par
Beatrix Campbell
, 13/12/2012. Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Nous
avons besoin d'une enquête publique pour établir qui dans l'État
britannique a autorisé les services de renseignement à fournir des
informations aux paramilitaires loyalistes.
Quand un «complot» n'est-il que «collusion»? Et quand la collusion n'est-elle que routine ? Sir
Desmond de Silva ne répond pas à ces questions vitales dans son examen
de l'assassinat en 1989 de l'avocat des droits humains Pat Finucane à
Belfast. Mais
il fait quelque chose de plutôt puissant: il publie des documents
secrets jusque-là, et ce faisant, il sape sa propre interprétation des
preuves, à savoir qu'il n'y pas eu " de complot global d'État".
Presque malgré lui, son rapport invite à la conclusion que le «complot» est une diversion. Il n'y a pas eu besoin d'un complot: tuer les nationalistes et menacer avocats était normal en Irlande du Nord.
Presque malgré lui, son rapport invite à la conclusion que le «complot» est une diversion. Il n'y a pas eu besoin d'un complot: tuer les nationalistes et menacer avocats était normal en Irlande du Nord.
Geraldine Finucane, la veuve de l' avocat de Belfast Pat
Finucane, assassiné en 1989, avec ses enfants à Londres cette semaine,
suite à la publication du rapport De Silva. Photographie: Andrew Winning / Reuters
Il lui a été demandé d'examiner si l'État était impliqué. La réponse est simple: oui, c'est vrai. Il y avait une collusion globale de l'État pour tuer des citoyens britanniques ciblés en Irlande du Nord. Que
pouvons-nous faire de la preuve que les forces de sécurité ont déversé
"des milliers d'éléments de renseignement", dont certains "curieusement
détaillés insolite", à l'UDA loyaliste?
De Silva révèle une statistique alarmante: "85 pour cent de ces [renseignements] étaient extraits des dossiers des forces de force". Cela nous indique que les services de renseignement des forces de sécurité ont répercuté en cascade à l'UDA un programme d'assassinats ciblés alors qu'il était en train de réduire à néant l'accord de paix anglo-irlandais de 1985. Ce n'était pas du contre-terrorisme, ce fut une stratégie de l'État pour parrainer - un mot que de Silva rejette - des paramilitaires nationalistes [loyalistes, NdT], auxiliaires, incontrôlables et sectaires chargés de terroriser les nationalistes [républicains, NdT] et de mettre à bas le processus de paix.
De Silva confirme qu'un torrent de renseignements, de photographies, de cartes et de profils ont été livrés par l'armée et la Royal Ulster Constabulary directement à l'UDA, et que Finucane était l'un des nombreux avocats qui ont reçu le «point noir» et des menaces de mort répétées.
Les services de sécurité ont également arrêté un bon nombre de loyalistes, insiste De Silva, comme s'il s'agissait d'une preuve d'impartialité. Mais ces arrestations peuvent être interprétées d'une autre manière: ils n'étaient pas entrain de neutraliser les loyalistes, mais de les contrôler, ils ne les mettaient pas hors d'état de nuire, ils les dirigeaient - en leur donnant quelque chose de plus meurtrier que des fusils ou des bombes: de l'information.
Ceux qui dirigeaient la RUC, l'armée, le Bureau d'Irlande du Nord (Northern Ireland Office ) et la Commission conjointe de renseignement (Joint Intelligence Committee) – un qui deviendra plus tard célèbre pendant la débâcle de la guerre d'Irak - considéraient les loyalistes comme une racaille vitale, mais peu recommandable. Ainsi, l'unité de recherche de l'armée (Force Research Unit) a engagé un ex-soldat, Brian Nelson, pour rationaliser la machine à tuer l'UDA. De Silva décrit Nelson comme "un employé direct de l'État tout terrain, bon à tout faire" - un aveu remarquable. Le MI5 l'a utilisé pour orchestrer des livraisons d'armes d'Afrique du Sud distribuées aux loyalistes. Il apparaît que l'État, avait pris le contrôle du réarmement des paramilitaires.
De Silva révèle une statistique alarmante: "85 pour cent de ces [renseignements] étaient extraits des dossiers des forces de force". Cela nous indique que les services de renseignement des forces de sécurité ont répercuté en cascade à l'UDA un programme d'assassinats ciblés alors qu'il était en train de réduire à néant l'accord de paix anglo-irlandais de 1985. Ce n'était pas du contre-terrorisme, ce fut une stratégie de l'État pour parrainer - un mot que de Silva rejette - des paramilitaires nationalistes [loyalistes, NdT], auxiliaires, incontrôlables et sectaires chargés de terroriser les nationalistes [républicains, NdT] et de mettre à bas le processus de paix.
De Silva confirme qu'un torrent de renseignements, de photographies, de cartes et de profils ont été livrés par l'armée et la Royal Ulster Constabulary directement à l'UDA, et que Finucane était l'un des nombreux avocats qui ont reçu le «point noir» et des menaces de mort répétées.
Les services de sécurité ont également arrêté un bon nombre de loyalistes, insiste De Silva, comme s'il s'agissait d'une preuve d'impartialité. Mais ces arrestations peuvent être interprétées d'une autre manière: ils n'étaient pas entrain de neutraliser les loyalistes, mais de les contrôler, ils ne les mettaient pas hors d'état de nuire, ils les dirigeaient - en leur donnant quelque chose de plus meurtrier que des fusils ou des bombes: de l'information.
Ceux qui dirigeaient la RUC, l'armée, le Bureau d'Irlande du Nord (Northern Ireland Office ) et la Commission conjointe de renseignement (Joint Intelligence Committee) – un qui deviendra plus tard célèbre pendant la débâcle de la guerre d'Irak - considéraient les loyalistes comme une racaille vitale, mais peu recommandable. Ainsi, l'unité de recherche de l'armée (Force Research Unit) a engagé un ex-soldat, Brian Nelson, pour rationaliser la machine à tuer l'UDA. De Silva décrit Nelson comme "un employé direct de l'État tout terrain, bon à tout faire" - un aveu remarquable. Le MI5 l'a utilisé pour orchestrer des livraisons d'armes d'Afrique du Sud distribuées aux loyalistes. Il apparaît que l'État, avait pris le contrôle du réarmement des paramilitaires.
Le militant des droits humains Pat Finucane (1949-1989)
ciblé par l'establishment britannique
exécuté par des escadrons de la mort unionistes
"Si vous ne défendez pas les avocats des droits humains, qui défendra les droits humains ?" (Rosemary Nelson)
ciblé par l'establishment britannique
exécuté par des escadrons de la mort unionistes
"Si vous ne défendez pas les avocats des droits humains, qui défendra les droits humains ?" (Rosemary Nelson)
Tout cela est connu. De fait, les assassins de Pat Finucane sont connus. Des
journalistes d'investigation, des défenseurs des droits de l'homme et
des loyalistes eux-mêmes, se vantant de leurs exécutions, nous ont dit
qui l'a fait. Mais qu'y-a-t-il d'autre encore congelé dans les donjons de l'État? L'insistance de Silva à dire que des ministres ne pouvaient pas savoir qui était ciblé est bizarre. Il
semble prendre pour argent comptant qu' ''aucun élément de dossier n'a
été identifié" selon lequel des ministres auraient été informés sur les
renseignements livrés aux loyalistes. Toutefois,
il enregistre une réunion sur la politique de sécurité, le 26 Septembre
1989 - avant l'assassinat de Finucane - en présence du secrétaire
d'État à l'Irlande du Nord et des chefs des forces de sécurité, qui
avait été organisée justement pour discuter de la circulation de
l'information.
De Silva confirme que les chefs des services de sécurité, le procureur général, les secrétaires à la Défense et à l'Irlande du Nord, et le n ° 10 [de Downing Street, c'est-à-dire le Premier ministre, Margaret Thatcher, NdT] a discuté de la possibilité de dommages à la confiance du public que pourrait provoquer "notre attachement à la primauté du droit". Le secrétaire du cabinet et le Premier ministre se sont entendus dire en 1991 que les accusations potentielles contre Nelson étaient "aussi graves qu'elles pourraient l'être", et que la FRU elle-même "pourrait être amenée à être démantelée" si le public apprenait ce qu'elle avait fait. La FRU a en effet été dissoute - ou plutôt elle s'est réincarnée, sous le nom d'Unité de reconnaissance spéciale [Special Reconnaissance Unit], et a ensuite été impliquée dans la fusillade qui causa la mort de Jean Charles de Menezes.
L'alternative - que les ministres ont préféré savoir et en même temps ne pas savoir, pouvant ainsi toujours apporter des démentis - est pire : ils ne se souciaient pas de savoir si des catholiques vivaient ou mouraient aussi longtemps que les Britanniques gagnaient la guerre.
Si l'étude de De Silva bagatellise la question de "l'implication de l'État" en évacuant l'hypothèse de la conspiration, il a quand même fait quelque chose d'utile: il nous en dit plus que ce que nous savions auparavant sur la synergie sinistre entre le système de sécurité et les tueurs loyalistes.
Il y a plus à dire. Nous avons maintenant besoin d'une enquête publique - pas pour savoir qui a tué Pat Finucane, mais pour découvrir qui a autorisé l'ensemble du système, afin de s'assurer qu'ils se retrouvent face à la justice, et que la Grande-Bretagne ne se compromettra plus dans de tels meurtres. La FRU et son patron, Gordon Kerr, n'ont jamais été sommés de rendre des comptes. Et l'Irlande du Nord est le prototype pour la contre-insurrection britannique dans la soi-disant guerre contre le terrorisme.
L'importance du rapport De Silva n'est pas qu'il exonère Whitehall [le gouvernement britannique, NdT], mais que, au contraire, il ouvre plus de possibilités de recherche de la vérité pour la famille Finucane. David Cameron se trompe s'il croit que son aveu et les excuses présentées à la Chambre des communes cette semaine mettent un point final à cette affaire.
De Silva confirme que les chefs des services de sécurité, le procureur général, les secrétaires à la Défense et à l'Irlande du Nord, et le n ° 10 [de Downing Street, c'est-à-dire le Premier ministre, Margaret Thatcher, NdT] a discuté de la possibilité de dommages à la confiance du public que pourrait provoquer "notre attachement à la primauté du droit". Le secrétaire du cabinet et le Premier ministre se sont entendus dire en 1991 que les accusations potentielles contre Nelson étaient "aussi graves qu'elles pourraient l'être", et que la FRU elle-même "pourrait être amenée à être démantelée" si le public apprenait ce qu'elle avait fait. La FRU a en effet été dissoute - ou plutôt elle s'est réincarnée, sous le nom d'Unité de reconnaissance spéciale [Special Reconnaissance Unit], et a ensuite été impliquée dans la fusillade qui causa la mort de Jean Charles de Menezes.
L'alternative - que les ministres ont préféré savoir et en même temps ne pas savoir, pouvant ainsi toujours apporter des démentis - est pire : ils ne se souciaient pas de savoir si des catholiques vivaient ou mouraient aussi longtemps que les Britanniques gagnaient la guerre.
Si l'étude de De Silva bagatellise la question de "l'implication de l'État" en évacuant l'hypothèse de la conspiration, il a quand même fait quelque chose d'utile: il nous en dit plus que ce que nous savions auparavant sur la synergie sinistre entre le système de sécurité et les tueurs loyalistes.
Il y a plus à dire. Nous avons maintenant besoin d'une enquête publique - pas pour savoir qui a tué Pat Finucane, mais pour découvrir qui a autorisé l'ensemble du système, afin de s'assurer qu'ils se retrouvent face à la justice, et que la Grande-Bretagne ne se compromettra plus dans de tels meurtres. La FRU et son patron, Gordon Kerr, n'ont jamais été sommés de rendre des comptes. Et l'Irlande du Nord est le prototype pour la contre-insurrection britannique dans la soi-disant guerre contre le terrorisme.
L'importance du rapport De Silva n'est pas qu'il exonère Whitehall [le gouvernement britannique, NdT], mais que, au contraire, il ouvre plus de possibilités de recherche de la vérité pour la famille Finucane. David Cameron se trompe s'il croit que son aveu et les excuses présentées à la Chambre des communes cette semaine mettent un point final à cette affaire.
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