 3 000 îles, la plupart dans l'Egée. Seules 87 sont habitées. L'Acropole a une valeur estimée à 100 milliards d'Euro. Le gouvernement d'Athènes veut maintenant réduire fortement ses dépenses - Mais si ça ne suffit pas ?
Vendez donc vos îles, espèces de Grecs en faillite
...et l'Acropole avec"
Pendant la pause du comité central, je pars avec deux camarades
passer les commandes d’usage au café d’en face. La petite salle est
remplie d’hommes, manifestement usés, qui peuvent avoir n’importe quel
âge entre 40 et 55 ans, buvant pour la plupart des petits verres de
ouzo, accompagné d’un mézé frugal. La télé transmet un match de foot. Un
relatif silence s’installe pendant que nous attendons les cafés et les
sandwichs. Puis un homme prend la parole, sous le regard approbateur
des autres, et s’adressant à nous dit avec solennité: « dites à Alexis
(Tsipras) que maintenant il faut vraiment foncer »."La Grèce a plus de 3 000 îles, la plupart dans l'Egée. Seules 87 sont habitées. L'Acropole a une valeur estimée à 100 milliards d'Euro. Le gouvernement d'Athènes veut maintenant réduire fortement ses dépenses - Mais si ça ne suffit pas ?
Vendez donc vos îles, espèces de Grecs en faillite
...et l'Acropole avec"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire